La Presse a publié en octobre 2015 une série de reportages sur la mort tragique de 259 enfants autochtones. Notre enquête avait révélé que les jeunes Inuit et membres de Premières Nations courent beaucoup plus de risques de mourir de causes obscures ou violentes que les allochtones.

À l’époque, nous avions rencontré des familles endeuillées dans plusieurs communautés, dont Manawan et Inukjuak, afin de raconter leur douleur. Nous souhaitions ainsi mettre des visages sur un drame autrement ignoré par la société québécoise.

Dans les derniers jours, une base de données qui faisait partie de notre série de reportages a refait surface en ligne. Sa circulation sur les réseaux sociaux a blessé de nombreuses familles. Nous nous excusons vivement auprès d’elles que cela ait ravivé leur peine. Notre intention était plutôt de mettre au jour les circonstances entourant ces tragédies pour éviter qu’elles ne se reproduisent.

La publication de cette base de données de manière isolée, sans les textes et le contexte qui l’accompagnaient à l’époque, est malheureuse. C’est pourquoi nous avons décidé de la retirer et de republier l’intégralité de notre enquête ici.

François Cardinal, vice-président Information et éditeur adjoint de La Presse

In October 2015, La Presse published a series of articles on the tragic deaths of 259 indigenous children.

Our investigation revealed that young Inuit and members of First Nations have a much greater risk than non-Natives of dying from violent causes.

At the time, we met with grieving families in several communities, including Manawan and Inukjuak. They had the courage to share their pain with us. Our goal was to put faces to an otherwise silent tragedy.

In the last few days, a database that was part of our reporting series has resurfaced online. Its circulation on social networks has been painful for many families. We sincerely apologize to them for rekindling their grief. Our intention was rather to expose the circumstances surrounding these tragedies to prevent them from happening again.

Publishing this database alone, without the texts and all the context that was also published at the time, was unfortunate. That’s why we’ve decided to withdraw it and republish our entire investigation here instead.

François Cardinal, Vice president Information, Deputy publisher La Presse

Voici la version originale du premier volet de l’enquête de Gabrielle Duchaine et Caroline Touzin:

C’est un drame dont personne ne parle : depuis l’an 2000, 259 enfants et adolescents autochtones sont morts dans des circonstances violentes ou obscures au Québec, révèle notre enquête inédite.

Suicides, accidents, maladies, meurtres : le taux de morts suspectes chez les jeunes Inuits et des Premières Nations est de près de quatre fois supérieur à celui de l’ensemble de la jeunesse québécoise*.

Leurs disparitions ne créent pas de vagues. Elles ne font pas la manchette. Les séquelles pour leurs familles n’en sont pas moindres. La Presse a voulu mettre un visage, un nom, sur chacune de leurs histoires.

Des centaines de victimes

Depuis 15 ans, 3000 jeunes Québécois de moins de 19 ans sont morts dans des circonstances violentes ou obscures. De ce nombre, quelque 260 victimes sont autochtones, dont plus d’une moitié d’Inuits, révèle une enquête inédite de La Presse, qui a analysé tous les rapports de coroners traitant de la mort de personnes de moins de 19 ans depuis 2000 dans la province.

Cela correspond à environ 9 % des morts obscures d’enfants et d’adolescents survenues dans la province durant cette période. Or les jeunes autochtones représentent seulement 2,6 % des Québécois de moins de 19 ans – ils sont 43 450 dans la province.

Les jeunes autochtones sont clairement surreprésentés. Leur taux de suicide est anormalement élevé, mais aussi leur taux de mort subite du nourrisson, de troubles pulmonaires, de maladies et d’accidents de toutes sortes.

En 2012, Tessa Chachai-Petiquay, de Wemotaci, en Mauricie, a péri asphyxiée entre le matelas directement posé au sol, où elle dormait avec ses parents, et le divan. Elle avait 2 mois. Le coroner a dénoncé le mauvais état du logement loué par la famille.

L’année suivante, Tukaq Amarualik conduisait sa motoneige à vive allure à travers le village de Puvirnituq, dans le Grand Nord. L’ado de 17 ans avait bu. Son amie Mina Quinuajuak, 15 ans, était passagère. Le jeune conducteur n’a pas réussi à négocier une courbe et a heurté de plein fouet un escalier de métal. Les deux ados sont morts sur le coup.

