Le designer d'intérieur Christian Bélanger est catégorique: Mile-Ex est le quartier montréalais émergent le plus inspirant actuellement. «Ça me rappelle le boulevard Saint-Laurent, avant qu'il ne devienne à la mode, il y a environ 20 ans, à l'époque du Shed Café et du night-club Business», confie celui qui a habité le Plateau Mont-Royal pendant près de 20 ans avant d'emménager dans un loft du secteur Mile-Ex, l'an dernier.

«Il est maintenant de plus en plus rare de trouver de vrais lofts industriels comme celui-ci, avec un plafond original de 5 m de hauteur, une chambre en mezzanine, de grandes fenêtres, mais sans rangement intégré (!), fait-il remarquer. Il y a un côté authentique qu'on ne retrouve plus dans d'autres secteurs branchés. Ici, tout le monde se parle, l'ambiance est conviviale et sans prétention. Éventuellement, j'aimerais acheter une ancienne maison et la moderniser d'une manière radicale, dans le même esprit que celle, en béton, située à quelques pas de chez moi», ajoute-t-il.

Cette habitation en béton, située avenue Beaumont, a été conçue par son propriétaire, l'architecte Henri Cleinge. Cette étonnante construction aux lignes nettes et au style brut aurait difficilement pu être élevée dans un autre secteur de la ville, non?

«Ce projet particulier a pu être réalisé grâce à l'obtention de dérogations au règlement d'urbanisme. Parmi ces dérogations, il y avait celle concernant le revêtement extérieur qui doit être de la maçonnerie, c'est-à-dire de la brique ou de la pierre», répond Gisèle Bourdages, urbaniste de formation et conseillère en aménagement à l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie.

Photo: Marco Campanozzi, collaboration spéciale

«Nous avons accepté le béton en raison de la qualité du projet dans son ensemble et de par le passé industriel du quartier. Ce matériau est tout aussi noble que la maçonnerie», explique-t-elle.

Elle rappelle également que le secteur Marconi-Alexandra est un milieu hétéroclite propice à l'exploration et à l'architecture contemporaine.

Pas étonnant, plusieurs architectes habitent le quartier, dont Renée Daoust et Gilles Saucier.

Ce dernier, associé principal chez Saucier " Perrotte, y a d'ailleurs installé son agence et aménagé son appartement, à l'étage supérieur.

Selon lui, la Ville devrait profiter de l'occasion pour faire de ce secteur un laboratoire créatif.

«Ce type de milieu décousu offre la liberté d'élaborer une architecture nouvelle en matière d'habitation, affirme-t-il. Toutefois, il faut bien ouvrir les yeux et observer la mixité visuelle afin de préserver l'âme du quartier», enchaîne-t-il.

Photo: Marco Campanozzi, collaboration spéciale

Pour les maisons jumelles de la rue Waverly, les architectes de l'agence Dupuis Le Tourneux ont évoqué l'environnement éclectique et semi-industriel du quartier en exposant notamment le béton brut de décoffrage des fondations. Devant l'escalier extérieur, un panneau d'acier galvanisé a été posé, histoire de rehausser l'entrée.

«Nous tentons de préserver une mixité dans le secteur en favorisant des projets de construction ou de rénovation avec bureau, atelier d'artiste ou commerce en rez-de-chaussée, enchaîne Mme Bourdages. Les demandes d'industriels pour réutiliser les usines sont quasi inexistantes, alors que celles pour l'habitation sont très nombreuses», dit-elle.

Il est vrai que les anciens bâtiments industriels possèdent des composantes architecturales et des qualités spatiales attrayantes pour une habitation: plafonds hauts, généreuse fenestration, plancher de bois... «Ce sont des coquilles idéales pour une conversion en immeuble à condos, façon lofts», confirme l'architecte Tudor Radulescu. C'est d'ailleurs dans le secteur Marconi-Alexandra que ce dernier, en compagnie de son associé Rami Bebawi, a réalisé son premier projet en tant que promoteur. En 2006, les fondateurs de Kanva ont recyclé une usine de textile des années 40 pour en faire un immeuble en copropriété de 34 appartements: Fabbrica. Pendant les travaux, les architectes se sont lancés dans un autre projet similaire, situé dans le même quartier: la rénovation et l'agrandissement d'une usine de textile: 7140 Alexandra.

Photo: Marco Campanozzi, collaboration spéciale

Véritable point de rencontre dans le secteur, Le pick up, a ouvert ses portes il y a deux ans et sert plusieurs plats prisés par les résidents, dont le sandwich au porc braisé. «Nous voulions recréer le vrai dépanneur qui rallie les gens du coin», explique la copropriétaire Penny Pattison.

La mise en vente de ces appartements lumineux ont bien sûr attiré plusieurs acheteurs. Ces derniers sont bien souvent à la recherche d'un quartier plus tranquille que le Plateau et ils adorent le marché Jean-Talon, ainsi que les cafés et les restos de la Petite-Italie, observe Amy Assaad, qui a plusieurs appartements à vendre dans le quartier et qui est courtier immobilier agréé pour Royal LePage Heritage. Selon ses calculs, le coût actuel d'un condo dans le Mile-Ex oscille entre 300$ et 365$ le pied carré, taxes incluses.

À titre comparatif, le prix d'un appartement au centre-ville de Montréal peut valoir 400$ ou 450$ le pied carré et atteindre 1000$ le pied carré, dans le cas d'un condo très luxueux. Et du côté du Plateau Mont-Royal? «Les prix sont très variables, mais j'y ai vendu récemment un appartement au coût de 350$ le pied carré», révèle Mme Assaad.

Photo: Marco Campanozzi, collaboration spéciale

Une vue du loft industriel de Christian Bélanger, un designer d'intérieur amoureux du secteur que certains appellent Mile-Ex et qui est délimité au nord par la rue Jean-Talon, au sud par la rue Beaubien, à l'ouest par les voies ferrées du Canadien Pacifique et à l'est par la rue Clark.

Reste à savoir si la revitalisation du Mile-Ex atteindra l'ampleur de celle du Plateau?

«Je ne crois pas, car ce secteur est plutôt en retrait des grandes artères, fait remarquer Penny Pattison, l'une des premières à avoir surnommé son quartier «Mile-Ex» et copropriétaire du dépanneur Le pick up.

Photo: Marco Campanozzi, collaboration spéciale

Le secteur Marconi-Alexandra est un quadrilatère hétéroclite où cohabitent les habitations (duplex, maisonnettes d'un étage), les garages (comme celui-ci haut), les usines et les espaces commerciaux. Ces deux «plex» sont situés près du parc Mozart.