Il fut un temps où les résidants vivant autour du square Saint-Louis émanaient de la bourgeoisie canadienne-française. Les cottages, construits en rangée entre 1850 et 1910, reflétaient l'accent victorien de l'époque : murs en pierre, hauts plafonds, balconnets en fer forgé, corniches et boiseries ouvragées... Le style plaisait à l'élite francophone qui s'étalait loin du coeur de la ville. La banlieue de l'époque quoi !

Le square a donné son nom au quartier même si on est ici dans le Plateau Mont-Royal. Situé entre la rue Sherbrooke et l'avenue des Pins, la rue Saint-Denis et l'avenue Laval, il abritait le réservoir d'eau municipal Jean-Baptiste inauguré en 1851. Par la suite, la ville l'a transformé en parc avec allées piétonnières et le quartier l'entourant est aménagé en développement domiciliaire de prestige. C'est ce mélange de verdure et d'architecture victorienne qui a conquis l'artiste Léo Rosshandler quand, il y a 30 ans, il a acheté sa propriété avenue Laval, au nord du square. La maison, construite en 1895, avait été transformée à une date inconnue en maison de chambre. «Probablement en raison de la crise économique, les pièces étaient séparées en chambres à louer, révèle Andrée Tessier, l'épouse de M. Rosshandler. Par la suite, les propriétaires lui ont redonné sa vocation de maison unifamiliale.»

Des propriétaires, il y en a eu ! Durant les années 1960, plusieurs artistes ont pu acquérir ces belles victoriennes pour une bouchée de pain : Gaston Miron, Pauline Julien, Yvon Deschamps, Rock Demers...

Les propriétaires ont, au fil des ans, restauré les maisons tout en gardant leur cachet extérieur. Elles ont pris de la valeur tant sur le plan financier qu'architectural.

Nouvelle cuisine

Ainsi, celle des Tessier-Rosshandler a une nouvelle cuisine, grande et résolument moderne, des salles de bains contemporaines dont la principale possède une douche à cloison en verre (avec vue formidable sur le mont Royal !) et des sols recouverts de larges lattes en merisier installées il y a une douzaine d'années. Les proprios ont fait installer deux larges terrasses en bois à l'arrière dont une, donnant sur la cuisine, qui isole parfaitement des voisins.

La maison a conservé ses moulures en plâtre, ses boiseries autour des ouvertures et son grenier transformé en atelier pour M. Rosshandler. Il faut grimper un escalier étroit pour s'y rendre, mais l'escalade vaut la peine. Les vieux planchers en bois et les poutres sous le toit en font un lieu d'inspiration.

Le rez-de-chaussée comprend la cuisine, la salle à manger et le salon, où trône le foyer et son manteau en marbre. De l'autre côté du vestibule, longeant le mur, se trouve aussi un autre vestige : un calorifère caché derrière une dentelle en fonte qui le recouvre entièrement. Le tout, couronné par un miroir d'époque qui a survécu à toutes les transformations.

L'escalier arrondi en bois mène aux chambres. Alors que celle du couple s'ouvre sur la terrasse à l'arrière, les deux autres font face à l'avant. Mme Tessier a transformé l'une d'elle en dressing room avec grandes penderies. Enfin, la troisième sert de salle de télévision.

Le repaire de Madame

On accède au sous-sol par un autre escalier étroit. Et là, surprise ! La pièce est grande, éclairée et rénovée. C'est le repaire de Madame et sert à l'occasion aux invités du couple. Une salle de bains complète leur permet plus d'intimité.

La propriété a été très bien entretenue au fil des ans. M. Rosshandler, ancien curateur et collectionneur de pièces précolombiennes, d'art asiatique et de toiles de peintres et de dessinateur, a bien intégré ces oeuvres parmi les atouts naturels de la maison.

Le couple vieillit et quitte la maison pour une qui aura moins d'escaliers.

Note : le carré Saint-Louis est appelé à tort, nous révèle le Grand dictionnaire terminologique. Il ne faut pas confondre le nom du parc avec celui du quartier qui fait partie intégrante du Plateau Mont-Royal. Le nom Saint-Louis vient des deux frères, entrepreneurs, qui ont construit 13 bâtiments autour du square.