Noël oblige, les coffrets de musique sont de retour. Le cadeau idéal pour les collectionneurs ou les fans finis, comme pour les néophytes qui ont envie de se plonger totalement dans un univers musical. Alain Brunet et Philippe Renaud ont sélectionné les meilleurs coffrets présentement offerts en magasin.

La totale... ou presque Artistes Variés

Motown: The Complete No.1's

Universal

***1/2

La maison Motown Universal a ouvert toutes grandes les vannes de la réédition ces dernières années pour coïncider avec son 50e anniversaire, qu'on soulignera le mois prochain. L'oeuvre de l'usine à succès de Detroit, ô combien essentielle dans l'histoire de la pop américaine, a d'ailleurs fait l'objet d'un travail de réédition exhaustif depuis que Hip-O Select (division de Universal Music) a entrepris de ressortir toutes les chansons de la maison - le coffret Complete Motown Singles: 1971 sort ces jours-ci.

À moins d'être un collectionneur maniaque, ce Motown: The Complete No.1's fera l'affaire. Présenté dans un très beau boîtier imitant l'édifice de Motown, le coffret propose en 10 CD (cinq digipacks de deux disques chacun) les 192 chansons (!) qui ont touché la cime du palmarès de Billboard, ainsi que huit reprises de ces succès. Ici, pas d'inédits (Hip-O se charge de ça); rien que la crème du vaste catalogue de la dynamo R&B, de 1960 à 2000. Le coffret gagne des points pour la présentation, le livret est farci de photos inédites, mais les notes ne détaillent que les crédits des chansons. Les fans plus aventureux seront ensuite avisés d'explorer les rééditions des albums originaux des étoiles de l'écurie, de Stevie Wonder à Marvin Gaye, par exemple.

Page d'histoire

Artistes varies

Reggae Anthology: Randy's 50th Anniversary

VP/Koch

***1/2

Établie à New York, la maison indépendante VP Records est aujourd'hui le plus important éditeur et distributeur de musique jamaïcaine au monde. Cette entreprise a débuté il y a 50 ans lorsque son fondateur, Vincent «Randy» Chin, a ouvert son premier magasin de disques à Kingston, pour ensuite installer son Studio 17 à l'étage au-dessus, où de nombreuses stars du ska, du rocksteady et du reggae ont enregistré. Reggae Anthology: Randy's 50th Anniversary relate cinq décennies de cette musique populaire locale qui a vite conquis les mélomanes du monde entier, et décrypte par la même occasion l'ADN du reggae.

Du calypso de Lord Creator au R&B plus classique (lire: calqué sur le R&B américain des années 50) des premiers enregistrements d'Alton Ellis&Eddie Perkins, en passant par le ska de The Skatalites, The Maytals, Bob Marley &The Wailers jusqu'au reggae des Gregory Isaacs ou Black Uruhu, les deux CD du coffret parcourent la tradition musicale jamaïcaine en passant par des chemins moins fréquentés grâce à une sélection qui piquera la curiosité des connaisseurs. Chaque chanson est commentée par le spécialiste en culture musicale jamaïcaine David Katz, et le coffret comprend un DVD plein d'entrevues sur l'histoire de M. Randy.

La recette

AC/DC

Plug Me In - Collector's Edition

Sony/BMG

**1/2

Bon, un autre Noël, un autre coffret d'AC/DC. Quoi de neuf dans ce coffret de trois DVD? Je veux dire, quoi de neuf depuis Family Jewels (deux DVD, paru en 2005), Plug Me In (deux DVD, 2007) ou No Bull: Director's Cut (un DVD, 2008)? C'est un peu écrit dans le nom: ce Collector's Edition est une version augmentée du premier Plug Me In. Il ne contient aucun élément de l'excellent Family Jewels ou de No Bull.

Il s'agit intégralement des deux DVD de Plug Me In - des performances en spectacle, regroupées sur deux disques, l'un couvrant la période Bon Scott (1975-1979) et l'autre de Back in Black à aujourd'hui (1981-2003). Le troisième DVD, intitulé Between the Cracks, devrait être celui qui convaincra les fans. Une douzaine d'enregistrements qui n'avaient pas trouvé leur place sur la première version et un concert de neuf chansons, enregistré à Houston en 1983. La présentation est soignée, le livret a été repensé et l'ensemble offre une reproduction d'une affiche de spectacle originale ainsi qu'une enveloppe qui contient des reproductions de billets de concert. N'empêche, pour le fan qui s'était déjà procuré la première édition, voilà une manoeuvre fâcheuse qui le force à ouvrir de nouveau son portefeuille.

