«Les enfants grandissaient et nous voulions les élever à la campagne. Déménager de Montréal en région signifiait pour moi changer de carrière.» Étienne Ricard, concepteur de décors de théâtre et de cinéma pendant 15 ans, avait toujours trouvé ses contrats en ville.

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«J'avais envie de bâtir quelque chose de permanent, à partir de matériaux aptes à une seconde vie. J'aime que les choses aient une âme, une histoire, ça leur donne une plus-value extraordinaire. Et ça me fait plaisir d'épargner de nouvelles ponctions à la planète.»

Pendant quelques années, Étienne pose les jalons de son rêve. Il dessine le futur logis de la famille qu'il forme avec Pascale Déry, costumière, et leurs deux enfants, Jade, aujourd'hui 10 ans, et Jasmin, 7 ans. Et surtout, il acquiert de nouvelles compétences: un cours d'entrepreneur général, «qui m'a beaucoup aidé à comprendre le milieu», les formations d'Héritage Montréal, de Novoclimat, d'Écohabitation, d'Archibio (ballots de paille, chanvre coffré), ainsi qu'un apprentissage sur les enduits à la chaux avec Sylvie Plaire.

À la recherche de poutres de démolition, il se rend à Lambton, où un propriétaire veut se débarrasser d'une maison ancestrale en pièce sur pièce. «La structure ressemblait tellement à ce que je voulais, relate-t-il, avec ses poutres de 36 pieds, ses chevrons, tenons et mortaises, que j'ai pris la maison au complet.»

La suite, déconstruire, numéroter et reconstruire, était une seconde nature pour le scénographe, rompu aux déménagements de décors en tournée théâtrale et, ajoute-t-il, «habitué à gérer des budgets».

Une année sans solde

En 2009, Étienne prend une année sans solde pour s'investir dans son projet «maison durable et changement de carrière», alors que Pascale continue à travailler. «Construire une maison cause beaucoup de stress et il est fondamental pour la survie du couple qu'un seul des deux porte ce stress, estime Étienne. Je consultais Pascale quand c'était nécessaire. Je m'occupais du chantier de 8 à 5, en semaine. Nous habitions un petit logement tout près.»

«Il y avait comme un contrat entre nous, ajoute Pascale. C'était le rêve d'Étienne, c'était important pour lui et pour l'avenir de son travail. Je lui ai dit: «Je t'accompagne, je vais habiter dans cette maison avec plaisir, mais ne me demande pas de sacrifier tout le reste.» C'était important de conserver une disponibilité pour les enfants. Et d'avoir une vie de famille où on parlait aussi d'autre chose.»

Patience

La famille a déménagé de Montréal à Waterville en septembre 2007 et acheté la terre au printemps 2008. La maison de Lambton a été déconstruite en quatre semaines, en septembre et octobre 2008. «Mon père a énormément aidé à la déconstruction, rapporte Étienne. Les personnes âgées ont cette patience.» Les pièces de la structure ont été numérotées et tout matériau réutilisable, comme les lambris et les portes embouvetées, classé.

«Quand on travaille avec des matériaux recyclés, ça prend un certain temps avant que chaque élément trouve sa place. Il faut une base d'objets bien triés, comme dans les ateliers d'accessoiristes», explique Étienne.

Pour valider ses idées concernant les fondations et l'efficacité énergétique, Étienne consulte Luc Muyldermans, ingénieur et pionnier des maisons solaires au Québec. Reconstruite en fonction des critères de la convoitée certification LEED - on vise le niveau Or -, la maison compte maintenant 945 pieds carrés par étage plus une mezzanine. «Nous pouvons accueillir beaucoup de monde, se réjouit Étienne. Et chacun peut avoir son coin où se retirer.»