Les rénovations sont souvent des entreprises prenantes, parfois même éprouvantes. Pourquoi alors se compliquer davantage la vie et s'imposer de tout raconter et montrer en détail sur un blogue? Témoignages.

Métro, boulot, rénos

Le projet



En septembre 2013, Denisse Campos et son conjoint visitent une maison des années 40 sur la Rive-Sud. «Aussitôt la porte franchie, nous avons été séduits par le potentiel de cet endroit», se souvient Denisse Campos.

Conscients de la gigantesque charge de travail que représente cette acquisition, ils décident tout de même de foncer en raison de l'emplacement de la demeure, à quelques pas de la station de métro Longueuil.

Les travaux



Murs fissurés, plomberie vétuste, infiltration d'eau au sous-sol... La liste des priorités est longue. L'objectif? Terminer toutes les rénovations majeures avant le déménagement officiel, le 1er décembre 2013.

Pourquoi un blogue?



Deux enfants en bas âge, des emplois prenants, un délai serré avant le déménagement... Pourquoi avoir alourdi le programme avec un blogue de rénovation? «J'aime écrire, reconnaît la jeune maman. Il était important pour moi de documenter ce projet de couple et de famille. Plus encore, je souhaitais informer nos proches qui nous demandaient souvent des nouvelles de la maison. Je suis originaire de la Bolivie, plusieurs membres de ma famille vivent à l'étranger.»

Passionnée de design, Denisse Campos est justement une lectrice assidue de ce type de blogues. «Quand j'effectuais des recherches en ligne pour trouver des idées ou des renseignements, je tombais souvent sur des blogues de rénovation européens ou américains. Ce n'est pas la même chose. Ils n'ont pas les mêmes produits, les mêmes contraintes. On investit tellement dans un projet, pourquoi ne pas en faire profiter d'autres rénovateurs?»

Un exutoire inattendu



Au-delà de ces considérations pratiques, le blogue de Denisse Campos est vite devenu une soupape émotive. «Je n'étais pas du tout en train de renseigner les rénovateurs québécois, explique-t-elle en riant. Plus ou moins consciemment, j'utilisais mon blogue pour évacuer mon stress. Le blogue est devenu mon exutoire.»

Partager son expérience en direct lui a aussi permis de piquer la curiosité des amateurs de design. Le fils des anciens propriétaires est aussi tombé sur son blogue: «Il m'a laissé un paquet contenant une foule de renseignements sur l'histoire de la maison, raconte Denisse Campos. On a ainsi découvert que s'il y avait une porte-fenêtre au sous-sol, c'est que le propriétaire construisait autrefois des petits voiliers et qu'il avait besoin d'une grande ouverture pour les sortir.»

Partager sans filtre ni cachette



Comment tracer la frontière entre la vie publique et la vie personnelle quand on utilise un blogue pour évacuer son stress? «Quand il m'arrivait une mauvaise surprise, je prenais toujours une semaine pour décanter mes émotions, indique Denisse Campos. J'utilisais l'humour pour alléger les périodes difficiles. J'ai parfois écrit certains trucs que j'ai regrettés puis effacés, surtout vers la fin, quand j'avais hâte que les travaux finissent!»

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

À l'intérieur tout a été rénové, notamment le plancher en prélart qui datait des années 40. 

Quand tout le monde s'en mêle

Le projet



Designer graphique de formation, Christine Zoltok est une fervente adepte de décoration. «J'aime le design sous toutes ses formes, admet cette Ontarienne qui habite Montréal depuis cinq ans. J'aime que les choses soient belles et fonctionnelles, chez moi et au travail.»

En 2011, son mari et elle mettent la main sur leur appartement de rêve. «On cherchait un vieux logement avec beaucoup d'espace, mais qui n'avait pas été rénové en fonction des goûts d'une autre personne.»

Pourquoi un blogue?



Bidouilleuse de nature, Christine Zoltok décide de créer le blogue Design Catharsis pour partager les travaux de son appartement. De la salle de bains à la salle à manger en passant par l'entrée, elle ouvre virtuellement la porte de son chantier aux rénovateurs qui veulent bien s'en inspirer. «Je voulais créer un site qui présenterait une série de coups de coeur chinés au fil des ans, sans me mettre de la pression quant à la fréquence des publications.»

Si elle souhaitait initialement garder contact avec ses amis de Vancouver qui ne pouvaient pas voir en personne son nouveau nid douillet, Christine Zoltok et son conjoint Pierre ont été choisis par le site américain Apartment Therapy pour diffuser la rénovation de leur cuisine en temps quasi réel. «Je suivais régulièrement ce site et on envisageait de transformer notre cuisine de toute façon. J'ai donc soumis notre candidature, alors que nous en étions au stade de la planification. Notre projet a été retenu.»

Christine Zoltok s'engageait ainsi à faire état de l'avancement de ses travaux en signant au moins 10 billets, à propos notamment de la pièce avant les rénovations, de ses inspirations, des plans, des résultats finaux et du budget détaillé: «Comme notre projet a pris beaucoup plus de temps que 10 semaines, j'ai écrit 27 billets au total!»

