«Même enfant, j'étais ébahi par les belles maisons», dit Réal-Maurice Beauregard. Le fonctionnaire retraité a grandi sur une ferme et, quand il marchait pour se rendre à l'école de rang, il admirait les maisons plus coquettes que la sienne. «Ça me faisait rêver».

Trente ans plus tard, alors qu'il louait un quatre et demi sur le boulevard Saint-Joseph à Montréal, sa propriétaire lui a annoncé qu'elle vendait le quadruplex rempli de boiseries pour la somme de 139 000 $. C'était en 1980 et il avait avait alors 35 ans. «Je ne me voyais pas propriétaire d'un immeuble comme celui-là.»

À la place, il a acquis une unifamiliale de 20 pièces à Louiseville, située à environ une heure de Montréal avec Ginette Lesage, son épouse native de la ville. Une maison que le couple a amoureusement restaurée et meublée à la mode d'antan. Les plafonds du rez-de-chaussée culminent à 10 pieds et demi. Le salon a un charme suranné. «Le couturier personnel d'Alys Robi avait cousu les rideaux sur place », affirme l'homme de 68 ans.

Huit chambres

Deux médecins et un notaire ont déjà utilisé cette demeure, située à l'une des principales intersections de la ville, pour y dispenser leurs services professionnels. Deux portes capitonnées témoignent de ce passé pas si lointain : l'une sépare les anciennes salles d'attente et de consultation, l'autre mène vers l'actuelle salle à manger.

Le médecin qui leur a vendu la maison utilisait la petite pièce attenante à cette chambre comme salle d'examen, révèle M. Beauregard. C'est devenu un boudoir percé d'une fenêtre, lieu intime longtemps utilisé comme chambre de bébé. Ensemble, les propriétaires actuels ont hébergé des gens âgés pendant près d'une vingtaine d'années sous leur toit, en plus d'y élever leurs deux enfants. Un job très prenant pour Mme Lesage, qui a lancé la serviette après 18 ans de services. «Un bon matin, j'ai décidé d'accrocher une affiche Bed and Breakfast en façade», relate M. Beauregard, l'oeil brillant.

L'aventure du gîte dure depuis la fin des années 1990. Il y a quatre chambres à l'étage, une au rez-de-chaussée, tandis que celle attentante au local bébé est au RDC et la dernière, au sous-sol) les plus grandes sont réservées aux visiteurs. L'étage comporte deux chambres supplémentaires. Ce sont les anciennes chambres des domestiques (accessibles par un escalier de service depuis la cuisine). Le plafond y est plus bas et les dimensions, plus modestes. L'un des fils y a longtemps trouvé un refuge douillet. «Mais à 13 ans, il a préféré déménager sa chambre au sous-sol.»

Là se trouve une huitième chambre, au plancher carrelé de céramique avec une salle de bains contigüe, ainsi qu'un débarras où sont ordonnés des services à thé en porcelaine, des horloges dépoussiérées, des encadrements jaunis et tutti quanti.

«Je ne suis pas capable de jeter quoi que ce soit qui est bon», confesse l'amateur d'antiquités en évoquant le contenu de l'ancienne écurie, un deuxième bâtiment (inclus dans la propriété) qu'il a doté de deux portes de garage et d'une magnifique porte d'entrée en bois sculptée «de 11 pieds et 4 pouces de haut».

«C'était la porte d'un bâtiment de la Grande-Allée à Québec.» Une trouvaille qu'il a faite par l'entremise d'une amie proche de l'association des Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ).

Maison des Ferron

En faisant des recherches historiques et en parlant avec des parents de Mme Lesage, M. Beauregard confirme que l'écrivain et médecin Jacques Ferron a vécu dans cette maison, «de 1919 à 1947».

«Le père de M. Ferron père, un homme exubérant, faisait venir venir des chevaux de l'Ouest canadien.»

L'écurie est devenue garage sous l'impulsion du médecin lui ayant succédé. Son extérieur en stuc a fait place à des planches de cèdre de l'Ouest. «Je ne voulais pas de plastique, pas d'aluminium, pas d'agrégat !» Des entrepreneurs en construction lui ont conseillé de la démolir, mais M. Beauregard s'est résolu à la préserver coûte que coûte, «pour garder le cachet fermé de la propriété» - coupée visuellement de ses voisines d'en arrière.

Le couple vend la maison parce que monsieur souhaite redevenir locataire à l'approche de la retraite.