En matière de rénovation, il y a deux clans. Ceux qui sont prêts à payer ce qu'il en coûtera pour sauver du temps. Et ceux qui, par intérêt ou pour épargner, décident de faire les travaux eux-mêmes. Pour ces derniers, s'engage alors un long parcours de plusieurs centaines d'heures.

Pas de designer ni d'architecte pour le couple Vincent-Albert. Mais plutôt le logiciel Paint pour faire les plans, le SketchUp pour le 3D, et une volonté de fer.

Philippe Vincent a passé une bonne partie de ses matinées, de ses soirées et de ses week-ends sur le chantier. C'était lui « l'entrepreneur », souligne sa conjointe Catherine Albert, qui l'a accompagné à toutes les étapes du projet. Les nombreuses heures de travail leur ont globalement permis d'économiser 15 à 20 % du budget des rénovations. « J'ai mis ici 35 heures par semaine, en plus de mon travail. Au fond, ça n'a pas de prix. »

En revanche, il y a bien sûr eu des coûts imprévus, comme ceux pour la réfection de la brique en façade et la solidification du mur descendant à la cave, à l'extérieur (voir autre texte). Et aussi les fameux « tant-qu'à-y-être ». Mais là où les dépenses ont vraiment pris un tour vertigineux, c'est à la quincaillerie. « J'étais là tous les jours, pour des vis, des clous, de la colle, des mèches, du silicone... Ça a dû me coûter 600 $ par semaine. »

Heureusement, le propriétaire avait tous les gros outils nécessaires. Et le couple a travaillé avec un menuisier fiable, Mathieu Sénécal, qu'il connaissait déjà, et son apprenti.

Les autres interventions extérieures sont venues, évidemment, du plombier et de l'électricien en début et en fin de travaux, de même que d'un ingénieur qui a approuvé les plans avant qu'ils soient présentés à la Ville.

Le rez-de-chaussée avant tout

Le couple a tout misé sur le rez-de-chaussée et la cour. « On voulait un espace très loft au rez-de-chaussée. On passe presque tout notre temps en bas », note Philippe.

Il fallait donc un espace large et clair. Le plafond était déjà à 10 pieds et il a été gardé à cette hauteur. Sauf dans la cuisine, où le couple l'a descendu à neuf pieds pour avoir une porte-fenêtre Alumilex de plain-pied donnant dans la cour.

La structure a été modifiée pour tous les murs porteurs du rez-de-chaussée et remplacée par une poutre avec une colonne d'acier. Toutes les portes ont été faites sur mesure afin de les monter à sept pieds et demi. « C'est plus difficile à installer que des portes standard. » Par ailleurs, ils ont réussi à obtenir un bon prix pour des fenêtres commerciales modifiant légèrement l'allure de la façade, mais acceptées par la Ville.

« Le rez-de-chaussée fait

22 pieds par 30. Le point central de la grande pièce, c'est l'îlot en béton de 11 pieds de long et 3 pieds de large », explique Philippe. Il est formé de cinq panneaux d'un pouce et demi d'épaisseur, sur le dessus, les côtés et l'avant. C'est le propriétaire qui l'a coulé lui-même dans la cour ! « 1600 livres de béton ; 27 poches de ciment dans la cour. Il a fallu construire des tables de vibration pour tester notre comptoir. »

Philippe a en outre construit tout le mobilier de la maison : buffet et table à café, table de la salle à manger, étagères dans le bureau et table de travail. Le meuble-lavabo dans la salle de bains, également... et la terrasse. Pour faire ressortir les meubles et les divers matériaux, comme le béton et l'acier, les propriétaires ont préféré une cuisine blanche, toute douce...

DES LEÇONS À RETENIR

Cinq mois de travail ardus pour un bilan somme toute très positif. Fiers, Philippe et Catherine ? Extrêmement. Mais ils ont dû se réajuster en cours de route à quelques reprises ou subir les aléas

du DIY (Do it yourself : faites-le vous-mêmes).

Un escalier en métal à démonter

Philippe a soudé lui-même l'escalier en métal qui mène à l'étage. Il l'a posé marche par marche, mais une fois en haut, il s'est aperçu qu'il arrivait un pouce au-dessus du plancher ! « Toutes les marches étaient soudées une par une sur la poutre centrale. J'ai démonté chaque marche et meulé un 16e de pouce sur chaque marche avant de les replacer. »

Un piètre sous-traitant

Le choix du sous-traitant en ventilation n'a pas été un grand succès... Philippe l'avait découvert sur l'internet sans se poser trop de questions. Mais quand il l'a vu arriver en auto - parce que son camion était brisé -, il a commencé à avoir des doutes. « Le système a été mal installé. Il y avait des trappes qui sortaient aux mauvais endroits et le thermostat n'était pas placé où je voulais. » Le soi-disant installateur a reçu l'ordre de refaire le travail. La morale : contacter au moins trois fournisseurs, même s'ils chargent plus cher, et s'assurer qu'ils ont des références.

Un plancher en frêne très dur

Plutôt que de s'approvisionner dans une usine de planchers, les propriétaires l'ont fait dans une terre à bois, à laquelle ils avaient facilement accès. Ils y ont récolté du frêne, qu'ils ont envoyé faire sécher, embouveter et planer. « Même avec une assez bonne coupe, ce bois est difficile à travailler. Les menuisiers sont revenus m'aider gratuitement. »

Une démolition pénible

Les deux tourtereaux se sont attaqués à la démolition à coups de masse. Ils sont fiers de l'avoir fait, mais l'expérience a été très éprouvante. Trois semaines dans la poussière... en pleine canicule. « Se brûler le corps et l'esprit, ça ne vaut pas la peine pour économiser 15 $ de l'heure ! »

Un mauvais choix de scellant à béton

Choisi sans précautions, le scellant à béton ne s'est pas avéré très efficace. C'était un scellant commercial, non conçu pour un comptoir résidentiel. « J'aurais dû mettre une cire de carnauba (NDLR : une cire issue des feuilles d'un arbre du Brésil). Maintenant, notre comptoir peut rester taché », déplore Philippe.

Une déformation sur la façade

À la hauteur du deuxième étage, la brique ressortait de deux pouces. La maison avait tellement travaillé que la structure de bois était complètement collée à la brique, ne laissant aucun espace pour l'air entre les deux parois. Grâce au menuisier Mathieu Sénécal, on a mis temporairement des équerres en bois pour redresser le mur extérieur. « Ça a marché. On a ensuite commandé des tuyaux en métal. On les a vissés avec des vis géantes - des tire-fonds - à l'intérieur de la maison entre le premier et le deuxième étage », souligne Philippe.

Une descente piteuse

Découverte fâchante : un des murs de la descente vers le sous-sol s'affaissait. Il a fallu couper le mur et refaire un coffrage. Les deux entrepreneurs contactés demandaient de 15 000 à 20 000 $. « Comme ce n'était pas un mur de fondation, nous l'avons fait nous-mêmes pour 1200 $. »