Rénover envers et contre tous



«Pour alimenter mes blogues de rénovation, je devais peaufiner chacun de mes projets, en justifier chaque détail. Les avantages? Quand on explique notre vision, on la rend plus tangible, on la comprend mieux soi-même.»

Christine Zoltok ne s'en cache pas. Il lui était parfois difficile de voir ses décisions vertement critiquées et remises en question par les internautes. «Certains visiteurs disaient franchement n'importe quoi, alors je pouvais me distancer plus facilement de leurs propos, mais d'autres commentaires me déstabilisaient. Disons que bloguer a été un bon exercice pour apprendre à me faire confiance en matière de rénovation!»

Après une cuisine flambant neuve et un premier bébé né en plein projet, Christine Zoltok s'offre une pause bien méritée. Selon la nouvelle maman, il n'est pas toujours facile de concilier la gestion d'un blogue et les travaux de rénovation. «Je me sentais un devoir, une responsabilité d'informer ma communauté virtuelle. C'était très stressant, surtout à la fin des travaux. Je devais non seulement compléter ma cuisine et me familiariser avec mon nouveau rôle de maman, mais aussi rédiger mes billets. Si je décide de poursuivre l'expérience, ce sera sans culpabilité, sans pression... et avec une meilleure carapace face aux critiques!»

Le blogue: designcatharsis.com

Suivez aussi le projet de Christine Zoltok sur apartmenttherapy.com, onglet Renovation Diary.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Christine Zoltok est designer graphique de formation. 

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

La salle à manger au style électique très invitant. 

Pour voyager dans le temps

Le projet

Son histoire a fait le tour des réseaux sociaux. En novembre 2013, Vincent Gély, jeune trentenaire amoureux des antiquités, tombe sous le charme du presbytère de Saint-Zacharie, en Beauce. Une fois son offre acceptée, il se donne pour mission de le restaurer et d'en faire un point de ralliement pour sa famille.

«Vincent a toujours eu des projets fous, donc nous n'avons pas vraiment été surpris, raconte sa soeur Emmanuelle Gély. Dans la famille, nous sommes tous bricoleurs. Nous avons donc ressenti un mélange d'enthousiasme et d'inquiétude, car le projet n'est pas seulement audacieux, il est aussi lourd et périlleux.»

Les travaux



La prestigieuse demeure de 1918 s'enorgueillit en effet de 24 pièces, incluant trois salles de bains, trois salons et une douzaine de chambres. De la plomberie au système électrique en passant par les murs à abattre, le travail de réfection est majeur. Vincent Gély se donne deux ans pour tout rénover.

Pourquoi les réseaux sociaux?



«Quand je me suis porté acquéreur de la propriété, plusieurs journaux locaux ont couvert mon histoire, raconte Vincent Gély. Pour rire, on a voulu surfer sur la vague en documentant la suite des événements sur une page Facebook. L'enthousiasme des gens nous a un peu dépassés... On ne s'attendait pas à une telle réponse!»

Si sa vie familiale ne lui permet pas de rejoindre son frère en Beauce, Emmanuelle participe à l'aventure en étant sa gestionnaire de communauté virtuelle.

L'objectif de la page?



Montrer la bonne progression des travaux, mais aussi traduire la valeur patrimoniale du projet. «Nous ne sommes pas dans la consommation éphémère, mais dans la découverte et la conservation, explique Emmanuelle. Notre page est un bon véhicule pour dynamiser l'intérêt pour notre patrimoine commun.»

Plus de 1700 personnes suivent déjà la réfection de la propriété.

Des encouragements aux interrogations en passant par les compliments, les interactions se déclinent ici sous plusieurs formes. «Les habitants de Saint-Zacharie partagent avec nous leurs photos et souvenirs du presbytère, ce qui est essentiel pour ne pas dénaturer les lieux», se réjouit Emmanuelle Gély.

Les fans répondent aussi massivement aux appels urgents. À l'automne, un partage sur la page a permis de pallier rapidement un manque de bois de chauffage. Plus encore, des experts en toiture, en peinture d'époque et en réfection de demeure ancestrale ont pris connaissance du projet et veulent passer à Saint-Zacharie pour prodiguer leurs conseils au propriétaire. «C'est agréable de partager cette expérience avec des professionnels, explique Vincent. Mais surtout, il était important pour moi d'ouvrir les portes du chantier aux habitants de Saint-Zacharie, de les impliquer dans le projet. Ce sera toujours le presbytère de Saint-Zacharie...»

Les prochaines étapes



Cet été, Vincent restera en Beauce pour compléter les travaux de démolition, l'électricité et la plomberie, gardant ainsi les travaux de finition pour la saison froide et les travaux d'aménagement extérieur pour 2015.

La page officielle: cherchez «Le presbytère» dans facebook.com

Photo fournie par Vincent Gély

Le presbytère de Saint-Zacharie a été construit en 1918. 

Photo fournie par Vincent Gély

Avant d'emménager, Vincent Gély a entrepris des travaux majeurs, suivi par 1700 sur Facebook.