L'artisan Christian Larocque a la «récup» dans le sang et l'âme esthète. Il crée des ambiances chaleureuses et zen à partir du bois de grange, dont il a fait sa matière de prédilection. Ce matériau récupéré, rustique et chaud, se marie particulièrement bien aux éléments de look industriel. Deux réalisations.

La plate-bande bordée de petits billots de cèdre jouxte une grande porte coulissante en bois de grange, montée sur un cadre d'acier. À la verticale: la rugueuse surface des planches, brun-rouge et grise, çà et là noircie par les traces d'une quincaillerie d'autrefois. À l'horizontale, touche naïve sur le bitume: une jeune végétation, des roches rondes «poussées» dans les champs des fermiers et récupérées, des tulipes blanches et orange brûlé. Les billots de la plate-bande proviennent d'une ancienne haie de cèdres.

Simplicité, matériaux rustiques, patiente disposition de chaque élément: le terroir québécois rencontre le jardin japonais, dans cette ruelle verte du Plateau-Mont-Royal.

Luce Meunier, propriétaire des lieux - un plex de cinq logements -, a toujours aimé donner une seconde vie aux matériaux, tout comme son ami de longue date, Christian Larocque, artisan de cette bulle de douceur dans la jungle urbaine. Ex-antiquaire, mi-brocanteur, mi-décorateur, M. Larocque se dit «créateur d'ambiances extérieures», quand ce n'est pas jardinier ou artiste-décorateur, suivant les contrats.

«Je lui ai donné carte blanche», confie Luce. Par un travail d'ébéniste et de jardinier, Christian devait terminer une nouvelle partie de la maison remplaçant l'ancien hangar à deux étages, irrémédiablement délabré et jeté par terre. «Ma seule exigence était la porte coulissante, côté ruelle, qui devait pouvoir laisser entrer une voiture.»

Ce portail, aux dimensions respectables de 11 pieds et demi de largeur sur 6 pieds de hauteur, est monté sur un cadre d'acier suspendu à un rail, dans un système fabriqué par un deuxième artisan, Sébastien Gagnon (Gagnon spécialité mécanique). Une hauteur de huit pouces sépare la porte coulissante du sol, ce qui permet de la rouler au-dessus de la plate-bande et, en hiver, de la neige au sol.

Vu de la ruelle, le bois de grange, champêtre et chaud, équilibre à merveille la surface froide et uniforme du garde-corps de l'étage, en acier inoxydable perforé.

Dans la cour

Une petite porte s'ouvre dans la grande, pour entrer à pied, ou à vélo, sans la voiture. L'entrée franchie, sur la droite, une allée de grosses dalles inversées - récupérées - longe le côté droit du nouvel aménagement, jusqu'au fond de la cour. Du côté gauche, un rectangle de pierre concassée, délimité par une ligne de briques couchées sur le côté, indique l'espace réservé au véhicule routier. Le côté gauche est borné par une clôture en bois de grange, double, aussi belle du côté de Luce que de l'autre, le côté voisin.

Une bordure de copeaux d'ardoise (six pouces de largeur) longe la maison jusqu'à hauteur du bout du stationnement. L'autre portion de la cour, jusqu'à la maison, dégage une ambiance très différente, avec ses petites pierres de rivière, son îlot de plantes et de couvre-sol, son érable japonais, son taxus.

Dans le prolongement linéaire de la clôture en bois de grange, un long banc est recouvert du même matériau. Sa base sert à retenir la terre, car le terrain voisin est surélevé par rapport à celui de Luce, qui est au niveau de la ruelle. Cette base est constituée de billots de cèdre issus d'un ancien poteau de téléphone.

Tombé dedans quand il était petit

«En famille, quand j'étais petit, on se promenait dans les campagnes et mon père, technicien en architecture, cognait aux portes des fermiers pour savoir s'ils n'avaient pas des meubles d'antiquité dont ils voulaient se débarrasser, relate-t-il. Dans les années 80, je me suis mis à récupérer moi aussi. Parallèlement, j'ai toujours eu le pouce vert. Et dans les années 90, j'ai tenu deux boutiques de vente et d'achat de meubles d'époque.»

Déménagé à la campagne depuis sept ans, Christian amasse dans le même esprit les meubles anciens et les matériaux de construction. «J'essaie de ne pas utiliser du neuf, à part les clous, les vis et certaines pièces de structure en bois traité.»