«Le monde entier peut bien prétendre que la toilette à faible débit n'est pas contre-indiquée dans un sous-sol, ce n'est pas le cas chez moi», ne cesse de dire André Villeneuve de Saint-Augustin-de-Desmaures, lecteur du Soleil. Voici son histoire.

«Le monde entier peut bien prétendre que la toilette à faible débit n'est pas contre-indiquée dans un sous-sol, ce n'est pas le cas chez moi», ne cesse de dire André Villeneuve de Saint-Augustin-de-Desmaures, lecteur du Soleil. Voici son histoire.

 Au début de l'été, à l'occasion de travaux de rajeunissement de la salle de bains familiale au sous-sol, la toilette à réservoir conventionnel, qui était en service depuis 23 ans sans qu'elle n'ait causé, selon lui, le moindre ennui, est remplacée par une toilette à faible débit.

 Un mois après son installation, des orages violents surviennent. Il se produit alors un refoulement d'égout. L'eau s'introduit dans le sous-sol par le drain de plancher et reste captive.

 M. Villeneuve fait introduire dans le drain un furet de dégorgement qui s'arrête à 25 pieds. Il y a un bouchon infranchissable. Faute de solution, on fait appel aux services techniques de la municipalité.

 À partir du puisard, dans la rue, les techniciens «siphonnent» le collecteur des Villeneuve après l'avoir précisément localisé. Ils en sortent une grande traînée de papier de toilette. Puis, ils entrent vérifier l'intérieur du tuyau, au moyen d'une caméra. Plus rien ne l'obstrue. Enfin, un test de chasse d'eau, sans solides, est effectué. Dans la rue, on évalue la force de l'onde qui aborde le puisard.

 L'eau est chassée de l'étage, d'abord. L'arrivée d'eau est énergique. Du sous-sol, ensuite. Un timide filet d'eau paraît. «Il est si ténu qu'il ne pourrait entraîner les solides jusqu'au collecteur principal, sous la voie publique», trouve M. Villeneuve.

 À première vue

 La toilette, à première vue, lui semble dysfonctionnelle ou impropre. À moins, réfléchit-il, que la pente du collecteur sous la maison soit insuffisante ou négative. Nul ne sait. Il joint Ciot Bains et Céramique de Québec, entreprise qui lui vendit la toilette. Le détaillant, continue-t-il, l'avait persuadé de son opportunité au sous-sol, sans mises en garde expresses.

 Ciot plaide sa non-responsabilité en regard de la toilette, conçue pour bien fonctionner partout dans la maison, y compris au sous-sol. «Tout en étant conforme aux normes canadiennes», insiste le directeur du magasin, Vincent Garon. Puis, il met M. Villeneuve en lien avec un représentant d'American Standard, fabricant de l'appareil.

 André Villeneuve se prête au jeu bien qu'étonné que le marchand ne lui semble pas disposé à voir lui-même le problème de près. «C'est comparable à un concessionnaire d'automobiles neuves qui référerait un client au fabricant du véhicule qu'il a acheté à la suite d'un dysfonctionnement objectif ou apparent», dit le particulier, par analogie.

 American Standard constate que la toilette des Villleneuve marche normalement. Néanmoins, elle accepte de la reprendre et de leur obtenir un crédit.

 Car le ménage, pour son sous-sol, ne veut plus d'une toilette à faible débit (6 litres). Il retourne à une toilette de 13 litres, comme autrefois. D'autant que le dégât d'eau l'a privé de la jouissance de son sous-sol durant plus de deux mois, le temps que les dommages aient été réparés.

 Chez Ciot, on se dit au regret de la déveine des Villeneuve, tout en craignant que leur perception, quant à la toilette, n'ait été faussée par le refoulement. «D'un autre côté, plaide M. Garon, nous n'avons aucun contrôle sur l'ins-tallation des sanitaires que nous vendons, ni sur leur utilisation, ni sur l'état de la plomberie à laquelle ils seront branchés. Quant aux garanties de bon fonctionnement, elles incombent aux fabricants. Nous ne pouvons prendre tout sur notre dos, inclus les dommages qui pourraient se produire.»

Une installation au sous-sol plus risquée

 Il n'est pas contre-indiqué d'installer une toilette à faible débit dans votre sous-sol, même si le déplacement des eaux usées et des matières solides est «décéléré», en raison de l'horizontalité du collecteur qui court immédiatement sous la dalle de béton.

 «À l'étage ou au rez-de-chaussée, le débit profite de la vitesse que donne le long tuyau de chute et vainc, ce faisant, la résistance que pourrait opposer un vieux collecteur en fonte, sous la maison, tapissé d'aspérités», explique le directeur technique de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec (CMMTQ), Henri Bouchard.

 Au sous-sol, cependant, la poussée sera moins grande en raison de la faible pente du collecteur avec lequel le tuyau de chute de la toilette (sous la cuvette) est presque directement en lien.

 Si le collecteur est lisse, qu'il soit en fonte ou en ABS, les solides, même s'ils ne sont mêlés qu'à une petite quantité d'eau, passeront. La pression sera faible, mais le débit, conjugué à la pente légère du tuyau, suppléera. Il provoquera même le soulèvement du battant du clapet «anti-retour» (s'il y en a un, naturellement), lequel est destiné à stopper les eaux de refoulement d'égout.

 Dans le cas où la tuyauterie souterraine serait en fonte et fatiguée par le poids des ans, les aspérités développées avec le temps, ajoutées au poids du battant du clapet (qui peut être en bronze, donc plus lourd que ceux qui sont actuellement sur le marché), pourraient entraver le passage des solides.

 «Il se pourrait donc qu'il faille actionner la chasse d'eau une deuxième fois pour réussir. Ce qui annulerait la finalité économique de la toilette», suppose M. Bouchard.

 Aussi, avant de changer sa toilette pour une autre à faible débit, il est préférable d'avoir une petite idée de l'âge de sa plomberie et de sa configuration.

 Collision

 En revanche, si un refoulement d'égout se produit tandis que des solides, en sens inverse, sont en chemin, un heurt a lieu. Les solides refouleront à leur tour.

 Et si les occupants s'absentent quelques jours et que la toilette cesse d'être employée, il se pourrait que les solides durcissent et adhèrent à la paroi, croit, de son côté, Mario Grondines, conseiller en bâtiment chez Habitation Expert-Conseil de Québec.

 Dans des cas semblables, mentionne-t-il à l'instar de M. Bouchard, «on sera porté à accuser la toilette». Mais à tort.

 Si, enfin, dans une toilette à faible débit régulière, on emploie du papier trop épais ou trop absorbant, il y aura perte d'eau libre pour le transport efficace des solides. «Il faudra peut-être actionner la chasse une autre fois», précise le porte-parole de la CMMTQ.

 

Photothèque Le Soleil

Toilette au design délicat. On reconnaît la toilette à faible débit à son petit réservoir. - photothèque le soleil