Oubliez les guirlandes de popcorn et les bonshommes de neige en tricot. Longtemps assimilé aux astuces de grand-mère, le fait main retrouve ses lettres de noblesse et favorise la création de décorations aussi modernes que design.

Forte de cette aura positive, la tendance gagne du terrain et ne cesse de recruter de nouveaux adeptes dans la foulée. La chaîne de télévision américaine DIY (pour « Do it yourself » ou « Faite-le vous-même ») compte plus de 56 millions d'abonnés, les guides de bricolage maison envahissent les tablettes des librairies et les propositions de projets fleurissent sur la Toile, au point de générer plus de 288 millions d'occurrences sur le moteur de recherche Google. En clair, le phénomène se décline sur tous les fronts, des vêtements aux travaux de rénovation en passant par les bijoux et les gadgets électroniques.En tant que styliste déco et blogueuse pour l'An vert du décor, Chloé Comte est aux premières loges du mouvement: «La section bricolage de mon site suscite énormément de réactions, surtout depuis un an ou deux. Le fait main n'est plus l'apanage des artistes. Il est partout. Même les grandes chaînes comme IKEA présentent des projets du genre à partir de leurs produits.»

Création 2.0

Le fait main n'est évidemment pas nouveau. Depuis toujours, les bidouilleurs habiles démontent et confectionnent des objets de leur cru au lieu de se précipiter en magasin. Si cette manière de faire connaît actuellement une renaissance, c'est entre autres grâce aux nombreux tutoriels et contenus interactifs de qualité offerts sur le web: «Les sites comme Instagram, Etsy et Pinterest nous ont débarrassés de cette image de pantoufles en Phentex qui nous collait à la rétine, ajoute Émilie Hébert, fondatrice de la boutique en ligne La-fabrique-à-bricole et copropriétaire de la boutique Article 721 avec Marc-André Roy. Grâce au web, son principal vecteur de diffusion, le fait main est maintenant synonyme de modernité.»

Avec ses coussins excentriques et ses lampes fabriquées avec des bidons d'essence recyclés, la boutique Article 721 de Limoilou est une véritable caverne d'Ali Baba pour les adeptes de fait main. Émilie Hébert y vend non seulement ses créations, mais elle y expose aussi ses coups de coeur québécois. Même la décoration des lieux est un hommage au mouvement: un vieux guidon de vélo en guise de support à bijoux, des cabines d'essayage en palettes de bois, un bâton de golf transformé en support à vêtements...

«Petite, ma mère refusait de m'acheter des poupées Bout d'chou, raconte Émilie Hébert. Elle préférait se procurer des patrons et les confectionner elle-même. Sa philosophie? Pourquoi l'acheter quand on peut le fabriquer? J'ai donc grandi dans cet esprit de récupération et de création, alors que la tendance était plutôt aux biens jetables. »

Un pied de nez à la surconsommation

Ancienne danseuse contemporaine, graphiste et fondatrice du studio English Muffin, Bess Callard est une bidouilleuse avouée: « Mon mari et moi bricolons toute sorte de choses pour la maison. Nous avons construit notre table de cuisine, les tablettes de notre salle à manger. Nous avons même créé une sculpture murale de 4 pi sur 4 pi avec des branches d'arbre. Elle s'inspire d'une oeuvre d'art que nous avions débusquée dans une boutique design de Toronto. Cette création de couple a une grande signification pour nous.»

Au-delà du passe-temps, le fait main se distingue aussi comme moyen d'expression. Il permet ainsi de personnaliser la garde-robe, l'aménagement intérieur ou la décoration des Fêtes sans pour autant dilapider les économies: «Les gens réalisent de plus en plus que le détournement de la fonction première d'un objet peut être intéressant, indique Chloé Comte. Ils ont envie de posséder de beaux objets symboliques que l'on ne retrouve pas chez le voisin. Par le biais du fait main, ils se découvrent un nouveau sentiment de fierté pour les objets qui les entourent.»

Selon Bess Callard, le fait main signe également une sorte de rejet de la surconsommation: «On entend tellement de choses horribles sur les produits de masse - les conditions de travail inhumaines dans lesquelles ils sont fabriqués, les composantes toxiques qu'ils contiennent, les dangers qu'ils représentent quand il y a des rappels... De nombreux consommateurs souhaitent prendre leur distance avec les biens industriels. Ils veulent renouer avec les origines de leurs produits.»

Accessible

Les adeptes du fait main sont unanimes: il n'est pas nécessaire de posséder un quelconque talent artistique pour se lancer dans la réalisation d'un projet: «Si vous voulez vendre vos créations, vous devrez bien sûr avoir une vision artistique, un style qui vous est propre, nuance Bess Callard. Mais si vous souhaitez simplement confectionner un objet pour votre usage personnel ou pour un cadeau original, tout est possible. Il suffit de bien choisir votre projet, et surtout, de ne pas viser la perfection. Que l'on soit néophyte ou expérimenté, tout le monde commet des erreurs. Il faut seulement en tirer des leçons.»

Si le fait main a le vent en poupe, Chloé Comte croit que ce n'est que la pointe de l'iceberg: «La tendance risque de se démocratiser davantage. On verra apparaître des tutoriels pour des projets de grande envergure, notamment en matière de rénovations et de travaux pour la maison.»

Même son de cloche chez Émilie Hébert qui vend ses magnifiques cartes de Noël imprimables et ses cartons d'anniversaire La-fabrique-à-bricole sur le site Etsy: «La majorité de mes ventes en ligne proviennent de clients australiens et américains. Au Québec, la tendance en est encore à ses premiers balbutiements. On entrera sous peu dans la phase du décollage!»

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