Son père, qui fut typographe à La Presse, lui a légué son attention aux détails. C'est ce que le visiteur se dit en scrutant la maison de Jacques Chalifour. Une maison ancienne restaurée avec soin au 570, boulevard des Mille-Îles, à Laval.

Son père, qui fut typographe à La Presse, lui a légué son attention aux détails. C'est ce que le visiteur se dit en scrutant la maison de Jacques Chalifour. Une maison ancienne restaurée avec soin au 570, boulevard des Mille-Îles, à Laval.

 Elle a vu naître et mourir «200 personnes». Une vingtaine de familles l'ont habitée depuis environ 1737.

 >> EN PHOTOS: visitez la maison de Jacques Chalifour.

 C'est une maison émouvante. Un escalier casse-gueule descend au sous-sol. Ici se trouvait la cuisine d'origine. Le foyer a conservé sa potence, pour suspendre le chaudron. À côté, un authentique four à pain. On le bourre de rebuts d'épinette, ça chauffe vite, précise le proprio, et quand les parois sont blanches et que le thermomètre indique 730 degrés, ça y est, on peut enfourner la pizza! Les convives la mangeront subjugués dans ce lieu digne d'un musée.

 Pas étonnant que M. Chalifour ait installé son bureau à ce niveau, dans l'ancienne laiterie. Sa porte jouxte l'entrée principale. Pratique.

 «J'ai été élevé sur le balcon d'un troisième étage de la rue Jarry. Je rêvais d'aller vivre à la campagne. Ici, j'ai eu une chèvre, des poules, des chiens, un cheval. Je ne savais pas bricoler. J'aimais l'atmosphère de cette maison.»

 Quand il en a pris possession en 1979, ce «tas de pierres» avait besoin de rénovations majeures. Elles ont été effectuées à 95%, selon ce consultant en communication.

 Le cliché immobilier «la campagne à la ville» s'avère ici. À 13 km de Montréal via Papineau, on trouve cette demeure de charme en pierre dominant un coteau, une grange et un hangar à bois abritant un poulailler, un lilas, quelques pommiers, un poirier. Deux ou trois kilomètres de terres zonées agricoles courent derrière la cour. On entend cependant la circulation au loin.

 Passionnés de voile, Jacques et sa compagne, Hilda, ont décidé d'aller vivre près de la Méditerranée. En attendant de passer en Turquie ou ailleurs, les deux aiment aller relaxer au bord de leur piscine creusée avec un bon verre de vin tiré de leur cave contenant 400, 500 bouteilles.

 Pour le farniente à la brunante, on peut préférer la galerie, qu'éclaire le couchant. La rampe n'est pas haute, un verre de trop et l'on pourrait tomber par-dessus bord! C'est voulu. «On s'est battus pour avoir une dérogation (de la Ville) permettant cette rampe basse.» Elle arrive à la même hauteur que la base des fenêtres, par souci esthétique et pour ne pas entraver la vue de l'intérieur.

 Le soin accordé aux détails est manifeste. Les portes ont été assemblées avec tenons et mortaises comme à l'époque - pas des imitations de mortaises, la vraie technique. Monsieur a raboté les planches de pin. Un artisan lui a montré comment faire. «J'ai plané le bois pendant que lui faisait l'assemblage», dit-il en pointant les planches emboîtées l'une sur l'autre aux murs de la chambre principale.

 Aux planchers aussi, les planches varient en largeur, imitant la façon de couper le bois de jadis.

 Contrairement à plusieurs maisons ancestrales, le rez-de-chaussée n'a pas été divisé lors des rénovations, à l'exception de la cuisine. Résultat: un plan ouvert rayonnant de soleil.

 Jadis, l'on gardait le beurre au frais dans «le beurrier» - trou percé dans un mur extérieur. Trois siècles plus tard, en échange de 845 000 cartes de «monnoye du pays», les acheteurs hériteront d'un réfrigérateur en inox et d'autres électroménagers.

 Un bâtiment avec plafond cathédrale annexé à l'ancien abrite une salle de bain et une chambre ouverte sur un séjour. C'étaient les quartiers du fils. Ils donnent sur une véranda équipée de moustiquaires amovibles.

 Le jeune homme rafistolait des autos dans la grange de 24 mètres sur 10. Cet abri pourrait servir d'entrepôt, de garage pour motorisé ou, pourquoi pas, d'atelier pour bateau; la Mille-Îles coule proche.

 Près de la piscine, deux roues récupérées d'une vieille remorque reposent sur l'ancien dépôt de beurre, maintenant cabanon. Quand on parlait de détails...

 Un dernier, et non le moindre: les fils sont enfouis. Bell, Hydro et Vidéotron ont accepté ici de réduire substantiellement la facture des travaux, estimée à 20 000$.

 La maison Ouimet, du nom de ses occupants de 1916 à 1957, est un monument historique classé depuis 1975. Cette classification permet au propriétaire de payer près de la moitié moins en impôts fonciers que les autres propriétaires fonciers. Il bénéficie aussi de subventions, pour la réfection de la toiture par exemple.

 Un autre cliché semble à propos: à qui la chance? Parce que c'est l'un des rares bâtiments conservés de cette époque à vocation résidentielle dans le Grand Montréal.