Johnny Cash chez les Souverains anonymes

Johnny Cash

Johnny Cash at Folsom Prison

Columbia

***1/2

À la prison de Folsom, Johnny Cash avait donné un concert mythique aux Souverains anonymes qui y «faisaient leur temps». Devant un auditoire de méchants garçons, le fameux chanteur avait interprété un répertoire inspiré par le crime et l'incarcération. En 1955, en fait, il avait déjà enregistré Folsom Prison Blues, mais il ne put la chanter qu'en janvier 1968 au fameux pénitencier californien.

Cet enregistrement public est devenu historique dans les annales de la musique country, d'où ce coffret. On y a inclus les enregistrements des deux récitals où l'on remarque la participation de sa compagne, June Carter, et du pionnier rock Carl Perkins, qui y entonne (évidemment) Blue Suede Shoes. Quarante années plus tard, ces rimes empathiques pour les condamnés sont passées à l'histoire: Dark As Dungeon, Cocaine Blues, I Got Stripes, The Wall ou encore Greystone Chapel sont quelques titres évocateurs. En 1999, Columbia a lancé une version allongée de ce disque qui avait donné un second souffle à la carrière de Cash, à la fin des années 60.

Une décennie plus tard, on offre deux CD assortis d'un DVD. Avec pour prétexte cette intervention à la prison californienne (qui a été photographiée et non filmée), le documentaire met en relief des interviews de prisonniers, de chanteurs (Merle Haggard, Marty Stewart, etc.), De collègues et de proches parents (John Carter Cash, Rosanne Cash), sans compter l'engagement très médiatisé de Cash auprès du prisonnier Glen Sherley, dont il avait repris la chanson Greystone Chapel.

Pour les fans finis de Kind of Blue

Miles Davis

Kind of Blues/ 50th anniversary collector's edition

Columbia

***1/2

Régulièrement, on sort les rares très grands succés du jazz moderne. Kind of Blue est évidemment dans le peloton de tête : quel amateur de jazz ne connaît pas So What, Freddie Freeloader, Blue in Green, All Blues et Flamenco Sketches? Premier grand enregistrement modal de l'histoire (enfin... moins connue hors de la francophonie, la trame du film français Ascenseur pour l'échafaud, il faut dire, fut le prélude à cette approche harmonique), Kind of Blue avait été lancé en août 1959 on en célèbre le 50e anniversaire.

Cela étant, Columbia ne pouvait faire de miracle avec cet emballage destiné aux inconditionnels de Miles Davis. Quels en sont les avantages? Ce coffret comporte cinq pièces supplémentaires enregistrées en 1958 par la même formation (Jimmy Cobb à la batterie; Cannonball Adderley au sax alto; John Coltrane au sax ténor; Bill Evans ou Wynton Kelly au piano; Paul Chambers à la contrebasse; et Miles Davis à la trompette), réalisées par Irving Townsend quelques mois avant l'enregistrement de Kind of Blue On Green Dolphin Street, Stella By Starlight, deux versions de Fran Dance et une allongée de So What (17 min 28 s).

À ces enregistrements on ajoute une dizaine de prises de son des pièces originales de Kind of Blue. Qui plus est, les fans de haute fidélité ont droit au vinyle de cet enregistrement mythique. Bien sûr, un objet de cette envergure doit comporter un livre en édition de luxe, des photos exclusives, la reproduction d'une lettre manuscrite de Bill Evans ainsi qu'un film documentaire de 81 minutes. En fait, il faut être vraiment fan fini de Miles pour ajouter ce coffret à sa collection.

La plus libre des divas

Nina Simone

To Be Free/ The Nina Simone Story

Rca/ Sony-BMG

***1/2

Nina Simone était plutôt disjonctée à la fin de sa vie; pour l'avoir interviewée avant son dernier passage à Montréal, j'en témoigne. Cela n'enlève rien à sa gigantesque contribution à la chanson afro-américaine ni à son rôle dans la lutte pour les droits civiques. Bien qu'elle ait maîtrisé certains éléments du langage jazzistique, Nina Simone ne fut pas une jazzwoman qui s'accompagnait au piano telles Shirley Horn ou Diana Krall. Elle fut d'abord une interprète singulière, une très bonne pianiste d'accompagnement, de surcroît une excellente chef d'orchestre.

Très inspirée, sa direction artistique embrassait le jazz, le R&B, le folk, le Great American Songbook ou la nouvelle pop africaine moderne. En plus d'avoir créé des chansons importantes (Four Women, notamment), elle ne s'était pas limitée au répertoire des auteurs et compositeurs blacks, c'est-à-dire Duke Ellington, Screamin'Jay Hawkins, Richie Havens, Jessie Mae Robinson, Billy Taylor et Dick Dallas, Miriam Makeba ou encore l'écrivain Langston Hughes. avec qui elle avait créé Backlash Blue. Figuraient également dans son répertoire George et Ira Gershwin, Kurt Weill et Bertolt Brecht, Irving Berlin, Bob Dylan, Leonard Cohen, Randy Newman, Jacques Brel, Gilbert Bécaud, George Harrison ou même Barry Gibb.

