Qu'importe! En voie de devenir un véritable sport national d'un océan à l'autre, la «réno» est loin de ralentir. Une fièvre généralisée dont les causes sont pourtant bien connues... mais dont personne ne veut le remède!

Qu'importe! En voie de devenir un véritable sport national d'un océan à l'autre, la «réno» est loin de ralentir. Une fièvre généralisée dont les causes sont pourtant bien connues... mais dont personne ne veut le remède!

Au Québec, la rénovation est une industrie de 6 millards $ qui roule à fond, en progression de 200 à 215 M $ par an, observe Alain Rousseau, président de la bannière Réno-Maître et de la Commission des garanties rénovation, à l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ). Des chiffres impressionnants qui surpassent depuis un bon moment ceux de la construction neuve. «Cette machine-là ne s'arrêtera pas!»

À même de constater l'ampleur du phénomène à sa propre entreprise, le propriétaire de Vitro-Clair, sur le boulevard Hamel à Québec, est catégorique lorsqu'il donne son explication. «C'est mathématique ce qui arrive!» Résultat de deux forts cycles de construction dans les années 70 et 80 (dont 72 000 mises en chantier en 1987, une année record), il existe un important bassin de résidences dont l'âge avoisine aujourd'hui les 20 ans. Forcément, elles devront être retouchées... «C'est le retour du balancier», résume simplement M. Rousseau.

Un passage du temps que la maison de Carole Cloutier, dans l'arrondissement Les Saules à Québec, a bien senti. La demeure construite au milieu des années 50 et rénovée quelque temps avant que Mme Cloutier n'en fasse l'achat en 1985, devait recevoir quelques soins à l'automne. «Ou j'investissais, ou je partais», raconte celle-ci. Après un moment de réflexion, elle a décidé de prendre le taureau par les cornes. L'amour du quartier et un bref calcul l'ont convaincu qu'elle perdrait au change si elle déménageait dans un condo neuf. Sans compter que son superbe bouvier des Flandres de 115 livres et ses deux chats auraient compliqué l'affaire! Peinture et céramique sont donc au programme et on rénove en famille depuis quelques mois.

Prendre le marteau

Mais au-delà de l'explication «mathématique», il existe aussi une foule d'autres bonnes raisons pour s'emparer du marteau. Dans une récente étude commandée par le programme de récompenses Air Miles et relatée dans The Gazette, on énumère trois facteurs un peu moins terre à terre.

Recherche d'identité, besoin de finaliser son univers et désir de reconnaissance sont alors les motivations qui pousseraient les gens à se salir les mains. Et quoi qu'on en dise, malgré l'achalandage chez les rénovateurs spécialisés, ce sont encore les propriétaires eux-mêmes qui passent le plus souvent à l'action entre leurs murs.

«C'est la grande surprise», lance Danielle Coutlée, directrice soutien aux ventes, services financiers aux particuliers, chez RBC Banque Royale. Un sondage commandé cet automne par la RBC sous les yeux, elle affirme que sur les 59 % des Canadiens qui prévoient faire des rénovations au cours des prochains 24 mois, plus de la moitié envisage de le faire eux-mêmes.

Dans la Belle Province, sur les 58 % Québécois qui prévoient retaper leur demeure, cette proportion descend à 40 %. «C'est au Québec qu'on rénove le moins par nous-mêmes», précise la directrice. La raison? Notamment le coût encore abordable des résidences ici, en comparaison avec le reste du pays, qui permettrait d'allouer plus d'argent pour l'embauche de spécialistes, suggère-t-on à la RBC.

Ce qui ne veut pas dire pour autant que les gens ne collaborent pas au processus, insiste Mme Coutlée. Sinon, comment expliquer l'affluence dans les magasins destinés à embellir et moderniser les maisons, partout dans la province! Souvent, le Québécois achètera lui-même et fera installer par la suite. Le meilleur des deux mondes, l'économie en prime!

Pour son condo à Stoneham, Caroline Gosselin et son conjoint ont pris en charge les opérations. Le jeune couple n'a pas hésité à se lancer dans l'aventure, aidé de parents et d'amis. Devant l'ampleur du chantier, ils n'ont cependant pas refusé l'idée de faire appel à des spécialistes, quand l'expertise le commandait, comme pour la pose de la céramique près du bain-tourbillon.

Et pourquoi acheter pour rénover? «En une phrase? Parce que c'est à notre goût», lance la jeune femme, qui profite actuellement des efforts de cet automne. «Avec une maison neuve déjà bâtie, c'est assez dur de trouver exactement comme on veut...»

Un choix qui, de toute façon, serait revenu financièrement au même, juge-t-elle. «Mais il aurait fallu faire des compromis!» Au terme de 10 000 $ dépensés et quelques mois à revamper le logis, elle est tout à fait satisfaite. «On a atteint notre objectif!»

Une façon de faire qui serait passablement fréquente. En effet, d'après les observations de la RBC, ce sont les Québécois qui sont les plus susceptibles d'emprunter sur la valeur nette de leur résidence, dans le but spécifique d'effectuer des rénovations. De nouveaux produits financiers sont justement créés à cet effet, pour répondre à la demande des futurs propriétaires, le tout intégrant une marge de crédit encore plus flexible à l'hypothèque.

«Toutes les autres raisons pour rénover sont aussi bonnes», garantit Alain Rousseau. La population vieillit et pour beaucoup, il est plus simple de rénover que de quitter le lieu et les voisins auxquels on s'est attaché au fil des années, illustre-t-il.

Ou encore la maison est payée, les enfants partis et on recherche une qualité de vie bonifiée. «Les gens veulent se faire plaisir!» Puis, quand vient le temps d'envisager le neuf, «les gens voient le prix et se disent “ça n'a pas de bon sens”! Et il reste chez eux!»

C'est alors que le téléphone de M. Rousseau sonnera pour un remplacement de la fenestration. À moins que le client ne prévoit s'attaquer à sa cuisine... Et pourquoi pas la toiture? Ah! Tant de projets à réaliser!