En 2009, Zachary Adams, 13 ans, d’Akwesasne, en Montérégie, a réussi à acheter un fusil AK-47. Son père lui a demandé de remettre l’arme au vendeur – un ami de son frère –, mais ce dernier a refusé de le rembourser. L’ado a donc conservé le fusil non sécurisé avec les munitions dans sa chambre à coucher. Un jour, le père a sermonné son fils qui venait d’être suspendu de l’école pour possession de marijuana. L’ado s’est alors enfermé dans sa chambre et s’est tiré une balle dans la tête avec l’AK-47.

La même année, Anna-Louisa Oginany, 13 ans, de Lac-Simon, en Abitibi, s’est pendue avec une corde de nylon fixée à un madrier au plafond de sa chambre. Sa cousine s’était donné la mort trois mois plus tôt. Elle s’en ennuyait beaucoup. « Tu me manques tellement et je suis incapable de vivre sans toi », a écrit Anna-Louisa dans une lettre trouvée dans son ordinateur.

Ce ne sont que des exemples.

Des causes multiples

Le suicide est la première cause de mort violente chez les 18 ans et moins dans les communautés autochtones. Selon notre analyse, 102 adolescents ont mis fin à leurs jours depuis 2000. La plus jeune victime avait 11 ans.

Notre enquête révèle aussi 73 accidents mortels. Des incendies, des accidents de voiture ou de motoneige, des noyades, événements lors desquels une des personnes impliquées était souvent intoxiquée ou a fait preuve de négligence.

L’été dernier, un bébé de 8 mois est mort dans l’incendie de sa maison à Puvirnituq, dans le Grand Nord. L’enquête de la Sûreté du Québec a conclu qu’une cigarette oubliée était à l’origine du brasier. Le chef des pompiers a avoué à un journal local que « personne ne savait se servir de l’équipement », et a réclamé une formation urgente pour ses hommes.

En général [les communautés autochtones] sont beaucoup plus susceptibles d’être pauvres, d’habiter dans un logement insalubre et d’éprouver de la difficulté à accéder aux soins de santé.

Extrait d’un rapport de la Société canadienne de pédiatrie sur la santé des jeunes Inuits et des Premières Nations

Les problèmes liés à l’éloignement ou au manque de ressources, comme dans le cas de l’incendie de Puvirnituq, sont d’ailleurs à l’origine de plusieurs dizaines de morts, indique notre compilation.

En 2011, par exemple, un garçon de 1 an est mort d’un choc septique dans l’avion qui le transportait vers l’hôpital. Le petit Papigattuk Kadjulik avait passé la nuit au centre de santé de son village, à Kangiqsujuaq, sur la baie d’Ungava, où il a fait des convulsions.

L’équipe médicale a décidé de le transférer d’urgence en avion-ambulance vers le centre hospitalier le plus proche. Il ne s’est pas rendu.

Des victimes de l’âge de Papigattuk, il y en a eu d’autres. Au moins 70 bébés sont morts de causes nébuleuses avant leur premier anniversaire.

Il y a eu des cas de mort subite.

Des poupons, surtout dans le Grand Nord, ont succombé à des infections pulmonaires desquelles on ne meurt pratiquement plus dans le Sud.

Des parents ont écrasé leur enfant en dormant avec lui.

Cri du cœur du Nord

« On a de la misère. Est-ce que les Québécois savent qu’on a de la misère ? Est-ce que ça les dérange ? », demande Siasi Smiler, mairesse d’Inukjuak.

La leader inuite est chaque jour témoin de la détresse des siens. « C’est tellement frustrant de perdre toutes ces jeunes personnes. Ces jeunes, c’est notre avenir », souligne la mairesse du village isolé de 1600 personnes situé sur le bord de la baie d’Hudson. Elle dénonce notamment le manque de services médicaux et psychologiques.

« On essaie que les gens soient O.K.. Qu’ils ne souffrent pas tout le temps, mais nous n’avons pas assez de ressources pour guérir notre communauté », déplore la politicienne inuite.

Trop d’enfants ?

Autre situation préoccupante : de plus en plus de jeunes autochtones voient le fait de devenir parents comme la meilleure façon de s’en sortir. Des leaders influents sonnent l’alarme.

À Manawan, une réserve atikamekw de 2200 habitants située dans Lanaudière, il y aura pas moins de 85 naissances cette année. Le chef du conseil de bande, Jean-Roch Ottawa, qualifie ce boom de naissances de « bombe à retardement ».

