La Rive-Sud regorge de bâti patrimonial ancien. Si de nombreux édifices ont subi des métamorphoses qui les ont dénaturés, certains ont eu la chance de rencontrer des passionnés qui ont fait renaître leur authenticité.

La famille Boutet compte parmi ces visionnaires. Carl Boutet, 37 ans, vient de terminer une longue rénovation d'une maison presque bicentenaire située dans la petite ville de Saint-Philippe. La maison n'a appartenu qu'à deux familles depuis 1835. Le père de M. Boutet l'a achetée pour qu'elle soit rénovée et ainsi qu'elle puisse retrouver son cachet ancestral.

 

La famille Boutet a le patrimoine dans les veines. Le père, Claude, a présidé le conseil d'administration du Château Ramezay. Sa femme, Linda, collectionne les antiquités et a été guide pour la Ville de Montréal. Carl a épousé une femme dont la famille a aussi trempé dans les biens ancestraux. L'histoire avec un grand H, ça les connaît.

Quand la famille Lefebvre a décidé de vendre sa maison, les Boutet n'ont pas hésité. La résidence avait été construite en 1835 par James Cleghorn, un Écossais venu s'établir au Canada. La famille Lefebvre y vivait depuis 1875.

Le défi était impressionnant, mais le résultat l'est encore plus.

Avant d'entreprendre les rénos, la famille Boutet s'est plongée dans les livres d'architecture traditionnelle québécoise des XVIIIe et XIXe siècles. Elle a appris que, selon Yves Laframboise, sommité en la matière, la maison est de style monumental d'inspiration palladienne, un style en vogue entre 1790 et 1830.

La maison leur a réservé des surprises bien au-delà des inévitables planches pourries et fenêtres fuyantes.

Par exemple, il n'avait que six fenêtres à l'étage dans les façades avant et arrière. «En ouvrant les murs, on s'est vite aperçu qu'il y en avait déjà eu 10, explique M. Boutet, qui a supervisé tous les travaux. Sans doute les avait-on condamnées pour conserver la chaleur. On a retiré les pierres pour ajouter les deux fenêtres manquantes». Autre surprise: quatre cheminées mais seulement deux foyers. Explication: ils étaient cachés derrière les couches de papier peint, de briques et de mortier. Installés en chicane, il y en a maintenant deux à chaque étage.

Évidemment, on a dû refaire la maçonnerie. Coût: 100 000$. La toiture est maintenant en acier galvanisé. M. Boutet a ajouté des lucarnes, bien qu'il croie qu'à l'origine elles ne s'y trouvaient pas. «Quelqu'un en a ajouté trois à une certaine époque, mais les photos nous montrent qu'elles n'étaient pas équidistantes. Ce manque de symétrie n'existait pas dans l'architecture anglaise.» Mais, selon les historiens, certains plans de ces maisons comportent des lucarnes, il en a donc installé deux bien centrées. À l'arrière, il a percé deux puits de lumière dans la toiture.

L'intérieur connaît les plus importantes modifications, modernisme oblige. «On a tout retiré, y compris le revêtement des murs. Avec l'isolant, les murs mesurent maintenant près de deux pieds de profondeur.» Chaque pièce est redéfinie. Le rez-de-chaussée comprend deux vastes pièces doubles. La cuisine n'existe pas encore. M. Boutet laisse le choix de l'emplacement et des matériaux aux acheteurs. L'électricité et le gaz sont installés pour trois des foyers et la cuisinière. À part le placard du vestibule, il n'y a pas de placards dans les pièces et les futurs propriétaires devront prévoir des armoires pour le rangement.

Le plancher est en sucupira, un bois exotique. L'agencement des planches par teintes crée un motif de style Versailles. M. Boutet est particulièrement fier de l'escalier. «Plutôt étroit à l'origine, il montait à l'étage à l'arrière de la maison. On a retiré les barreaux, qu'on a envoyés au décapeur, ainsi que des portes, moulures et boiseries. Puis, on l'a changé d'orientation.» Il est placé maintenant près du vestibule. «C'était comme ça à l'origine.» Plus large et éclairé, il est aussi plus facile d'accès.

À l'étage se trouvent maintenant trois chambres et deux grandes salles de bains. Celle qui ouvre sur la chambre principale a un plancher en travertin, une douche en verre et ardoise et une baignoire sur pattes. En prime: un des quatre foyers. Dans l'autre, qui peut recevoir la laveuse et la sécheuse, M. Boutet a fait réémailler la baignoire sur pattes et l'évier.

Dans le grenier, auquel on accède par une échelle qui pourrait être remplacée par un escalier en colimaçon, les poutres d'origine ont été teintes brun cacao. Le plafond au-dessus de l'escalier central a été ouvert, laissant à découvert ces poutres dégauchies à la hache. Les puits de lumière jettent un éclairage sur le hall d'entrée.

Entreprendre un tel projet n'est pas simple. La famille Boutet n'a jamais désiré habiter la maison, qu'elle appelle maintenant le manoir Cleghorn. Mais elle a voulu s'assurer que son cachet historique puisse survivre.

Source: L'architecture traditionnelle au Québec, glossaire illustré de la maison aux 17e et 18e siècles, Yves Laframboise. 1975, Éditions de l'Homme.

 

En bref

Prix de vente: 650 000$

Nombre de pièces: sept dont trois chambres

Nombre de salles de bains: deux plus une salle d'eau

Le grenier est aménagé en mezzanine.

Agents: Steve McKenzie et Lucie Lamarche, Re/Max Platine. 450-466-6000