Certaines personnes achètent des maisons, les habitent, les rénovent et les revendent vite dans le but de faire de l'argent. Cela, sans permis d'entrepreneur et en échappant au fisc. La Régie du bâtiment (RBQ) et Revenu Québec connais-sent leur existence, mais ne disposent d'aucune donnée sur leur nombre.

Certaines personnes achètent des maisons, les habitent, les rénovent et les revendent vite dans le but de faire de l'argent. Cela, sans permis d'entrepreneur et en échappant au fisc. La Régie du bâtiment (RBQ) et Revenu Québec connais-sent leur existence, mais ne disposent d'aucune donnée sur leur nombre.

«On achète une maison qu'on veut habiter pour de bon. On est habile de ses mains, on la rénove. On réclame l'aide bénévole de quelques amis. À part les travaux reliés à l'électricité et au gaz qu'on doit obligatoirement confier à des entrepreneurs en règle, on peut, en principe, tout faire», déclare Christine Grant, porte-parole de la RBQ.

Cependant, continue-t-elle, si on achète, qu'on commence les travaux aussitôt et qu'on plante une affiche «à vendre» devant la maison au bout de quelques semaines, c'est suspect. À moins qu'une brouille soudaine dans le ménage ou autre incident fortuit ne soit venu abréger le projet d'y vivre longtemps.

Mais selon Mme Grant, il est clair qu'une personne qui rénove une maison rapidement dans le but de faire un gain de capital, après avoir conclu des contrats de service avec des sous-traitants, s'apparente à un entrepreneur. Elle est, en réalité, en affaires, mais déguisée en propriétaire occupant.

Des particuliers ont tout simplement la piqûre de la rénovation. Ils ont parfois le coup de foudre pour une propriété qui est dans un état lamentable, mais ils en perçoivent le potentiel. Ils la rafraîchissent. Le chantier dure quelques années. Une fois terminé, ils se disent : «C'est bien beau, mais à présent, qu'est-ce qu'on fait?» Alors, ils vendent, achètent une autre propriété et recommencent. Ils le font par passion, non pour faire de l'argent. Leur comportement n'est pas répréhensible, d'après la porte-parole de la RBQ.

Le look

Selon une designer d'intérieur de Québec s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, des particuliers font profession d'embellir des maisons ou des logements en copropriété pour les revendre à profit.

Certains n'y vont pas par quatre chemins. Sûrs que de nombreux acheteurs n'ont ni le temps ni le goût d'entreprendre des travaux lors de la prise de possession de leur maison ou de leur appartement, ils retapent les lieux en substituant au look ancien une ambiance «coup de foudre».

Ils remplacent la mélamine par des matériaux plus nobles, changent l'évier, les robinets, les luminaires et les carreaux de céramique, sortent les tapis devenus inesthétiques et odorants, font composer un décor nouveau assorti de couleurs «canon».

«Ensuite, ils vendent. Et ça marche. Ces personnes, curieusement, nous les revoyons souvent», assure-t-elle.

Ces rénovateurs «spéculatifs» ne passent pas par un agent immobilier pour vendre leurs maisons, affirme le président de la société de courtage Royal LePage Inter-Québec, Paul Éverell. D'autant plus que l'idée de payer une commission à un courtier leur semble intolérable. «C'est dans la logique même de leur démarche. Ils veulent empocher le plus d'argent possible», juge-t-il.

À visage découvert

«Les personnes et entreprises qui font des affaires en immobilier ou en construction travaillent généralement à visage découvert», affirme pour sa part Linda Di Vita, du service des communications de Revenu Québec.

Encore qu'il peut arriver, précise-t-elle, qu'un individu tire des revenus d'«entreprise» d'une maison acquise parce qu'il a eu vent que le terrain allait être convoité pour la construction, par exemple, d'une autoroute ou d'un centre commercial. «Il achète et emménage pour faire un coup d'argent. C'est une transaction commerciale qu'il fait, au fond», suppose Mme Di Vita.

Lorsqu'une personne, rappelle-t-elle, se livre plus ou moins fréquemment à des activités dans le but exprès d'en tirer des revenus, elle est réputée faire des affaires. Même si elles sont distinctes de ses occupations ordinaires. Du même souffle, plus elle déploie des efforts pour attirer des acheteurs potentiels ou plus le bien a été acquis et revendu dans un court laps de temps, plus elle s'expose à attirer le regard du fisc.

En revanche, un individu qui vend sa résidence principale rapidement en raison de mutations professionnelles ou de changements dans sa vie personnelle n'est pas susceptible d'être inquiété.

Un hobby lucratif

 Pas facile de trouver des rénovateurs spéculateurs prêts à se confier sur leurs pratiques. Un jeune professionnel de Montréal a toutefois consenti à parler au Soleil sous le couvert de l'anonymat.

 Cet homme affirme être un «fana» du travail manuel et du bricolage. Sa femme et lui ont acheté une première propriété il y a quelques années. Ils l'ont retapée pour la mettre à leur goût. Mais ils voulaient mieux encore. Ils l'ont vendue deux ans après. Avec bénéfice.

 La deuxième, ils l'ont mise eux-mêmes en chantier, de la cave au grenier. «Cela nous a réussi et m'a littéralement donné la piqûre», déclare-t-il.

 Accomplissement

 Jamais, selon lui, un entrepreneur ne leur aurait construit une résidence aussi accomplie à un prix aussi bas. «On sauve beaucoup à faire soi-même», tranche-t-il. Ils y sont restés 30 mois, ont vendu et recommencé.

 Leur troisième maison, celle qu'ils ont actuellement, ils se promettent aussi de la vendre à profit.

 «Des gens changent de voiture aux trois ans pour avoir mieux. Nous, c'est la même chose. Notre démarche, au fond, est du même esprit.»

 Sauf que chaque fois, ils encaissent un bon montant. «Une maison, c'est un gros projet. Les gens paient cher pour ça. C'est pourquoi le bénéfice doit être proportionnel», plaide-t-il.

 Plutôt à l'aise

 Vous sentez-vous à l'aise par rapport au fisc puisque vous vous soustrayez à l'impôt? lui demande Le Soleil.

 «Plutôt à l'aise, répond-il. Nous construisons et vendons à un rythme raisonnable. Nous prenons le temps d'habiter nos maisons», se défend-il. Ce, par opposition à d'autres qui en font quatre ou cinq par année et qui ne les occupent, finalement, qu'une couple de semaines.

 Sur cette base, il est persuadé que le ministère du Revenu leur donnerait le bénéfice du doute. Encore qu'il ne tient pas à ce qu'il s'intéresse à eux.