« Imaginez les logements, les services de santé, les places en garderie, les classes à aménager, les enseignants à embaucher que ça va prendre si on ne fait rien, énumère cet ancien homme d’affaires. Dans 10 ans, ça va être quoi, 120 grossesses par an ? Le financement du fédéral, lui, ne suit pas ce boom. »

Le chef Ottawa, lui-même père de famille, est très préoccupé par les capacités de ces jeunes parents – parfois âgés d’à peine 13 ou 14 ans – à bien s’occuper de leurs enfants, puisqu’ils décrochent de l’école beaucoup trop tôt, certains avant la fin du primaire.

Une inquiétude partagée dans le Nord.

Ici, les enfants ont des enfants. La moyenne d’âge pour avoir un premier enfant est de 16 ou 17 ans. C’est très rare quelqu’un de 20 ans qui n’est pas encore parent.

Andy Moorhouse, secrétaire corporatif à la société Makivik, chargée de recevoir les fonds des gouvernements pour développer le Grand Nord

Cet ancien maire d’Inukjuak sait de quoi il parle. « J’ai eu mon premier à 17 ans. Je ne savais pas comment élever un enfant. J’étais trop jeune, admet-il. Les jeunes doivent comprendre qu’ils ne sont pas obligés d’avoir un enfant si jeune. »

Selon lui, le gouvernement doit en faire plus et les parents aussi. « Il faut plus d’engagement parental. Les gens sont tellement occupés à survivre, à avoir une maison, à nourrir leur famille, qu’ils oublient de s’impliquer dans la vie de leurs enfants. »

Au Canada, près du tiers des autochtones sont âgés de 14 ans et moins, selon des chiffres de Statistique Canada. La proportion de jeunes de ce groupe d’âge est encore plus élevée au Nunavik, où 40 % des Inuits ont moins de 15 ans et 13 % en ont moins de 4.

*6 jeunes autochtones sur 1000 sont morts dans des circonstances violentes ou obscures au Québec, contre 1,7 jeune Québécois non autochtone sur 1000.

PRINCIPALES CAUSES DE MORTALITÉ

Quelles sont les principales causes de morts violentes chez les jeunes autochtones et pourquoi ? Explications.

SUICIDES : 102 MORTS

Près de la moitié (43) des adolescents autochtones qui ont mis fin à leurs jours sont des filles. À titre comparatif, dans la population générale (tous âges confondus), moins de 20 % des personnes suicidées sont des femmes, révèle une étude du Centre de santé et de services sociaux de Sherbrooke publiée en 2013. En général, l’adolescent autochtone est de cinq à six fois plus susceptible de se suicider que l’adolescent canadien non autochtone, indique la même étude. Un sur quatre était ivre ou drogué au moment de mettre fin à ses jours. Selon le gouvernement du Canada, jusqu’à 25 % des décès accidentels au sein de ce groupe d’âge seraient en réalité des suicides non déclarés.

ACCIDENTS : 73 MORTS

Dans près de 30 % des cas d’accidents mortels recensés, la victime ou une autre personne impliquée était en état d’ébriété ou avait consommé de la drogue. Ce pourcentage est plus élevé si l’on ne compte que les accidents de la route.

On compte aussi six accidents impliquant des armes à feu laissées sans surveillance par des adultes ou dans un contexte de chasse.

Selon une étude de la Société canadienne de pédiatrie, le taux de blessures non intentionnelles causant la mort chez des enfants et des ados autochtones est de trois à quatre fois supérieur à la moyenne nationale. « Non seulement les décès et les blessures invalidantes dévastent les familles et les communautés, mais elles font également d’énormes ravages sur les ressources de santé », lit-on.

MALADIES RESPIRATOIRES : 17 MORTS

Le nombre d’enfants autochtones atteints d’infections respiratoires comme la bronchiolite virale, la pneumonie et la tuberculose est disproportionné, confirme une étude récente de l’Université d’Ottawa et du Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario. Pourquoi ? Selon le chercheur, la pauvreté, les maisons surpeuplées, le tabagisme et surtout le mauvais état des maisons et les problèmes de ventilation sont à montrer du doigt. Watson Fournier, directeur général de l’Office municipal d’habitation Kativik qui gère les 2800 unités locatives du Nunavik, admet qu’il est courant de trouver de la moisissure dans l’enveloppe des maisons. L’Office en rénove entre 150 et 200 par année. M. Fournier estime que les ouvriers découvrent de la moisissure dans la structure du tiers, voire la moitié d’entre elles.

