Rien ne destinait Stéphanie Gendron et sa famille à s'établir dans Ville-Émard. Ni son conjoint ni elle ne connaissaient le quartier. Sauf qu'après six mois de recherches intensives pour trouver une maison spacieuse avec une grande cour, à proximité d'une station de métro, coûtant au maximum 430 000$, ils ne trouvaient rien. À reculons, ils sont allés voir une maison dans Ville-Émard, à la suggestion de leur courtier immobilier. Ce fut le coup de foudre.

«C'est un beau duplex construit en 1925, que nous avons transformé en maison à étages, explique Stéphanie Gendron. Nous l'avons acheté par défaut, après avoir cherché en vain dans Rosemont-La Petite-Patrie, Villeray et Verdun. Cette maison avec le rez-de-chaussée tout rénové, à aires ouvertes, était offerte à 410 000$!»

Mère de trois petites filles, Beatriz, qui a presque 4 ans, Ana, 2 ans et Sofia, deux mois, elle apprécie le quartier, où elle habite depuis septembre 2010. Desservi par les stations de métro Angrignon et Monk, il se trouve dans l'arrondissement du Sud-Ouest. Délimité au nord par le canal de Lachine, il englobe le parc Angrignon.

«Il y a beaucoup de rues résidentielles super agréables, constate Mme Gendron. Comme nous sommes un peu enclavés, il règne un esprit de village. Tout le monde se connaît et veille un peu sur les autres. C'est une belle surprise!»

Autre découverte: l'été, elle se rend au travail en vélo en longeant le canal de Lachine puis en traversant le Vieux-Port. «C'est super beau», apprécie-t-elle.

Un bémol? Habitant auparavant dans Rosemont-La Petite-Patrie, elle s'ennuie de la vie trépidante à laquelle elle était accoutumée. Grande habituée de la Plaza Saint-Hubert et du Plateau élargi, elle déplore le manque de dynamisme sur le boulevard Monk. «J'essaie d'encourager les commerces locaux, dit-elle. Mais certains ne paient pas trop de mine, même s'ils ont de bons produits et si les gens sont avenants. Les belles vitrines sont l'exception.»

Faire découvrir Ville-Émard

Mia Desroches et Guillaume Fortin ont aussi été attirés dans Ville-Émard par une maison vendue à un prix très avantageux. Pendant son congé de maternité, de juillet 2010 à juillet 2011, Mia a écrit un blogue sur son nouveau quartier afin de mieux le faire connaître. «Je n'ai pas beaucoup d'amis dans le coin et j'espérais attirer d'autres personnes de mon âge», explique la jeune femme, qui aura bientôt 34 ans.

Depuis son retour au travail et l'entrée de son petit Éli à la garderie, elle manque de temps pour son blogue. Mais elle est aussi enthousiaste en ce qui concerne Ville-Émard. «C'est très tranquille, apprécie-t-elle. Le matin, très tôt, quand je fais mon jogging dans le parc Angrignon, c'est féérique. Et il y a mille et un circuits pour faire du vélo.»

Elle aussi aimerait voir le boulevard Monk prendre du galon. «C'est déprimant, déplore-t-elle. C'est la touche qui manque pour avoir une riche vie de quartier.»

Les grands rivaux? Le Carrefour Angrignon, construit tout près il y a une vingtaine d'années, et les magasins de grande surface, qui se sont ajoutés. Mais un changement est en train de s'opérer, constate Benoit Dorais, maire de l'arrondissement du Sud-Ouest.

«Les mentalités changent en faveur du développement durable, des commerces de proximité et du transport en commun, et on voit un retour de l'achalandage sur le boulevard Monk, dit-il. On part de loin, mais de nouveaux commerces s'installent. Depuis 2009, nous avons investi pour provoquer le changement.»

Patrick Martineau et les trois autres membres de leur coopérative ont pris le pari, il y a un an, d'ouvrir le Bistro Monk, où ils servent (entre autres) du café équitable et bio. «Ce n'est pas si audacieux, croit le jeune père de famille. Depuis six ou sept ans, il y a un changement démographique. Des gens de diverses classes sociales et origines culturelles adoptent le quartier.»

Beaucoup reste toutefois à faire, estime Helen Toddy, directrice générale de la Société de développement commercial (SDC) de la Plaza Monk.

«Il faut une allure de fraîcheur pour attirer les nouveaux arrivants, estime-t-elle. Pour que l'artère soit à leur image, il faudrait changer les bancs et les poubelles, peindre les lampadaires et ajouter des fleurs. L'arrondissement a un plan triennal, il faut maintenant mettre de l'argent pour le réaliser. Car, si l'environnement est moche, les gens vont reprendre leurs vieilles habitudes et sauter dans leurs voitures.»

Ville-Émard a beaucoup changé, constate Huguette Roy, conseillère du district de Saint-Paul-Émard. «C'est beaucoup plus sécuritaire qu'avant, dit-elle. Si le quartier est l'un des plus touchés par les graffitis, à Montréal, c'est à cause de la présence de stations de métro et de la proximité de l'échangeur Turcot. On est la porte d'entrée de Montréal et c'est facile d'y circuler.»

Un très bon travail a été accompli cette année pour effacer les graffitis, précise-t-elle. L'écoquartier et même des citoyens ont prêté main-forte pour faire disparaître toute trace de récidive. «À eux seuls, au 30 octobre, les cols bleus ont effacé 16 000 mètres carrés de graffitis, l'équivalent de deux terrains de football, sur l'espace public, que ce soient des bancs, des chalets de parcs, des monuments ou les édifices municipaux! C'est maintenant plus agréable!».

