Quand un architecte s'ennuie de son coin de pays, on ne sait jamais ce qui peut en résulter! Ron Keenberg, un réputé architecte canadien qui a remporté à plusieurs reprises le prix du gouverneur général, a transformé un ancien atelier mécanique de la rue Clark en maison lui rappelant les paysages du Manitoba, sa province natale. Résultat: une maison inspirée des silos à grains!

Quand un architecte s'ennuie de son coin de pays, on ne sait jamais ce qui peut en résulter! Ron Keenberg, un réputé architecte canadien qui a remporté à plusieurs reprises le prix du gouverneur général, a transformé un ancien atelier mécanique de la rue Clark en maison lui rappelant les paysages du Manitoba, sa province natale. Résultat: une maison inspirée des silos à grains!

 Dans cette résidence d'arrière-cour, ce sont des pièces d'acier galvalume, le matériau principalement utilisé pour ériger les silos à grains dans les Prairies, qui ont servi pour construire le gazébo, aménager la cuisine, recouvrir la toiture et tapisser quelques murs et le plafond. «J'ai fait exporter l'acier directement de l'Ouest canadien», se rappelle Ron Keenberg, que La Presse a joint au téléphone à Ottawa, où il réside.

 Au début des années 90, ce natif de Winnipeg a acquis ce pied-à-terre alors qu'il travaillait avec une équipe d'architectes montréalais à la construction de l'entrepôt de Bibliothèque et Archives Canada à Gatineau. «C'est dans ce lieu que l'on préserve la mémoire du pays. M'inspirant de ce travail, je voulais que ma maison reflète, à son tour, la mémoire de ma province d'origine», explique l'architecte aujourd'hui à la retraite.

Déroutante

 La visite de cette maison rose, baptisée la «Maison poupée» en raison des rideaux métalliques installés dans l'ouverture de chaque fenêtre, est déroutante. D'abord, la cour se trouve en façade, donnant sur la rue Clark et sa piste cyclable, au contraire des plex voisins. Pour créer de l'intimité, on a donc construit, à partir d'un silo à grains, un gazébo pour isoler le jardin et la terrasse de la rue.

 Quand on accède à la cour avant, on remarque qu'on a conservé soigneusement quelques témoins de l'époque industrielle du bâtiment. En devanture trône un impressionnant système de poulie, avec chaîne et crochet, tandis qu'une énorme poutre métallique, qui est rattachée aux immeubles voisins, surplombe le stationnement. Même avant de pénétrer dans la maison, on constate que la banalité n'a pas sa place ici.

 Une entrée intime, située sur le côté, permet d'accéder au bâtiment. À l'intérieur, on a percé les plafonds pour créer un vaste espace ouvert sur trois étages sans aucune cloison, à l'exception des salles de bains. Malgré la relative petitesse des lieux (19 X 25 pi2), cet aménagement procure une impression de grandeur.

Un escalier métallique ouvert de style industriel, qui a été construit avec beaucoup de minutie, domine l'espace. «J'ai voulu faire de cet escalier une oeuvre d'art», m'explique M. Keenberg. Au premier regard, j'avoue que j'étais un peu sceptique, cet ouvrage me semblait tout à fait banal. Mais en y regardant de plus près, j'ai constaté les détails dans sa conception, comme le treillis métallique utilisé comme garde-fou. Son style se marie au design du bâtiment, où on a mis en évidence les matériaux bruts, comme les poutres en bois et le plancher de béton.

 Au rez-de-chaussée, on retrouve, à l'arrière, une cuisine en demi-cercle qui épouse la forme d'un silo à grains. Et puisque le frigo aurait brisé l'harmonie circulaire de la cuisine, l'architecte l'a camouflé dans un meuble intégré à la maison. De grandes fenêtres en façade, ainsi que cinq petites ouvertures à l'arrière, procurent une abondance de lumière naturelle.

 Deux chambres à coucher, spacieuses et profitant d'une salle de bains adjacente, se trouvent aux étages. La chambre à coucher principale jouit d'un coin-bureau qui surplombe l'espace ouvert haut de trois étages. Impressionnant. Toutefois, l'élément le plus marquant de la maison, c'est sans contredit la douche. Vaste et en céramique, elle a été aménagée sous les combles du toit incliné. Je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi spécial.

«C'est une maison exceptionnelle qui va plaire à des gens non conventionnels», affirme l'agente Céline Morin, en me faisant visiter les lieux. Sans cloisons, les familles iront chercher ailleurs tandis que les retraités rechigneront à gravir les escaliers 40 fois par jour. Cependant, sur le Plateau Mont-Royal, les artistes, les gais et les couples sans enfants, ça ne manque pas. Et une résidence unifamiliale dans le Mile End, entre Fairmount et Saint-Viateur, vaut son pesant d'or.

 Cette transformation a remporté un prix d'excellence remis en 1992 par l'Ordre des architectes du Québec.

 LA MAISON EN BREF

 > Prix demandé : 549 000 $

 > Quartier : Mile-End

 > Salles de bains : 2

 > Évaluation municipale : 454 800 $

 

Photo André Pichette, La Presse

La cuisine épouse la forme d'un silo à grains. Puisque le frigo aurait brisé l'harmonie du comptoir, on l'a camouflé dans un meuble encastré (à droite sur la photo).