«Tu es fou d'acheter ça!» Combien de fois Roger Bournival a-t-il entendu cette phrase d'un ami voyant la maison centenaire qu'il venait d'acheter à Saint-Barnabé, en Mauricie? Trop. Il faut dire que ses proches avaient de quoi être surpris en la voyant. La SCHL l'a trouvée dans un si mauvais état qu'elle a refusé d'assurer le prêt de M. Bournival, et il a dû la payer rubis sur l'ongle.

Quand Roger Bournival note qu'il devra refaire les planchers de sa maison, il ne sous-entend donc pas qu'il devra simplement en changer le linoléum: il devra en rebâtir toute la structure pour éviter que sa maison ne s'effondre quand, l'an prochain, il compte la soulever pour la déplacer de sept mètres. «Et lui faire faire une rotation de 90 degrés!», précise-t-il, en attendant la livraison d'un conteneur qui récupérera les déchets d'une rallonge qu'il s'apprête à détruire et les kilos d'objets accumulés par l'ancien propriétaire.

Peindre? Accrocher des cadres? Décorer? C'est loin d'être dans les plans immédiats de M. Bournival, qui se préoccupe plutôt de savoir si un marteau-piqueur suffira à concasser une épaisse dalle de béton dont il veut se débarrasser ou s'il devra sortir l'artillerie lourde: une pelle à rétrocaveuse.

Roger Bournival s'est métamorphosé en «rénovateur extrême», cette catégorie de gens qui sont prêts à se lancer consciemment et pendant plusieurs mois - voire plusieurs années - dans d'importants travaux, convaincus qu'ils peuvent transformer en petit nid douillet ce que d'aucuns qualifieraient sans doute de taudis.

«Je n'ai jamais regretté mon achat parce que je savais à quoi je m'attendais compte tenu du prix», dit-il d'une voix assurée. «Je ne le referais pas» Après 10 mois de travaux intenses, Marie-Ève Ferland est moins enthousiaste. «Je ne le referais pas. C'est vraiment, vraiment très dur», confie-t-elle. Le jeune couple a acheté une maison centenaire inhabitée depuis plus d'un an qui demandait beaucoup plus de travaux que prévu. Ils ont dû la désosser complètement pour refaire l'isolation. «On a trouvé tout et n'importe quoi dans les murs, des épis de maïs, du foin et même des chaussures!», dit Marie-Ève.

Puis il a fallu la solidifier, abattre des cloisons, en faire de nouvelles, changer l'électricité et la plomberie, rebâtir la cuisine. Ils pensaient emménager en décembre dernier, mais ils ne se sont finalement installés que vendredi dernier, et ce n'est pas faute d'y mettre des efforts: son conjoint, Maxime Blanchette, y consacre tous ses week-ends et plusieurs soirs par semaine. «Je n'ai pas de regrets parce qu'on aura une maison à notre image, mais c'est toute une épreuve à traverser pour un jeune couple!»

«J'étais parfois si découragé que j'aurais mis le feu à la maison!», lance à la blague Dominic Massé, qui a carrément ajouté un étage à son bungalow de Nicolet. «Le plus frustrant, c'est que le moindre retard crée un effet domino et repousse l'échéancier global.»

Raison

Le coût des rénovations menées par Marie-Ève Ferland et Roger Bournival sera presque aussi élevé que le prix payé pour la maison. Pourquoi se donner tout ce mal? «Parce qu'on est fous!», lâche spontanément Simon Lévesque, dans sa maison de Trois-Pistoles, qu'il a entrepris de refaire de A à Z avec sa conjointe il y a cinq ans. Mais surtout pour des raisons d'argent, parce que la banque n'acceptait pas de prêter au couple l'argent nécessaire pour acheter une résidence assez grande pour héberger les quatre enfants qu'ils comptaient avoir. Celle qu'ils ont trouvée, une reprise de faillite, était «une aubaine».

Et pour que le jeu en vaille la peine, un constat s'impose: il faut mettre la main à la pâte. Roger Bournival estime que son budget serait de quatre à cinq fois plus élevé s'il s'en remettait à un entrepreneur. Dominic Massé n'a pas pris de vacances pendant deux ans en prévision des travaux.

Du coup, rares sont ceux qui s'imaginent vendre le fruit d'autant d'efforts même si c'était le plan initial. «J'y ai consacré tous mes soirs, toutes mes fins de semaine pendant un an, dit Simon Lévesque. Il n'est pas question qu'on déménage un jour! On ne trouvera plus jamais une maison aussi à notre goût.»