En tout, 51 chansons réparties sur trois CD se retrouvent dans ce magnifique coffret. En prime, on a remis en circulation un documentaire réalisé par Joel Gold en 1970. Superbe du début à la fin.

Trois rendez-vous de Truffaz

Erik Truffaz

Rendez-vous Paris/Bénarès/Mexico

Blue Note/ Emi

***1/2

Érik Truffaz n'a jamais été un virtuose... et ne le deviendra jamais. Le musicien français est néanmoins un très bon trompettiste qui ne manque pas d'idées, force est de l'admettre. Futé, il a eu le bon réflexe d'adopter le timbre et les concepts d'improvisation de Miles Davis, les combinant aux textures supra zen de Jon Hassell, ce fameux visionnaire qui filtre son instrument en explorant (entre autres) les modes orientaux et indiens. Ainsi équipé, Truffaz récidive en suggérant ce triple concept au moment où on n'attendait plus grand-chose de sa part.

Le premier disque a été réalisé de concert avec le chanteur afro-américain Sly Johnson, qui s'est entre autres fait connaître avec la chanteuse Camille pour sa facilité déconcertante à reproduire différents instruments avec son organe vocal. Le deuxième projet est dominé par la musique indienne, créé à Bénarès avec le pianiste Malcolm Braff, le tablaïste Apurba Mukherjee et la chanteuse Indrani Mukherjee.

Il s'agit à mon sens du plus fin et du plus inspiré de cette trilogie. Le troisième album est typique de l'électrojazz tel qu'on le connaît depuis une bonne décennie, avec grooves planants et pointes d'intensité à la sauce Truffaz. En somme, il s'agit là d'un concept simple et intéressant pour qui n'a pas été mis au parfum de chacune de ces avenues musicales.

Dix ans de Sainte-Marie

Chloé Sainte-Marie

Mon amour en furie

FGC / Sélect

****

Gilles Carle avait intitulé ce dessin Mon amour en furie. Dessin et titre se retrouvent sur ce coffret. Ils résument aussi le sentiment de profonde frustration qui anime Chloé Sainte-Marie depuis que son Pygmalion est atteint de la maladie de Parkinson elle doit prendre soin de lui dans l'adversité.

À travers ce drame personnel, elle a réussi à devenir une interprète de premier plan et à enregistrer les trois albums magnifiques que contient ce coffret : Je pleure tu pleures, Je marche à toi, Parle-moi. La chanteuse y fait preuve d'un goût indiscutable dans le choix de ses auteurs, compositeurs et musiciens, à tel point qu'elle occupe actuellement une position comparable à celle de Pauline Julien jadis. Pour elle, Gilles Bélanger a mis en musique la poésie de Gaston Miron, Patrice Desbiens, Roland Giguère, Alexis Lapointe, et l'on ne compte pas les collaborations entre François Guy et Gilles Carle, entre la parolière innue Josephine Bacon et Réjean Bouchard, Gary Rice, Wendy Simpson.

Au fil de ces 10 ans de poésie chantée, Chloé Sainte-Marie a ainsi été capable d'aménager un univers folk de haute tenue en recrutant des musiciens qui ont su élever son style profondément singulier Francis Covan, Jean-Sébastien Fournier, Wentahawi Dione-Elijah, Stéphanie Labbé, Alain Quirion, etc.

Raretés de Sylvain Lelièvre

Sylvain Lelièvre

Chansons retrouvées

GSI musique

****

Réalisatrice et animatrice à la Société Radio-Canada, Élizabeth Gagnon a accompli un travail remarquable autour de la vie et de l'oeuvre de Sylvain Lelièvre. Non seulement ses émissions spéciales consacrées à l'oeuvre de l'artiste disparu (prématurément, il faut encore le regretter) se sont-elles avérées exemplaires, mais encore sa recherche l'a conduite à débusquer les premières chansons de Lelièvre, enregistrées au cours des années précédant son premier «album officiel», lancé en 1973, et qu'on retrouve dans ce coffret.