Café Bistro Monk

Rendez-vous officiel des curieux du quartier, le Bistro Monk fêtait son premier anniversaire cet automne. Les quatre fondateurs de ce jeune «écoresto» ont à coeur la revitalisation de l'artère principale du quartier. Du matin au soir, ils offrent un lieu de rencontre chaleureux, du café équitable, un menu bistro simple et accessible, des brunches et bien d'autres petits plaisirs qui n'étaient plus proposés dans le secteur. Il y a une trentaine d'années, la mère du copropriétaire Patrick Martineau avait quitté le quartier pour élever ses enfants, jugeant qu'il était trop dépravé. Patrick y est revenu autour de 2001, pour y fonder une famille ! Les temps changent.

6396, boul. Monk,514-439-8108

O'Mari

Cette petite fabrique artisanale de pâtes alimentaires symbolise le potentiel et l'espoir du boulevard Monk. Bien qu'il vive à Saint-Lambert, le propriétaire Daniel St-Pierre s'est installé dans ce «quartier en développement». Il y confectionne d'excellentes pâtes à l'ancienne et milite pour la réhabilitation du petit ravioli ( !), farci aux champignons sauvages ou au saumon fumé, entre autres. Les sauces, les fondues parmesan et autres mélanges de fromages italiens sont préparés sur place. Lors de notre passage, la semaine dernière, l'étagère de Panettone était déjà bien garnie. Vivement les Fêtes à l'italienne dans Ville-Émard.

6584, boul. Monk, 514-768-2613

Diallo Burger Original

Ce casse-croûte qui dégage à peu près autant de charme qu'un McDo des années 80 est une véritable institution, fondée en 1929 et déménagée dans les locaux actuels en 1967. À toute heure de la journée, on y croise une faune bigarrée, composée autant des piliers du quartier que de jeunes cool venus assouvir leur rage de burger. Le Dilallo originel continue de préparer ses boulettes à la minute avec de la viande fraîche et à les surmonter d'ingrédients frais coupés. Le fameux «Buck Burger», avec fromage, piments forts et capicollo, demeure la spécialité de la maison. Si les frites ne sont pas tout à fait à la hauteur, les rondelles d'oignon, elles, passent le test. Pour dessert, oubliez la tarte aux pommes maison et renouez plutôt avec May West, Jos Louis et les autres !

2851, rue Allard, 514-767-9921

SAQ Ville-Émard

Non, ce n'est pas un petit commerce indépendant, mais c'est néanmoins un service quasi essentiel. Les résidents ont bien failli perdre leur petite SAQ de quartier l'été dernier. Le groupe Solidarité SAQ Sud-Ouest a bon espoir que son opération de sauvetage fonctionnera. À la SAQ, on dit que le dossier est toujours en analyse et que le monopole d'État fera connaître sa décision au début de 2012. Certes, la sélection n'est pas la plus excitante, mais on y trouve de quoi se dépanner lorsqu'un voyage à la SAQ Atwater, mieux garnie, n'est pas possible.

6730, boulevard Monk 514 -762-4143

Les aliments Félix Mish

Cette épicerie-charcuterie polonaise est un des secrets les mieux gardés en ville, sauf pour les vrais amateurs de smoked meat, qui trouvent mieux à faire que la file sur le boulevard Saint-Laurent. C'est dans le fumoir à l'arrière de la boutique que M. Ron Mish prépare sa fameuse viande fumée, de même que ses kielbasa (saucisses), son bacon, etc., comme le faisait son père 50 ans auparavant. Tenue par la charmante Mme Mish, Ivana, l'épicerie offre également une sélection de choucroutes, de pierogis congelés (pas maison), de cornichons, de confitures et autres spécialités pour la communauté qui souhaite perpétuer une certaine tradition gastronomique.

1903, rue Jolicoeur, 514-766-2094

Ville-Émard en chiffres

En 1910, Ville Émard et Ville Saint-Paul ont été annexées à Montréal. Les deux quartiers font désormais partie du district Saint-Paul-Émard, dans l'arrondissement du Sud-Ouest. Délimité au nord par le canal de Lachine, le quartier Ville-Émard englobe le parc Angrignon et se situe à l'ouest du boulevard Monk. Il est bordé par Côte-Saint-Paul, ainsi que LaSalle, Verdun et Saint-Henri.

POPULATION (en 2006)

14 140 personnes

EN TOUT

6883 logements

680 maisons unifamiliales

1264 duplex

331 triplex

358 copropriétés (dont des duplex et des triplex convertis en copropriétés)

Environ 2350 logements dans des multiplex

Source : rôle d'évaluation foncière de janvier 2011

ÉCOLES

Il y a trois écoles primaires francophones dans Ville-Émard et une école primaire anglophone. L'école secondaire Honoré-Mercier est dans Saint-Paul.

PARCS

Six parcs, dont le parc Ignace-Bourget où on peut jouer au soccer, faire de la planche roulettes (skatepark), de la natation (piscine et pataugeoire), et même de la glissade, l'hiver, grâce à la grosse butte. Dans le parc Angrignon, on peut faire de la marche, des pique-niques, du ski de fond, de la raquette et du vélo, car une piste cyclable traverse le parc.

MÉTRO

Deux stations de métro: Angrignon et Monk

LES PLUS

- La proximité du canal de Lachine et du parc Angrignon

- Les rues résidentielles, très paisibles

- La solidarité et l'entraide entre les citoyens

- Les prix encore abordables des propriétés

LES MOINS

De nouveaux commerces s'installent sur le boulevard Monk et d'anciennes boutiques se mettent à jour, mais l'artère commerciale manque de dynamisme. Elle doit être revitalisée pour donner le goût aux gens du voisinage de s'y aventurer.