Attendre ou foncer? Pas de panique! Lemarché immobilier canadien est stable. Pour l'instant. Inspection des fondations du problème en huit points.

Attendre ou foncer? Pas de panique! Lemarché immobilier canadien est stable. Pour l'instant. Inspection des fondations du problème en huit points.

 1. La crise immobilière américaine est-elle contagieuse ?

 Aux États-Unis, le marché immobilier pique du nez. La crise américaine des subprimes ces prêts hypothécaires à risque accordés à des emprunteurs qui ne correspondent pas aux critères de solvabilité habituels menace t-elle le marché canadien?

 Les marchés immobiliers américain et canadien sont fondamentalement différents, soutient Hélène Bégin, économiste aux Études économiques du Mouvement Desjardins. Au Canada, les prêts hypothécaires à haut risque ne représentent encore que 5% des nouveaux prêts accor - dés en 2006, en lente progression depuis les 2% atteints en 2001.

 Aux États-Unis, leur proportion est passée de 7% à 22% pendant la même période.

En outre, on observe aux États-Unis un large déficit de la demande par rapport à l'offre, ce qui s'est traduit par une chute des prix. «La santé du marché immobilier est bien meilleure de ce côté-ci de la frontière, constate Hélène Bégin. Au Canada, on voit encore des progressions de prix. Au Québec, particulièrement, le marché surprend par sa vigueur.»

Ces deux facteurs «immunisent presque complètement le pays contre une crise semblable à celle observée aux États-Unis», selon le rapport des Études économiques de Desjardins publié cette semaine. À la limite, la crise américaine pourrait-elle exercer une légère influence psychologique sur les acheteurs canadiens, leur instillant une frilosité que le marché immobilier local ne justifie pas? Pour l'instant, rien ne permet d'observer cet effet.

 Le risque est ailleurs et indirect : la crise immobilière américaine, qui touche déjà les marchés financiers, pourrait dégénérer en récession qui tirerait avec elle l'économie canadienne. Il s'ensuivrait un impact sur l'emploi, sur la confiance des consommateurs et, ultimement, sur les marchés immobiliers.

 «La crise immobilière américaine ralentit l'économie mais ne devrait pas la faire sombrer en récession à court terme», soutient néanmoins Hélène Bégin, avant d'ajouter : «Mais il y a un risque...» À suivre... De près...

 2. Le prix des maisons existantes va-t-il baisser ?

 Rassurons-nous : le marché immobilier, même s'il ralentit, est encore en bonne santé. En fait, depuis le début de l'année, il s'est mieux comporté que les prévisions ne le laissaient croire.Dans la grande région métropolitaine, le marché de la revente a connu un premier semestre exceptionnel, avec une hausse de 13% du nombre de transactions par rapport aux six premiers mois de 2006.

 «Les facteurs fondamentaux soutiennent le marché de l'habitation», explique Bertrand Recher, économiste principal à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL). Le taux de chômage est à son plus bas depuis des lustres. Les facteurs économiques et démographiques progressent de façon modeste mais stable. Résultat : au Québec, l'année 2007 devrait se solder par une hausse du nombre de ventes de 9% par rapport à 2006, suivie d'une pause légèrement décroissante en 2008, avec un recul estimé à 2%.

 Et les prix, demandez-vous ? «Fini les croissances à deux chiffres au Québec», lance Bertrand Recher. Néanmoins, en raison de la vigueur persistante du marché, la SCHL a vu cette semaine dans sa boule de cristal une hausse de 6% en 2007, puis de 2% en 2008, c'est-à-dire sensiblement égale à l'inflation.

 En somme, le marché de la revente devrait être en équilibre en 2008, ne favorisant ni l'acheteur ni le vendeur. Peut-on voir plus loin? Difficile, mais le marché de la revente ne s'annonce pas excédentaire avant longtemps.

3. Les maisons neuves seront-elles abordables?

 Les acheteurs font déjà savoir qu'ils ont atteint leur limite.

 «De plus en plus de gens se tournent vers le marché de la revente plutôt que vers le neuf car il y a un écart de prix croissant», soutient Bertrand Recher.

 Après s'être resserré à la faveur de la flambée immobilière du début des années 2000, l'écart de prix entre les maisons neuves et existantes s'est creusé à nouveau entre 2004 et 2006.

 L'écart s'est légèrement refermé en 2007. Au deuxième trimestre, les maisons individuelles et jumelées neuves affichaient un prix le prix moyen de 292 000$ (10 000$ de moins qu'au trimestre précédent!), contre 260 000$ pour les unifamiliales existantes. «L'écart est moins élevé qu'en début d'année parce qu'on construit des produits plus abordables», explique Sandra Girard, analyste principale de marché à la SCHL. Les acheteurs de neuf délaissent de plus en plus les maisons individuelles pour les maisons en rangée ou jumelées, moins chères.

 L'acheteur ne doit cependant pas nourrir l'espoir de baisses de prix futures. «La croissance des prix va se poursuivre, quoique moins prononcée en raison des changements dans la composition du parc», poursuit Mme Girard.

 En effet, le marché du neuf demeure ferme. Les mises en chantier devraient atteindre 48 100 unités au Québec en 2007, et baisser à 45 000 en 2008. À plus long terme, vers 2010, la SCHL entrevoit des mises en chantier sous la barre des 40 000 unités, «mais encore à des niveaux relativement élevés», commente Bertrand Recher.

