«Pourquoi est-ce que je devrais donner à un agent immobilier 9000 $ à 10 000 $ sur ma maison, ce qui équivaut à 15 000 $ de salaire, à moi qui ai toujours travaillé, pour une chose qu'il va vendre de toute manière, que ce soit la mienne ou une autre?»

«Pourquoi est-ce que je devrais donner à un agent immobilier 9000 $ à 10 000 $ sur ma maison, ce qui équivaut à 15 000 $ de salaire, à moi qui ai toujours travaillé, pour une chose qu'il va vendre de toute manière, que ce soit la mienne ou une autre?»

En une phrase, M. Roy a posé le problème. Il a mis sa maison en vente au début de la semaine. Il utilise les petites annonces et il a planté une pancarte sur son terrain. C'est tout. Inquiet? «Pas du tout, répond ce résidant de la Rive-Sud. Pour moi, vendre ma maison aujourd'hui ou demain ne fait aucune différence, parce que je ne suis pas pris dans un étau.» Sa sérénité s'appuie en partie sur un test effectué au début février.

Une petite annonce publiée durant trois jours lui a valu trois appels téléphoniques et quatre courriels. Auxquels se sont ajoutées, bien sûr, les sollicitations d'agents immobiliers attirés par la mention d'une vente sans agent immobilier. «L'objectif de l'agent est de vendre des maisons, pas nécessairement de prendre soin de toi, affirme M. Roy. Il aime mieux en vendre trois avec 5000 $ de profit qu'en vendre une où il obtiendrait 8000 $.»

Une impression? L'intuition de M. Roy est confirmée par un brillant économiste américain, Steven D. Levitt, qui s'est penché sur cette question dans un livre fort amusant, Freakonomics, écrit en collaboration avec le journaliste Stephen J. Dubner. Suivons leur raisonnement. Avec la commission classique de 6 %, une maison de 300 000 $ rapporte 18 000 $ à l'agent.

Si l'acheteur est amené par un autre agent, la commission est partagée à parts égales. En outre, l'agence peut demander jusqu'à 50 % de la commission touchée par l'agent pour les frais et cotisations. En somme, l'agent ne met souvent dans sa poche que 1,5 % du prix de vente, soit, pour notre maison de 300 000 $, une somme de 4500 $. Un peu plus d'efforts et de patience lui aurait-il permis d'obtenir davantage? S'il en obtenait 310 000 $, le propriétaire toucherait, sur ces 10 000 $ supplémentaires, 9400 $ après commission. Mais le surcroît d'efforts de l'agent n'ajouterait que 150 $ à ses émoluments. La motivation est mince.

Ce constat a été confirmé par une étude réalisée sur 100 000 transactions immobilières dans la région de Chicago. Un agent immobilier qui vend sa propre maison la laisse en moyenne 10 jours de plus sur le marché et obtient 3 % de plus que dans le cas de celle d'un client. «Lorsqu'il s'agit de sa propre maison, l'agent prend le temps d'attendre la meilleure offre; lorsqu'il vend la vôtre, il vous pousse à accepter la première proposition correcte», observent les auteurs de l'ouvrage. De plus en plus de propriétaires se font la même réflexion et sont prêts à vendre eux-mêmes leur propriété. Reste à voir si le jeu en vaut bien la chandelle.