L'exposition Sounds of Christmas déconstruit le beau mythe du Noël musical. White Christmas, Jingle Bells et Le p'tit renne au nez rouge comme vous ne les avez jamais entendues...

Christian Marclay est un sorcier du disque vinyle. Dans le circuit de l'art contemporain, il est réputé internationalement pour ses expériences sonores avec de vieux microsillons. Des fois, il utilise une table tournante, des fois non. Des fois il a une table tournante, mais pas de disques. Voyez ce qu'on veut dire?

 

Christian Marclay, donc, présente jusqu'à ce soir à la Fonderie Darling une exposition sur le thème de Noël, intitulée Sounds of Christmas. Exposition? Peut-être faudrait-il plutôt parler d'un «happening auditif» ou d'une expérience déconstructiviste destinée à briser le beau mythe du Noël musical. Chose certaine, Bing Crosby risque de se retourner dans sa tombe.

Il s'est enregistré, depuis les années 50, environ un million de disques de Noël - on exagère à peine. Ce phénomène occidental nous a donné quelques albums mémorables, mais surtout une pochetée de galettes de fort mauvais goût et commercialement opportunistes.

Christian Marclay possède environ 1200 de ces vieux disques vinyles. Ils sont tous bien cordés et divisés par catégories, dans la grande salle de la Fonderie Darling. Ce soir de 17h à 21h, le public pourra ainsi choisir ses disques préférés et les soumettre aux quatre DJ invités (Nancy Tobin, Martin Tétrault, Olivier Alary, Raf Katigbak), qui en disposeront comme bon leur semble. Attention, vos rêves d'enfant pourraient frapper un mur.

«C'est une bonne façon de montrer que les DJ font autre chose que passer des chansons pour le dancefloor, explique Marclay, 55 ans, Suisse d'origine et New-Yorkais d'adoption. Je trouvais que c'était un beau défi de leur donner des musiques un peu ringardes, un peu désuètes comme outil de travail, pour qu'ils en fassent quelque chose de créatif et d'inhabituel.»

Pour Marclay, l'exercice a ceci d'intéressant que les classiques déconstruits sont archiconnus et donc immédiatement reconnaissables. Difficile en effet, de ne pas esquisser un sourire en entendant Jingle Bells scratchée, remixée et transformée en sculpture sonore.

Mais derrière ce délire pas blanc comme neige, se cache aussi une critique: celle d'une musique «emprisonnée», vidée de son essence et de son sens religieux. «Les chansons de Noël ont perdu leur valeur symbolique. C'est devenu une musique de conditionnement pour renforcer le shopping pendant le temps des Fêtes», observe le turntablist.

Fait à noter, le happening Sounds of Christmas n'est pas seulement sonore. Toutes les pochettes des disques défilent en permanence sur six écrans pendant que les DJ font leur affaire. Ces archives visuelles permettent non seulement de documenter 30 ans d'histoire de design, mais de voir comment l'imagerie de Noël, saisonnière de par sa nature même, a pu évoluer entre 1950 et 1980, début de la fin de l'ère du vinyle.

Sounds of Christmas a été créé en 1999, et fait depuis le tour des galeries et musées d'art moderne (New Museum de New York Tate Modern de Londres).

L'an prochain, pour son 10e anniversaire, l'expo/happening sera présentée au Japon où, souligne par ailleurs Marclay, la musique de Noël a fini par envahir les grandes surfaces, malgré son côté pourtant typiquement nord-américain. D'ici là, l'artiste compte bien étoffer sa monstrueuse collection d'albums de Noël.

«Je possède déjà quelques disques québécois, dit-il. Mais j'accepte les dons!»

Sounds of Christmas, de Christian Marclay à la Fonderie Darling, ce soir de 17h à 21h. Performances de Nancy Tobin, Martin Tétrault, Olivier Alary, Raf Katigbak.