D'entrée de jeu, la saveur jazzy de la chanson Avec le vent, qui fait figure de porte d'entrée sur ce CD de 20 raretés, mène à penser que l'auteur-compositeur-interprète a bouclé la boucle avec la même approche qui l'avait d'abord remué. C'est dire que son Versant Jazz n'était pas un... tournant! Beaucoup plus proche de la chanson française des années 50 et 60, s'exprimant dans un français beaucoup plus normatif que par la suite, le jeune chanteur révèle ici son talent d'orfèvre de la rime, doublé d'un musicien compétent et inspiré par des musiques qui comptent et qui durent. En prime, on nous offre un DVD avec des extraits de concerts, clips et interviews captés de 1970 à 1990.

Cette fois, le bon

Genesis

1970-1975

Warner

****

Troisième et dernier coffret, édité par Warner Music, visant à dépoussiérer les enregistrements de Genesis. Comme pour les deux précédents (1983-1998 et 1976-1982), la maison de disques y a mis le paquet et redonne à ce format sa véritable fonction : offrir une édition «définitive» d'une oeuvre donnée.

Récapitulons : les cinq albums proposés - les meilleurs de la discographie du groupe, Trespass, Nursery Cryme, Foxtrot, Selling England by the Pound, The Lamb Lies Down on Broadway, ceux de l'époque bénie Peter Gabriel! - comprennent chacun un DVD. Il contient les albums mixés en Dolby 5.1 Surround et 5.1 DTS, avec de nouvelles entrevues et de rares performances originales (en concert ou à la télé). Puis, le coffret propose un sixième CD « DVD intitulé Extras 1970-1975, lequel comprend une poignée d'inédits (dont les quatre convoités titres de Genesis Plays Jackson, de quoi enfin remplacer vos mp3 pourris!), de singles rares, un démo, et un superbe livret illustré.

Fans, n'y pensez pas deux fois, vous en aurez ici pour votre argent. Seule omission : le tout premier disque, From Genesis to Revelation.

Bonnet blanc...

Led Zeppelin

Definitive Collection

Atlantic / Warner

***

Souvent raillés par les critiques lors des parutions originales, ces albums essentiels à la discographie de tout amateur de rock n'en ont pas moins rendu Led Zeppelin multimillionnaire - le groupe a vendu plus de 300 millions de disques dans le monde. Pour la deuxième fois, la discographie du groupe subit le traitement du «coffrettage», et force est d'admettre que, hormis l'emballage, il n'y a pas grand-chose de neuf à ce Definitive Collection en comparaison de Complete Studio Recordings, paru en 1993.

Ainsi, l'argument de vente de Definitive Collection tient dans la reproduction des pochettes de 33 tours originales - un vieux truc que nous avait d'ailleurs resservi EMI l'année dernière pour le coffret Pink Floyd. Bon. L'heureux propriétaire aura donc deux versions différentes de la pochette du premier album, les reproductions détaillées des (jolies et ingénieuses) pochettes de Led Zeppelin III (la pochette rotative) et Physical Graffiti (les cartons qui changent la vue des fenêtres) et six pochettes différentes de In Through The Out Door. Mais pas de viande autour de l'os, pas d'inédits, pas d'album additionnel ou de vieux enregistrements pirates pour le fan qui a déjà tout. J'imagine qu'on garde ces trésors pour les prochains coffrets...

Grand bonheur pour les oreilles, petit bonheur pour les yeux

Félix Leclerc

Félix / Le grand bonheur

Polydor/ Philips

****

Les 10 CD de ce petit coffret contiennent l'intégrale de Félix Leclerc chez Polydor Philips, c'est-à-dire 234 chansons et poèmes enregistrés certaines chansons, il faut le dire, s'y retrouvent plus d'une fois, comme Le train du Nord ou Le P'tit bonheur.

À l'écoute d'une telle production, on peut passer des journées entières à contempler la langue de Félix, qui n'avait rien de naïf malgré les origines sociales du poète, né et élevé à La Tuque au sein d'une famille de commerçants. On peut aussi découvrir des dizaines de chansons moins connues, admirer la profondeur et le souffle de l'artiste dont cette discographie s'étend ici de 1950 à 1978. Cela étant, on ne peut dire qu'il s'agit là d'un très bel objet.

Le boîtier, le livret à l'intérieur (qui refait sommairement la trajectoire de l'auteur-compositeur-interprète), l'ensemble de la présentation, tout ça résulte de moyens plutôt quelconques. Il manque aussi des données sur chaque enregistrement, sur le contexte de sa création, sur les albums. Par exemple, on aimerait en savoir davantage sur l'orchestre d'André Grassi, on apprécierait lire un témoignage de Michel Donato ou un autre de François Dompierre, qui ont travaillé avec Félix. Un tel monument mérite mieux! Puisque cette intégrale ne sera pas rééditée de sitôt, tout amateur de chanson française qui se respecte doit néanmoins en faire l'acquisition.