MORT SUBITE DU NOURRISSON : 25 MORTS

Au Canada, la proportion de poupons qui décèdent du syndrome de la mort subite du nourrisson est presque trois fois plus élevée dans les populations autochtones que le taux national, qui est de 1 sur 3000, indique un document de l’Université d’Ottawa. Plusieurs facteurs augmentent le risque de mort subite, dont le manque de soins pré et postnatals, la pauvreté, le tabagisme et la consommation d’alcool pendant la grossesse. La température trop élevée dans la pièce ainsi que la position du bébé dans son lit ou la présence de couvertures et d’oreillers peut aussi contribuer à la mort.

CODODO : 12 MORTS

Depuis 2000, 12 poupons, dont 7 inuits, sont morts pendant qu’ils dormaient dans le même lit qu’un ou les deux parents. Dans certains cas, le coroner a conclu que l’enfant avait été écrasé ou étouffé. Dans d’autres, il n’a pas pu expliquer la cause de la mort. Selon une étude de l’organisme inuit Tapiriit Kanatami, 63 % des Inuits du Grand Nord dorment parfois ou toujours avec leur bébé. Cette pratique fait partie de la coutume. « À partir de la naissance, le bébé est en contact quasi constant avec sa mère », indique l’étude. Le partage du lit n’est pas nécessairement associé à une augmentation du risque de mort subite, sauf s’il est combiné à d’autres facteurs de risque, précisent les chercheurs. Les parents étaient ivres ou drogués dans plusieurs cas.

MEURTRES : 8 MORTS

Huit enfants et adolescents ont été assassinés dans des communautés autochtones depuis l’an 2000. La plus jeune victime avait 1 an. Elle a été tuée par arme à feu. Cinq des victimes sont des filles. Deux ont été étranglées et deux ont été frappées à la tête avec des objets contondants. L’auteur du meurtre sordide d’une adolescente de 17 ans, Rosianna Poucachiche, tuée à coups de masse sur la tête il y a 15 ans, n’a toujours pas été démasqué.

AUTRES : 22 MORTS

Des morts qui semblaient louches avant l’enquête ont été causés par des maladies ou des problèmes de santé, ont révélé les autopsies. Dans d’autres cas, il est arrivé que le coroner n’arrive pas à déterminer hors de tout doute la cause de la mort.

DEUX DESTINS TRAGIQUES

UNE ADO BATTUE À MORT

La soirée devait être festive. Elle s’est transformée en veillée funèbre. Le 1er juillet 2011, dans la réserve innue de Betsiamites sur la Côte-Nord, Adélus Vachon-Bellefleur, 17 ans, participe à une fête au centre communautaire avec une soixantaine d’autres adolescents. La musique résonne fort. L’alcool coule à flots.

Au petit matin, une bataille d’une rare violence éclate dans le stationnement. Selon plusieurs témoins, Adélus est prise à partie par une autre fille. Une affaire de jalousie. Les deux jeunes s’échangent des coups, se bousculent, s’insultent. Un attroupement se forme.

« Vas-y, frappe, c’est toi la plus forte », hurle une fille qui encourage l’opposante d’Adélus.

« Vous allez me lâcher ? J’en ai marre de vous autres, arrêtez », répond la victime pendant que d’autres filles lui tirent les cheveux.

Quelques instants plus tard, l’adolescente s’effondre au sol, inconsciente. On continue à la rouer de coups de pieds jusqu’à ce qu’une de ses amies, qui tente de la protéger, annonce aux autres qu’elle ne respire plus. C’est la panique.

Un infirmier accourt sur les lieux. Il tente des manœuvres de réanimation. Adélus ne se relèvera jamais.

Que s’est-il passé ? Des témoins ont raconté au coroner qui a enquêté sur la mort que la victime avait reçu un coup de poing en plein visage avant de se cogner la tête sur l’asphalte. D’autres ont affirmé que son assaillante lui avait fracassé une bouteille de bière sur le crâne.

Trois jeunes femmes ont été arrêtées. L’une d’entre elles a été accusée de meurtre, puis blanchie après que l’autopsie a révélé qu’Adélus était morte d’un malaise cardiaque. Impossible de prouver que les coups avaient mené à sa mort.

Un mois plus tard, la meilleure amie de la défunte, Karianne Bacon Labbé, 18 ans, était retrouvée pendue.

