Le quartier Saint-Jean-Baptiste à Québec, dont les rues s'étagent jusqu'à la falaise, a toujours été le préféré des artistes et des inconditionnels de la ville. Demandez à des jeunes où ils veulent avoir leur premier appartement. Une fois sur trois, ils vous répondront dans Saint-Jean-Baptiste.

En 1994, Colette Durocher était comme ces jeunes, elle n'avait qu'une idée en tête : vivre dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. Aussi, quand est apparue sur le marché une maison de trois étages, rue Saint-Olivier, elle n'a pas hésité une seconde à l'acheter. Et pourtant, il fallait avoir une bonne dose d'imagination pour en déceler le potentiel. Divisé en trois petits logements, l'immeuble avait été négligé, si bien que l'électricité, la plomberie, la toiture étaient à refaire en priorité.

Ainsi, après avoir investi une partie de ses économies dans les rénovations les plus urgentes, Colette a dû mettre son projet de transformation sur les tablettes jusqu'à l'arrivée de Gilbert dans sa vie. Ce Québécois d'origine belge l'a aidée à réaliser le plus gros des travaux qui font aujourd'hui de cette maison un nid douillet et confortable.

Mais il aura fallu la patience et l'habileté manuelle de Gilbert pour résoudre les nombreux problèmes que présentait la maison centenaire, à commencer par des planchers qui inclinaient dangereusement vers le bas, des espaces de rangement quasi inexistants ainsi que des dégagements si étroits sur les paliers qu'ils en étaient dangereux.

«Rien à faire, il a fallu démolir et reconstruire, précise l'ébéniste-menuisier, afin de remettre les surfaces à angles droits, rendre la cuisine fonctionnelle et le rez-de-chaussée habitable.» De la poussière, de la poussière et encore de la poussière, c'est le mot qui leur vient à l'esprit quand ils repensent à ce vaste chantier qui a duré plus de cinq ans.

Mais les résultats sont spectaculaires et parlent d'eux-mêmes. La maison a conservé un cachet d'antan, une originalité toute spéciale, grâce à la récupération du bois des doubles planchers ainsi que des lattes qui couvraient les murs des chambres à coucher. Avec ce bois-là, Gilbert a reconstruit les armoires et le comptoir de la cuisine ainsi que tous les meubles de la salle à manger. D'ailleurs, l'ameublement, d'un beau miel doré, forme un tout enveloppant avec le plancher en bois de même teinte, les portes d'origine un brin égratignées et les châssis doubles à carreaux, qui, malgré leur âge, ne portent pas la moindre trace de moisissure.

Le style du passé préservé

Pour conserver le style du passé, le couple a également remis à nu certains murs de la maison, dont celui du salon, composé de vraies pierres du cap Diamant. Une pierre friable dont Colette a refait un à un le ciment des joints, y gagnant des indulgences pour le restant de ses jours.

Et pour s'assurer que tout resterait bien en place, le couple a enduit la pierre d'un scellant «parce que des petits morceaux se détachaient constamment», explique Colette.

Mais c'est au dernier étage que les transformations ont nécessité le plus de remue-méninges, notamment la salle de bains, qui mesurait la largeur d'une porte. «Imaginez, il n'y avait pas assez d'espace pour circuler entre le lavabo et la baignoire, c'est vous dire combien c'était petit», s'exclame Colette. En gagnant quelques pieds sur la chambre à coucher, Gilbert a réussi à loger une douche en verre ainsi que l'antique bain sur pattes d'origine, un meuble-lavabo et même du rangement. Le rangement, c'est ce qui a été le plus difficile à récupérer dans toute la maison, reconnaissent les propriétaires. «Néanmoins, on a des garde-robes à tous les étages, un garde-manger dans la cuisine ainsi que des casiers fort pratiques», insiste Colette.

La chambre principale, il faut l'avouer, remporte la palme de l'ingéniosité avec ses poutres mal équarries qui supportaient, autrefois, les petites lattes des murs. Plutôt que de cacher les vieux deux-par-quatre derrière du carton-plâtre, le couple a choisi d'exposer les poutres centenaires. Même chose pour le plafond, qui suit les contours d'une ancienne toiture découverte en démolissant. Pour séparer la chambre principale de celle des amis, une porte coulissante, mais qu'on garde ouverte, pour laisser passer la lumière.

Enfin, l'escalier, lui aussi d'origine. On le remarque parce que les rampes ne sont pas aux normes d'aujourd'hui. Par contre, le design des montants prouve combien les ébénistes du temps avaient du talent.