Le bardeau d'asphalte est, chez nous, le souverain des revêtements de toit en pente. Il semble indélogeable. Cependant, c'est le bitume modifié qui règne en maître sur les toits plats de Québec. Alors qu'à Montréal, c'est le multicouche.

Le bardeau d'asphalte est, chez nous, le souverain des revêtements de toit en pente. Il semble indélogeable. Cependant, c'est le bitume modifié qui règne en maître sur les toits plats de Québec. Alors qu'à Montréal, c'est le multicouche.

Le bitume modifié - appelé communément élastomère - consiste en la superposition de deux pellicules de bitume, additionné de caoutchouc synthétique (polymère), sur armature de polyester non tissé. L'ensemble est recouvert de gravillons, telles les paillettes d'ardoise, qui réfléchissent les rayons ultraviolets. Tandis que le multicouche, lui, est composé d'au moins trois couches de carton-feutre et de goudron, puis nappé de gravillons de pierres libres.

Or, le bardeau d'asphalte est généralement à prix modique et fait pour être remarqué. «On préfère celui qui est architectural, garanti 30 ans, en raison des jeux d'ombre et de lumière auxquels il donne lieu et parce qu'il imite les bardeaux de bois fendu ou l'ardoise», dit le président de la société de construction Maurice Bilodeau Inc. de Saint-Rédempteur, Marc Vaillancourt.

Essayez de convaincre les gens de préférer au bardeau d'asphalte l'ardoise, les tuiles romaines, la fibre de verre, les bardeaux d'acier à onglets couverts de granules ou encore l'acier «plagiant» les tuiles romaines ou l'ardoise. Pariez que vous n'y arriverez pas. Car, au Québec, on est accro au bardeau d'asphalte. Lequel est passé de la phase pratique à la phase décorative.

«Par ailleurs, la tôle d'acier gaufrée, si populaire il y a quelques années, est en perte de vitesse. En raison, sans doute, du prix élevé des métaux», estime M. Vaillancourt. D'un autre côté, son installation, plaide-t-il, est aussi laborieuse, sinon plus, que le bardeau d'asphalte en raison de la mise en place d'un support de lattes (fourrures).

André Picard est ferblantier-couvreur au service de Toitures Falardeau de Québec. Les revêtements traditionnels comme la tôle à la canadienne et la tôle à baguette sont, convient-il, somptueux, extraordinairement résistants et chers. Désormais en cuivre ou en acier inoxydable, ils se raréfient au fur et à mesure qu'on s'éloigne du Vieux-Québec, de l'île d'Orléans, des arrondissements historiques de Beauport, de Charlesbourg ou d'ailleurs.

«Néanmoins, les ferblantiers-couvreurs, encore en petit nombre, sont actuellement très occupés, car la demande de la part des institutions et des congrégations religieuses est très forte», confie-t-il.

La pose de ces revêtements est longue et patiente. Des particuliers, très à l'aise, se font fiers de faire couvrir ainsi toute leur maison. D'autres se contentent d'un «petit luxe». Celui, par exemple, de revêtir seulement un oriel ou une baie vitrée. «Pour ce genre de projet, il ne faut pas beaucoup de temps pour arriver à un coût de 3000 $ ou 4000 $», continue M. Picard. Un pan de tôle de cuivre de 3 pi sur 8 pi se détaillant, à lui seul, de 100 $ à 110 $.

Il est clair que, du fait de sa distinction, de son opulence et de son prix, la tôle en baguette ou à la canadienne, ne sied pas à un bungalow ou à un cottage économique.

M. Picard comprend cependant l'inclination de la majorité des propriétaires pour le bardeau d'asphalte. «Il est le couvrement de toit le plus commun et, au fond, il en sera toujours ainsi. On le changera deux fois dans une vie, à un coût de 10 000 $. Alors qu'un revêtement traditionnel sera cinq fois plus cher», soutient-il.

Très répandu à Québec

Architecte et directeur technique de l'Association des maîtres couvreurs du Québec (AMCQ), Guy Lalonde constate, pour sa part, que le revêtement en bitume modifié est très répandu sur les toits plats de la capitale nationale.

«On est sans doute très conscient de sa qualité tandis que son prix, à Québec, est à peine un peu plus élevé qu'un revêtement multicouche», s'explique-t-il.

À Montréal, ajoute-t-il, le multicouche est à un prix plus abordable. Sans doute en raison de la proximité des raffineries. Ce qui infère des frais de transport moindres. C'est pourquoi, il triomphe.

Mais, d'après André Picard, il faut tenir compte aussi de la grande quantité, dans la métropole, de toits plats contigus. Les couvreurs et propriétaires sont prudents. De peur d'incendies, ils aiment mieux le multicouche au bitume modifié qui est posé à la flamme.