Bien sûr, il y a la Marie-Galante, Petit Saint-Vincent, Tortola. Des îles privées mythiques qui font rêver les Robinson secrets. Pour ces passionnés de nature et d'aventure, posséder une île bien à eux équivaut au nirvana.

C'est ce qui animait Michel Renaud depuis son enfance dans Hochelaga-Maisonneuve. «J'ai toujours rêvé d'avoir ma propre île au Québec, se souvient l'homme de 82 ans. J'ai cherché partout, du Bic à Cornwall.» Les îles privées à vendre, voyez-vous, ne courent pas les eaux. La plupart restent dans les patrimoines familiaux et n'aboutissent jamais entre les mains d'agents immobiliers. Pas facile non plus d'en dénicher une à prix raisonnable. Les propriétaires de Dark Island avec son château de conte de fées, dans l'archipel des Mille-Îles, demandent 22 millions. Disons que Michel Renaud cherchait une île plus modeste.

 

En janvier 1978, le commis voyageur apprend qu'un chasseur souhaite vendre son île du lac Saint-François, dans le Suroît. L'île Bluteau, avec ses presque 17 000 pc, n'est habitée que durant la saison de la chasse aux canards. «Elle était vide à part pour une petite construction en papier de brique gris. Les jeunes du coin s'en servaient comme lieu de rencontre, se souvient M. Renaud, avec un petit sourire. Ah, si cette cabane pouvait parler...» Peu importe, l'île regorgeait d'arbres centenaires, sur un terrain plat, avec l'immense lac tout autour. M. Renaud est séduit. Avant de se lancer dans de grands projets, il doit obtenir des permis de la municipalité. «Ça prenait un puits pour l'eau potable, un champ d'épuration, de l'électricité.» M. Renaud et sa compagne Lise Desroches ne veulent pas que s'y réfugier occasionnellement, ils veulent l'habiter. Dans le confort et le luxe.

Quelle aventure!

Le couple entreprend donc des travaux importants qui s'échelonneront sur 10 ans. Et qui dit travaux, dit aventures. Pour solidifier les pourtours, il faut importer des pierres de carrières. Plus de 250 fois, des camions remplis à craquer franchiront les quelques 500 mètres qui séparent l'île de la terre ferme. «On faisait ça l'hiver, sur la glace. Deux fois, la glace a cédé, les camions se sont retrouvés dans l'eau frigorifiée.» Pour l'électricité, M. Renaud s'entend avec Hydro-Québec pour se brancher à l'île Raymond, sa voisine. «Je leur ai vendu une parcelle de terrain pour qu'ils puissent planter leur poteau. C'est l'entreprise qui en est responsable.»

Les constructions imaginées par M. Renaud n'ont rien de banal. Il achète des plans mais s'en départit rapidement. Il concocte plutôt une propriété dont la surface murale sera constituée de fenêtres à 80%. Puisqu'il veut aussi intégrer une maison d'invités pour accueillir tour à tour les neuf enfants du couple et un pavillon fermé (et vitré) pour les journées fraîches, il doit prévoir une habitation principale en hauteur. La maison grimpe au-dessus des arbres, sur trois étages. Pour acheminer les matériaux au troisième (il faut grimper 38 marches extérieures pour y accéder), il installe un ascenseur intérieur.

Il installe une cuisine dans chaque construction. Il en ajoute une au troisième créant ainsi une garçonnière. Les armoires sont en pin et les planchers, en carrelage de céramique. D'ailleurs, la plupart des pièces ont un recouvrement en céramique ou en moquette. Il est particulièrement fier de son bain romain intégré à même le salon. Un lit perché au-dessus permet de se reposer devant le coucher de soleil.

Si les trois propriétés sont construites en briques commerciales et sur fondations de béton, elles n'ont pas goûté aux bons soins de ses propriétaires depuis quelque temps. Conséquence: l'île a besoin d'un bon coup de balai. Les intérieurs devront être rafraîchis et le bain romain ne conviendra peut-être pas à tous les goûts. Mais ce sont là des considérations esthétiques: le site est merveilleux, les constructions, illuminées. Le grand ménage n'effraiera pas ceux qui ont toujours rêvé de la vie insulaire.

Le couple s'ennuiera de son île, le projet d'une vie. Mais comme on n'arrête pas les entrepreneurs entreprenants, M. Renaud a déjà d'autres idées dans sa besace. À suivre donc.

 

LA MAISON EN BREF

> Prix demandé : 399 000$ ou offre raisonnable

> Superficie de l'île : 16 813 pieds carrés

> Impôt foncier et taxes scolaires: 2887 $

> Comprend la maison principale, une maison d'invité et un pavillon vitré

> Agente: Martine Deschesne, Re/Max Signature, (450) 449-4411