Quelque part dans une montagne de Sainte-Anne-des-Lacs se cache une maison pas tout à fait comme les autres. La différence ne saute pas aux yeux tant qu'on n'a pas passé le seuil. Mais aussitôt qu'on entre dans le vestibule, c'est la surprise. On a l'impression d'être sur le parquet d'une cathédrale européenne du XIIIe siècle!

Les deux passionnés qui y vivent tiennent un discours, disons, hermétique: tenon à angle, aisselier, queue d'aronde... encastrée, par-dessus le marché. Autant de termes de charpenterie traditionnelle qui ont aidé Pierre Pratte et Céline Gendre à construire leur maison Timber Frame, communément appelée «charpente massive à tenons-mortaises», telle qu'on l'aurait bâtie il y a 800 ou 900 ans.

Qu'est-ce que le Timber Frame? Pierre et Céline se posaient la même question quand ils ont découvert l'expression. «On restait dans un chalet ancien sur les bords du lac Colette, explique Pierre. Le chalet exigeait beaucoup de travaux. Quand on nous a dit qu'il fallait installer un nouveau sanitaire...» C'est la goutte qui a fait déborder le proverbial vase. «On s'est dit que ce serait mieux de tout démolir et de recommencer à zéro, se rappelle Céline. Pour bâtir quoi et comment? On n'en avait pas la moindre idée.»

Un midi, dans un petit café de Saint-Sauveur, ils tombent par hasard sur un magazine qui fait l'éloge d'un type de construction s'apparentant aux techniques ancestrales de charpenterie, le Timber Frame. Ils apprennent que le principe repose sur le jointage minutieux de pièces de bois massif au moyen de tenons, de mortaises et de chevilles de bois. «En d'autres mots, pas de clous ni de vis, que des pièces en bois savamment taillées afin qu'elles s'enchâssent les unes dans les autres pour créer une charpente robuste et très solide.»

Pierre, comptable agréé, s'est découvert un talent pour la menuiserie après avoir pris sa retraite en 2002, à l'âge de 46 ans. «Longtemps, j'ai fabriqué des meubles, mais je ne m'étais jamais lancé dans la construction de bâtiments.» Jusqu'à ce que lui et Céline décident d'ériger un cabanon sur le terrain. «Ç'a été l'élément déclencheur.»

L'article sur le Timber Frame les a convaincus de se lancer dans ce projet complètement fou (leur aveu). Ils allaient construire leur nouvelle maison selon ces techniques presque millénaires.

«Au début, on ne connaissait rien de rien. À force de chercher, on a trouvé d'autres passionnés qui nous ont guidés. Maintenant, on les connaît tous.» Après avoir fait appel à un architecte américain qui leur a fourni un plan basé sur le croquis élaboré par Pierre, ils ont commencé la construction. Première étape: démolir la partie droite du vieux chalet. Puis, ils ont fait livrer les premiers morceaux de bois pour bâtir la charpente afin de les émonder, de les tailler et de les assembler. Le reste a suivi, saison après saison.

Les pièces de bois sont lourdes et il a fallu, pour les déplacer, que le couple achète un tracteur. Ont suivi (beaucoup) d'autres outils essentiels. «C'était un petit délire! Au début, on travaillait seuls, on n'avait aucune ressource. Pour machiner les pièces, je devais calculer [jusqu'à 10 fois par coupe], estimer et prier pour que tout s'imbrique comme il faut. Je n'avais jamais fait cela. Je ne dormais plus ! Avec le temps, on s'est entourés de gens qui nous ont beaucoup aidés.»

La construction de la maison a pris cinq ans et ne s'est pas faite sans heurts. Céline raconte avec émotion la fois où Pierre a fait une chute de 20 pieds, de l'étage au sous-sol. «C'est un miracle qu'il s'en soit tiré indemne!»

Au fil du temps, ils ont assemblé 7800 PMP (pieds mesure de planche), 604 joints (mâles et femelles), 412 goujons, mais aucun clou ni aucune vis. Ces chiffres - et une foule d'autres informations - ont été répertoriés par Pierre et Céline, qui ont créé un blogue pour immortaliser leur projet et aider ceux qui seraient tentés par l'expérience. Près de 40 000 visiteurs venant des quatre coins du monde l'ont visité depuis sa mise en ligne, il y a huit ans.

https://timberframepp.blogspot.ca

Le résultat est franchement impressionnant. Non seulement le couple a bâti toutes les composantes de la maison, mais Pierre a fabriqué les meubles, armoires, portes, parquets, etc. L'avantage de cette construction est qu'une fois la charpente montée et asséchée, les joints de bois se resserrent, consolidant le bâtiment. La cathédrale sera debout pendant longtemps.

Elle sera là, mais le couple sera ailleurs. «Quand on a fini, on a senti un grand vide, raconte Pierre. On n'avait plus rien à faire. Alors... on s'est acheté une ferme!» Pierre et Céline quitteront donc leur maison pour labourer une terre et rénover, pourquoi pas, une autre maison.

Photo fournie par Profusion Immobilier R.B.

C'est l'arrière de la maison. On voit ici le petit cabanon (à droite), élément déclencheur qui a incité le couple à construire sa maison.

La propriété en bref

Prix demandé: 939 000 $

Année de construction: 2012

13 pièces comprenant 3 chambres, 2 salles de bain, 1 salle d'eau, 1 foyer au bois

Superficie du terrain: 26 078 pi2

Évaluation municipale: 480 400 $

Impôt foncier: 3048 $

Taxes scolaires: 547 $

Courtier: Richard Beaumier, Profusion Immobilier R.B., 514 434-5594

Consultez la fiche de la propriété: https://www.centris.ca/fr/maison~a-vendre~sainte-anne-des-lacs/13007088

Photo fournie par Profusion Immobilier R.B.

Le petit lac Colette borde le terrain du couple.