Ces dernières années, la mode de la cuisine fusion aidant, on a tout servi à Noël : des antipasti, des sushi, des satays indonésiens, du tofu sculpté en forme de dinde. Mais dans une belle synchronicité, les Québécois commencent à en avoir assez de l'exotisme et retournent sans tambour ni trompette vers le terroir. Exit les amuse-gueule postmodernes. Bienvenue cipaille, tourtière, ragoût de pattes et beignes traditionnels...

La vague de fond du Slow Food a eu toutes sortes d'effets insoupçonnés sur notre manière d'envisager notre rapport à la nourriture, dont celui de remettre la tradition au goût du jour. En ce moment, il n'y a rien, ab-so-lu-ment rien de plus tendance que de retrouver les recettes de grand-mère en les dépoussiérant. Ce qui ne nous empêche pas d'alléger son succulent ragoût de pattes de porc en le dégraissant et en utilisant du porc bio ; ce qui ne nous empêche pas non plus de faire une recette de cipaille ou de tourtière du Lac en s'offrant un éventail de gibiers d'élevage maigres et goûteux tout en réduisant la quantité de pâte brisée utilisée.

Le renouveau gastronomique de Noël...

Un des plats les plus «renouveau gastronomique» du répertoire du Noël québécois en ce moment, c'est la fameuse tourtière du Lac-Saint-Jean. Ses sources d'inspiration et ses origines qui se perdent dans notre folklore sont déjà en soi une belle histoire de Noël. Je vous propose d'amener la discussion sur le sujet lors du réveillon du 24 décembre dans la belle-famille. Vous verrez : ce sera tellement controversé que vous en oublierez de sortir votre ancienne trousse de La Fureur ou votre arsenal de karaoké pour animer la soirée...

Déjà qu'il y a autant de recettes de cette fameuse tourtière du Lac qu'il y a de pêcheurs de ouananiche entre Roberval et Péribonka... Il y a là, en soi, amplement matière à argumentation musclée : est-ce qu'on met, ou pas, du lièvre ? Peut-on vraiment, en tout état de cause, remplacer le noble orignal chassé par l'oncle Paul par de vulgaires cubes de boeuf de l'Ouest ? Paraîtrait que certains poussent l'audace jusqu'à mettre des carottes dans la recette... Parlez-moi de dénaturer un plat traditionnel... Du vin rouge dans le bouillon ? Quossé-ça ? Je vous dis, juste avec la recette, vous irez jusqu'aux 12 coups de minuit. Réservez-vous la deuxième partie du débat pour le moment d'ouvrir les cadeaux...

Les origines du cipaille

Là où les choses se corsent encore plus, c'est lorsqu'il faut dépatouiller tourtière, tourtière du Lac, cipaille, cipâte, six-pâtes, sea pie et pâté à la viande. La plus transculturelle des grands-mères y perdrait son latin... D'abord, la technique de cuire ensemble toutes sortes de gibiers nous viendrait des Montagnais, qui n'ont jamais réclamé la paternité de la recette, même s'ils ont transmis leur savoir-faire aux premiers colons du Lac-Saint-Jean. On peut donc dire que la célèbre tourtière du Lac, à base de gibier, est bel et bien un plat typiquement jeannois.

Ce qui n'est pas le cas avec le cipaille, dont les origines officielles sont bien documentées. On en retrouve les premières traces dans le livre de recettes Hannah Glasse's Cookbook, en 1747. C'est là qu'elle y donne pour la première fois la recette d'un «Cheshire Pork Pie for Sea» qui consistait en des couches superposées de porc salé, de viande et de pommes de terre. La recette se retrouve ensuite en Gaspésie, sous le nom de sea pie, puis francisée en cipaille ailleurs au Québec. Éventuellement, l'étymologie du mot aurait inspiré certaines ménagères, qui se seraient mises à superposer six couches de pâte à tarte entre les étages de viande pour en faire du six-pâtes. La tourtière elle, avant d'être ce pâté aux tourtes dont nos ancêtres se régalaient, était d'abord l'instrument de terre cuite dans lequel on faisait cuire les oiseaux. Avec l'extinction des tourtes, on a fini par remplacer l'expression tourtière par celle, plus juste, de «pâté à la viande». Ce plat à base de porc haché et d'oignons est originaire du Québec. Mais sa réputation a traversé la rivière des Outaouais et on a fini par apprendre à faire des pâtés à la viande partout à travers le Canada anglais. Ils sont très populaires à Noël, avec la dinde. Sauf que ça vient de chez nous. Faudrait pas l'oublier...

Pâtés à la viande du Petit Cochon Dingue (donne 2 pâtés)

1,6 kg (3,5 lb) de porc haché maigre

675 gr (1 lb et 3/4) de veau haché maigre

315 gr (1 t 1/4) de pommes de terre râpées

250 gr (1 t) d'oignons émincés

8 gr (1 1/2 c à t) d'épices mélangées à tourtière

8 gr (1 1/2 c à t) de poivre noir

8 gr (1 1/2 c à t) de sel

1. Cuire la viande, les oignons et les épices pendant 1 heure à feu moyen.

2. Ajouter les pommes de terre râpées et laisser mijoter 30 minutes.

3. Dans un fond de pâte à tarte, mettre la moitié de la préparation et recouvrir d'une abaisse.

4. Cuire dans un four préchauffé à 350°F pendant 1 heure.

5. Servir avec du ketchup aux fruits.

Beignes façon de Grand-Mère du petit Cochon Dingue (donne 55 beignes)

1/2 lb de beurre

2 t de sucre blanc

6 oeufs

10 t de farine

8 c à thé de poudre à pâte

1 c à thé de sel

1/2 c à thé de muscade

1 1/4 t de lait

1 t de crème à 15 % de m.g.

2 onces des Brandy

1. Faire la pâte 1 journée d'avance et réfrigérer jusqu'au lendemain.

2. Dans un bol : Bien mélanger le beurre avec le sucre pour faire un mélange homogène. Ajouter les oeufs en évitant de trop brasser.

3. Dans un autre bol : tamiser la farine, la poudre à pâte, le sel et la muscade.

4. Ajouter les ingrédients secs au premier mélange en alternant avec le lait et la crème. Finir avec le Brandy.

5. Rouler en boule sur une table enfarinée et réfrigérer.

6. Le lendemain : Rouler la pâte à l'épaisseur désirée (1/2 pouce) et couper à l'emporte-pièce.

Truc du chef : Pour un meilleur résultat, congeler 1 heure les beignes portionnés avant de les faire cuire dans une huile de bonne qualité à 350°F. Tourner les beignes lorsqu'ils sont bien dorés.

Ketchup rapide aux fruits d'hiver d'Anne Desjardins

2 kg (4,5 lb) de tomates rouges hachées en conserve égouttées

1 poivron rouge en dés

1 poivron vert en dés

1 poivron jaune de dés

1 oignon vidalia (ou rouge) haché finement

250 ml (1 t) de vinaigre de cidre

2 pommes Cortland hachées et citronnées

2 poires mûres hachées

125 ml (1/2 t) de canneberges fraîches

un petit sachet d'épices à marinades

1 bâton de cannelle

125 ml (1/2 t) de miel liquide

15 ml (1 c à s) de sel

1. Dans une marmite non réactive à fond très épais, mélanger tous les ingrédients.

2. Cuire à feu moyen-doux pendant deux heures en brassant régulièrement. Se congèle très bien.

3. Servir avec vos tourtières et pâtés à la viande.