 4. Les propriétaires sont-ils trop endettés?

 Les propriétaires courent-ils des risques de se retrouver dans une situation difficile? Leur niveau d'endettement les rend-il vulnérables? Tout au long de 2006, l'accroissement de la dette des ménages canadiens a été plus important que celle de leurs revenus. Cette tendance n'a pas fléchi depuis plus d'une décennie: la proportion des dettes par rapport au revenu disponible des ménages est passée de 99% en 1994 à 124% au début 2007.

 Par contre, le service de la dette, c'est-à-dire la proportion des revenus consacrée aux paiements des intérêts, est passé de 10% au milieu des années 90 à environ 6,2% en 2004, pour remonter à 7,15% au premier trimestre 2007.

 C'est ce qui permet à la Banque du Canada d'estimer que dans l'ensemble, les ménages canadiens sont en bonne santé financière. Le taux de faillite personnelle est en chute depuis le début 2005. De même, la proportion des prêts hypothécaires dont les paiements sont en retard depuis trois mois connaît une baisse quasi constante depuis 1997.

 En fait, cette situation favorable repose sur des taux d'intérêts maintenus à des niveaux minimes de 2001 à 2005, et qui sont encore fort raisonnables.

 Toutefois, si la tendance à l'endettement se maintient, une simulation de la Banque du Canada montre qu'un accroissement rapide du taux directeur de l'ordre de 1,5% pourrait fragiliser plusieurs ménages d'ici quelques années.

 Ce qui nous mène à la question suivante...

 5. Les taux d'intérêt peuvent-ils exploser?

 Les taux d'intérêt vont-ils grimper? Le taux moyen pour le terme de cinq ans se maintient à 7,24% depuis la légère hausse de la fin juin.

 En fait, il est possible que les taux hypothécaires baissent sous peu. «Sur les marchés financiers, les taux se sont repliés de 27 points (0,27%) depuis le 19 juin», observe Benoît Durocher, économiste chez Desjardins. «On pourrait s'attendre à ce que les institutions financières annoncent des baisses de taux hypothécaires à la suite de ces mouvements de marché.»

 À plus long terme, toutefois, la tendance est à la hausse et le terme de cinq ans pourrait atteindre 7,4% à la fin de l'année, et 7,75% fin 2008, prévoient les économistes de Desjardins. Par rapport au taux actuel, il s'agit d'une addition de 0,5%.

 Sur une hypothèque de 200 000$ amortie sur 25 ans, la mensualité passerait ainsi de 1430$ à 1495$, soit 65$ de plus.

6. La propriété s'en vient-elle inaccessible?

 Depuis 2000, le coût médian de la propriété existante dans la région de Montréal a été multiplié par 1,85, passant de 105 000$ à 195 000$. Pour suivre ce rythme, il aurait fallu que le salaire horaire moyen gonfle de 16,07$ à 30$. En 2006, il était à 18,87$.

 Pour jauger ce phénomène, l'économiste principal Bertrand Recher, de la SCHL, a utilisé une méthode comparative plutôt originale.

 Imaginons dans une ville quelconque un travailleur moyen, qui touche le revenu horaire moyen de sa région, et qui veut acheter une maison au prix moyen du marché immobilier local. Il dépose une mise de fonds de 20% et choisit le taux fixe de cinq ans en vigueur, avec un amortissement de 25 ans. Ce travailleur ne veut pas que sa mensualité hypothécaire excède 30% de ses revenus mensuels avant impôts. Combien d'heures doit-il travailler chaque mois pour respecter ce plafond?

 Bertrand Recher a fait l'exercice pour les principales villes canadiennes. En 2006, il fallait 181 heures par mois à Montréal, 128 heures à Québec, 93 heures à Saguenay et 254 heures à Calgary, 275 heures à Toronto, et 407 heures à Vancouver.

 À raison d'une charge normale de 162 heures de travail par mois, le Montréalais célibataire moyen ne pourra donc accéder à une maison moyenne, tandis que son équivalent saguenéen n'a pas besoin de se dénicher un conjoint pour atteindre ce louable objectif.

 En moyenne au Québec, il fallait 12 heures de travail par mois de plus en 2006 qu'en 2005 pour être propriétaire dans les conditions décrites - près de deux jours de labeur de plus chaque mois.

 7. Dois-je vendre?

 Si vous avez décidé de vendre, il ne vaut pas la peine de retarder votre décision dans l'espoir d'une hausse importante de prix l'an prochain. Le marché tend lentement vers l'équilibre mais demeure pour l'instant en faveur des vendeurs - quoique de peu.

 «Les vendeurs ont perdu un peu de leur position de force depuis un an, déclare Hélène Bégin. Ça amène un peu plus de souplesse dans les négociations qu'il y a un an, mais ils ont encore le gros bout du bâton.»

 Par ailleurs, nul besoin de hâter votre décision: rien ne permet de prédire une chute prochaine des prix.

 8. Est-ce le temps d'acheter?

 Pas de presse, pas de panique, pas de geste précipité. «Il faut toujours acheter en fonction de ses besoins», énonce Bertrand Recher. Les prix n'exploseront pas et ne chuteront pas non plus. Leur hausse devrait se stabiliser au taux de l'inflation l'an prochain.

 C'est néanmoins le temps de commencer à prendre le pouls du marché, pour pouvoir, le moment venu, savoir reconnaître une offre avantageuse.

 Surveillez les taux d'intérêt, qui pourraient baisser prochainement - et temporairement. Ce sera le moment de fixer un prêt préétabli à un taux garanti, si vous envisagez l'achat d'une maison dans les mois qui suivront.

 

Prix de vente moyen des logements existants au Québec / Prix des maisons neuves et existantes dans la grande région de Montréal