Le coroner a sévèrement critiqué le contexte d’intimidation et de violence qui régnait à l’époque dans la communauté innue de 2900 âmes. « Le conseil des Innus a des devoirs et des responsabilités vis-à-vis ses citoyens, écrit-il. Il doit valoriser auprès de sa jeunesse un milieu sain et sécuritaire de façon à ce que toute activité puisse se dérouler à l’abri de toute forme d’intimidation et de violence. »

UN ACCIDENT ÉVITABLE

Dans une vidéo tournée la veille de sa mort, Sakiha Awashish cajole une perdrix vivante comme s’il s’agissait d’un chaton. Il fait rire sa sœur qui tient la caméra.

L’enfant de 10 ans accompagne sa famille à la chasse non loin d’Obedjiwan en Haute-Mauricie. Nous sommes au début du mois de novembre, et déjà, un manteau de neige recouvre le sol.

Le lendemain de la vidéo, le petit va mourir d’une balle dans la tête.

Le 6 novembre 2011, toute la famille est sur le trajet du retour après un week-end passé en forêt. En voyant une perdrix sur le bord du chemin, le conducteur décide de s’arrêter. Le grand frère de Sakiha sort alors de la voiture pour tenter de tuer l’oiseau avec une carabine de calibre .22.

L’adolescent de 14 ans tire à deux ou trois reprises, mais rate la cible. Avant de repartir, le conducteur lui demande de vider la carabine, d’enlever le chargeur de balles et de la replacer sous le siège arrière de la camionnette. Le jeune n’obéit pas.

La camionnette s’arrête encore une fois un peu plus loin puisque la route est coupée par une écluse de castor. Alors que les adultes débarquent du véhicule pour réparer la route, l’ado de 14 ans ressort avec la carabine pour chasser les castors.

Après avoir tiré plusieurs coups de feu, l’ado retourne à la camionnette pour demander d’autres balles. Sakiha est assis du côté conducteur, la tête sortie par la vitre.

Le petit s’amuse à « caller » l’orignal avec un cornet.

Au même moment, l’ado de 14 ans, qui fait face à son petit frère, ouvre le verrou de la carabine pour voir s’il lui reste une balle puis le referme. Le coup de feu part, atteignant l’enfant de 10 ans en plein visage.

Rapidement, la mère appelle les secours avec une radio portative. Tout le monde rembarque dans la camionnette. L’enfant inconscient est transporté vers le dispensaire de la réserve atikamekw, mais il n’y a plus rien à faire.

L’accident de chasse est dû à un « mauvais entreposage » et une « mauvaise manipulation » de l’arme, conclut le coroner qui a enquêté sur cette mort violente.

La mère de Sakiha ressent encore de la culpabilité quatre ans plus tard. « Je regrette d’avoir manqué de prudence, mais vous savez, nous les autochtones, on a toujours voyagé avec nos fusils dans nos pick-ups », a expliqué à La Presse la maman endeuillée, Manon Petiquay.

« On fait plus attention maintenant quand on va à la chasse », assure la mère de huit enfants, dont deux sont aujourd’hui morts (l’une de ses filles s’est suicidée à 20 ans). La disparition de son petit garçon lui fait encore l’effet « d’un coup de poignard dans le corps », dit-elle.

Un autre jeune de la même réserve – âgé de 14 ans celui-là – est mort dans un accident de chasse similaire trois ans plus tôt. « Il est vrai qu’il est dans les coutumes des peuples amérindiens d’enseigner la chasse et la pêche aux plus jeunes dans un but culturel. Malheureusement, malgré leur bonne volonté d’insister sur l’aspect sécuritaire, il en demeure qu’il ne s’agit pas d’une formation transmise par des formateurs agréés », insiste le coroner qui a enquêté sur cette mort.

Voici le second dossier pour lequel La Presse s’est rendue au Nunavik :

Les oubliés du Nord
« Regarder vers l’avant »
De l’aide réclamée

Voici le troisième dossier pour lequel La Presse s’est rendue à Manawan :

Le secret de Marie-Pier
Pas la seule victime
Retour aux sources
Une détresse répandue

Voici le quatrième dossier de l’enquête :

Hanté par les cris

Et les articles traitant des réactions que l’enquête a suscitées :

Les Premières nations du Québec et du Labrador réclament une enquête publique
Vers une enquête publique ?
Québec souhaite une enquête conjointe
Une mère réclame justice pour sa fille de 11 ans