Le prix des terrains résidentiels explose dans la grande région de Québec. La hausse est de 7 % en 2007, ce qui surpasse largement l'inflation. C'est que la demande est très forte et que les parcelles de terre se font de plus en plus rares. Les villes de Québec et de Lévis veulent développer intelligemment en freinant l'étalement urbain, mais pendant ce temps, les jeunes ménages reluquent les municipalités en périphérie.

Le prix des terrains résidentiels explose dans la grande région de Québec. La hausse est de 7 % en 2007, ce qui surpasse largement l'inflation. C'est que la demande est très forte et que les parcelles de terre se font de plus en plus rares. Les villes de Québec et de Lévis veulent développer intelligemment en freinant l'étalement urbain, mais pendant ce temps, les jeunes ménages reluquent les municipalités en périphérie.

 Difficile de trouver une parcelle de terre où construire son nid dans la grande région de Québec. Plus que les maisons, les terrains résidentiels sont devenus la denrée rare par excellence, et leurs prix continuent de monter en flèche.

 La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) a dévoilé cette semaine une augmentation de 7 % du prix des terrains en 2007. Ce qui s'ajoute aux fortes hausses de 2006, où les prix ont connu une augmentation de 14 % en juillet.

 «Le pire est passé, mais l'augmentation des prix reste encore très élevée. Bien au-dessus de l'inflation, qui tourne autour de 2 %», constate Frédéric Brie, analyste de marché à la SCHL.

 «Un terrain qui valait 25 000 $ il y a cinq ans à Saint-Nicolas ou Saint-Jean-Chrysostome en vaut aujourd'hui 50 000 $», lance Louis Bouchard, courtier en immobilier sur la Rive-Sud, qui dit n'avoir jamais vu de situation pareille dans le passé. «Les gens sont obligés de s'installer sur un terrain cher en partant dans la vie», ajoute-t-il.

 Normalement, l'augmentation du prix des maisons suit celle des terrains, ce qui n'est pas le cas depuis deux ans dans la grande région de Québec. Le prix des terrains galope, tandis que celui des maisons stagne, ou presque.

 Frédéric Brie pointe plusieurs facteurs d'explication. D'abord, l'adoption par la Ville de Québec de son Plan directeur d'aménagement et de développement (PDAD) en juin 2005, et par la Ville de Lévis de sa Stratégie de gestion de la fonction résidentielle, en mars 2005. Deux plans d'urbanisme, une même vision: freiner l'étalement urbain en renforçant la construction dans la zone où les services municipaux se rendent déjà.

 Mais c'est à la suite de ces plans que les prix se sont mis à monter à la vitesse grand V. «C'est plutôt la loi de l'offre et la demande. Et on développe quand même plusieurs projets de construction à Québec!» soutient François Moisan, porte-parole de la Ville.

 À Lévis, on admet la faute en soutenant qu'on avait mal évalué la situation en 2005. «On pensait que notre croissance serait temporaire, mais ce n'est pas le cas. (...) Je peux vous dire qu'il y aura plus de terrains disponibles sur notre territoire à partir de 2008», souligne Robert Cooke, directeur de l'urbanisme et des arrondissements de la Ville de Lévis.

 Le fait que les terrains des quartiers centraux de Québec soient détenus par un petit nombre de joueurs explique aussi la hausse des prix.

 «Le jeu de la concurrence est moins présent», dit Frédéric Brie. Et il ne faut pas oublier les coûts qui augmentent pour les promoteurs, qui doivent souvent se charger de l'enfouissement des fils, de la construction d'un bassin de rétention des eaux de pluie, etc.

 Enfin, M. Brie soutient que depuis les fusions municipales, il est plus long de développer un secteur. «La bureaucratie est plus lourde, et les promoteurs détiennent les terrains plus longtemps avant de les vendre», souligne-t-il.

 Grossir la périphérie

 Cette flambée des prix fait migrer les acheteurs vers la périphérie de Québec, où les terrains sont un peu plus abordables. L'étalement urbain que veulent contrer Québec et Lévis se fait ainsi à travers d'autres petites villes.

 Les jeunes couples ou les petites familles ont été tentés par des lots à Sainte-Brigitte-de-Laval ou à Saint-Henri, qui ont vu leur municipalité grossir de 18 % et 14 % respectivement en cinq ans, selon la SCHL.

 À la Ville de Québec, on ne s'inquiète pas trop de ce phénomène. «C'est une vérité presque historique que les terrains sont moins chers à l'extérieur de la ville qu'en ville, et ce, partout dans le monde. C'est dur à changer, c'est presque inévitable», soutient François Moisan.

 Trouver son petit bijou soi-même

 Trouver son propre terrain, décider de ses plans et choisir son constructeur, est-ce encore possible à Québec?

 «De moins en moins», répond Frédéric Brie, analyste de marché à la SCHL. C'est que les grandes villes que sont devenues Québec et Lévis font du développement de masse, souvent de 300 logements à la fois. Alors pour acheter une aussi grande quantité de terrains, il faut avoir les reins solides. «Ce sont les grands promoteurs qui entrent en jeu et ils ont un choix limité de constructeurs avec qui leurs clients doivent faire affaire», explique M. Brie.

 Il y a aussi plus de règlements à suivre sur les terrains en ville. «Les gens qui veulent construire leur maison eux-mêmes se déplacent souvent en périphérie», ajoute-t-il. À moins d'être armé de beaucoup de patience et d'imagination, comme Steve Girard. Ce designer de formation est arrivé à dénicher un terrain pour installer la maison qu'il a lui-même conçue dans Saint-Sauveur. «Pour moi, ce projet symbolisait le retour en ville et j'y tenais», dit-il.

 Il fallait y tenir pour être prêt à mettre deux ans d'efforts et de démarches. «C'est que les terrains qui restent en ville ont souvent plusieurs contraintes. S'il n'y en a pas, il faut que la maison respecte un style particulier ou qu'elle soit bâtie par tel constructeur. On n'a pas toute la liberté voulue!» souligne M. Girard.

 Son terrain, il l'a trouvé par un beau hasard. En passant sur la rue Hermine, il a vu qu'un ancien stationnement était à vendre. «Ça devait faire au moins 100 ans qu'il n'y avait pas eu de construction là. Et le prix était correct, parce que le quartier est encore un peu boiteux», dit-il.

 Mais avant de tomber sur cette offre, le futur acheteur en était venu à longer plusieurs rues qui l'intéressaient, à observer les terrains qui n'étaient pas utilisés, à faire sa petite enquête pour trouver le propriétaire et à lui faire un prix. «Ce n'était plus de la recherche de terrains, c'était de la sollicitation!» lance-t-il en riant.

 Exceptions à la règle

 Il existe encore quelques endroits, non loin de Québec, qui résistent à la vague de la hausse des prix des terrains. Dont Saint-Gilles, dans Lotbinière, où il est encore possible de dénicher une terre d'accueil pour sa maison à environ 15 000$ (de 1,50 $ à 2,50 $ le pied carré). Et la municipalité de moins de 2000 âmes offre même à ses nouveaux arrivants un programme de subvention allant jusqu'à 5000 $ sur cinq ans lors de la construction d'une maison neuve.

 Tout ça parce qu'elle doit rentabiliser son nouveau système d'égoût et d'aqueduc. «Le programme existe depuis un an et déjà, on a beaucoup de demandes. Les gens sont prêts à s'installer un peu plus loin de Québec pour avoir leur terrain à un prix raisonnable», indique Lucie-Marie Deblois, directrice générale de Saint-Gilles. D'ici sept ans, la municipalité veut accueillir 50 nouvelles familles.