Journaliste et auteur, André Ducharme couvre l'actualité culturelle depuis 35 ans. D'abord auteur de fiction, Josée Bilodeau a écrit sur le théâtre pour l'hebdomadaire Ici et le site de Radio-Canada. Depuis la naissance des annuels Contes urbains (en 1991) de la compagnie Orbi Urbi, ils ont été des spectateurs privilégiés de l'évolution d'une tradition aux effluves de goudron et de solitude saisonnière. Cette année, Ducharme et Bilodeau deviennent à leur tour des conteurs des bas-fonds de l'urbanité.

«Il ne faut pas penser à la critique. Parce que sinon, on ne ferait plus rien», tranche Josée Bilodeau, rencontrée aux côtés d'André Ducharme dans un café du Village.

 

Journaliste culturelle, correctrice, romancière - son dernier roman, On aurait dit juillet, est paru en mars dernier - elle s'est abreuvée de la langue d'Yvan Bienvenue pour Le coeur tordu d'la fille, une histoire de chicane qui explose devant un témoin involontaire.

«Un gars engueule une fille, de façon assez violente. Mon conte parle de la difficulté de réagir à la violence ordinaire», révèle la trentenaire, que cette percée dans l'univers du conte a propulsée hors de sa zone de confort.

«C'est très loin de ce que je fais d'habitude, puisque je ne travaille pas l'oralité. En fait, chaque fois que j'assistais aux Contes urbains, ça me donnait le goût d'en écrire un et je rédigeais un paragraphe. À un moment donné, j'ai contacté Yvan Bienvenue pour lui proposer mon conte.»

André Ducharme, qui s'est frotté à l'écriture théâtrale, au roman, au pamphlet et à l'essai, a quant à lui imaginé l'histoire d'un frère et d'une soeur qui perdent leur père le jour du réveillon.

«Ça parle de l'enfance, de la responsabilité des parents face aux enfants», dit l'auteur de Ma soeur mange des boules, qui trouve merveilleuse cette tribune «pour exprimer son côté sombre».

Noël, j'ai mal au coeur...

Depuis 17 ans, les Contes urbains ont frayé avec le scato, le jouissif, le scabreux, le comique, les bons sentiments, le cochon, le désespéré... André Ducharme reconnaît qu'en sa qualité de critique, il n'a pas toujours été tendre à l'égard de cette tradition tatouée de l'âme d'Yvan Bienvenue.

Or, même si la récolte annuelle ne fait pas toujours l'unanimité, il ne se fait pas prier pour défendre la pertinence de ce patchwork qui a évolué au fil des ans. «Il y a tellement d'écritures et d'éclatement. La contrainte du thème (le temps des Fêtes en ville), est devenue quelque chose de fascinant.»

Depuis quelques années, observent les deux auteurs, la poésie directe et une approche moins narrative font leur place aux Contes urbains, dont la version anglaise prend désormais l'affiche du théâtre Centaur. L'événement est d'ailleurs très couru: La Licorne affiche complet pour la première semaine du spectacle.

«Le fait qu'il y ait de la musique, qu'on puisse prendre une bière, ajoute quelque chose de festif. En plus, si tu te tannes d'un auteur, tu sais qu'il y en a six autres pour repartir la fête», lâche Josée Bilodeau.

À quelques semaines de Noël, les citadins aux émotions exacerbées trouvent réconfort dans la violence trash et poétique des Contes urbains. Une poésie à rebrousse-poil pour se préparer à l'allégresse obligatoire.

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Les contes urbains, mise en conte de Harry Standjofski, à La Licorne du 2 au 20 décembre.