Tout allait bien. La visite de la future maison s'est bien déroulée, tout comme les négociations pour s'entendre sur le prix de vente. Une fois les conditions remplies, les choses se gâtent. Vendeur qui ne veut plus partir, acheteur qui se défile, vices cachés et poursuite. Que faire quand des imprévus viennent compliquer la transaction?

Deux scénarios catastrophes

Difficile de prévoir comment se déroulera le processus de transaction. Fausse déclaration ou manquement aux engagements, il arrive parfois que la situation tourne au vinaigre et que les dollars s'envolent. Témoignages.

Un incendie qui coûte cher

Le couple en était à son premier achat ensemble. Les conjoints venaient tout juste de terminer l'achat d'un triplex qu'ils prévoyaient habiter et rénover.

En préparation de certains travaux dans l'appartement du sous-sol, Richard* (prénom fictif) découvre des traces d'incendie dans la salle de la fournaise qui avaient été camouflées derrière des panneaux de gypse. «Il y avait une valve qui avait été changée. À l'inspection, ça n'a pas éveillé de soupçon, mais quand je suis retourné à la maison, j'ai investigué un peu plus pour me rendre compte que le plafond était complètement carbonisé, se souvient Richard. Il faut dire que l'on avait retiré une offre sur une autre propriété après avoir appris qu'elle avait passé au feu. Pour ma conjointe, il était hors de question d'habiter dans une maison qui avait été touchée par un incendie. Cette fois-ci, comme nous avions signé, le notaire et mon courtier nous ont dit qu'il n'y avait rien à faire. On ne pouvait pas reculer.»

Après des recherches, Richard et sa conjointe se rendent compte que l'acte de vente précédent mentionnait qu'il y a avait eu un feu. L'ancien propriétaire a volontairement omis de les informer. Le couple tente de négocier de gré à gré avec le vendeur fautif qui refuse de collaborer.

«Il a fallu intenter une poursuite. Ça nous a pris presque deux ans avant d'obtenir une entente à l'amiable que l'on se doit de garder confidentielle.»

«Malgré la mauvaise volonté du vendeur qui a caché l'incendie, tout ce qu'il nous restait, c'était la cour», termine Richard qui a obtenu un dédommagement pour la fausse déclaration, sans pouvoir faire annuler la transaction.

*En raison de l'entente confidentielle entre les deux parties, nous ne pouvons identifier le propriétaire.

L'avis d'un courtier

Lorsque l'inspection dévoile des problèmes importants ou qu'il apprend des éléments graves, l'acheteur a deux options: «Se désister ou négocier avec le vendeur une baisse de prix. Comme courtier, nous sommes là pour conseiller et guider pour que tout se passe bien. Nous ne sommes pas des juges ou des avocats», explique le courtier immobilier Alexandre Dumas.

Apprendre chez le notaire qu'il y a eu un incendie et que le vendeur le savait, c'est un vice. L'acheteur peut se désister ou négocier le prix tant que rien n'est signé.

«Une fois que c'est vendu, on s'entend à l'amiable ou c'est la cour. Idéalement, les courtiers vont essayer d'aider, même si la transaction est conclue.»

«N'importe quel bon courtier va s'en mêler pour que tout le monde puisse s'entendre. Autrement, ça se termine en poursuite. Et c'est là qu'il faut se demander si ça en vaut vraiment la peine, en temps et en argent. J'ai en tête un exemple concret avec une vente que j'ai réalisée en 2011 et où la vendeuse avait menti. Sept ans plus tard, ce n'est toujours pas réglé...»

Une vendeuse qui ne part plus

Émilie Corriveau et son conjoint ont eu un coup de coeur pour cette propriété qu'ils venaient de visiter. Une fois l'inspection faite et les conditions remplies, le couple officialise la vente de la copropriété qu'il occupait pour ensuite signer les papiers d'achat au notaire.

«Trois jours avant de signer pour l'achat, la vendeuse décide qu'elle veut changer la date. Elle n'était pas prête à déménager», raconte Mme Corriveau.

Elle contacte un avocat qui lui suggère d'essayer de gérer la situation sur-le-champ au lieu d'entamer une procédure.

«Si je refusais de répondre à ses caprices, je risquais de me retrouver sans maison...»

«Après discussion avec mon courtier, qui a gentiment convaincu mon acheteuse d'emménager plus tard, je signe et j'accepte de repousser la date de déménagement. La notaire propose que ce soit la semaine suivante. La vendeuse accepte, mais elle refuse de payer les frais pendant qu'elle occupe ma maison. Je me suis tout de même retrouvée avec une compensation pour l'occupation de mon ancien condo à verser en plus des frais pour la nouvelle propriété : hypothèque, assurance, électricité, etc. Heureusement, mon courtier et le courtier de la dame ont proposé de payer les frais liés à l'inconduite de la dame», confie Mme Corriveau.

Elle a dû déplacer la date du déménagement et tout gérer seule puisque la semaine de vacances que son conjoint avait obtenue ne concordait plus avec la nouvelle date de leur déménagement. «La personne qui a acheté mon condo a elle aussi dû replanifier son déménagement. C'est une réaction en chaîne, illustre Mme Corriveau. Au final, le couple a emménagé 10 jours plus tard, et ce, sans que la vendeuse fautive ne débourse un sou de plus.»

L'avis d'une notaire

«C'est limité, ce qui peut arriver chez le notaire. La problématique émane souvent de l'interprétation des parties. À titre de juriste, je vais lire le contrat d'achat qui a été signé, mais il y a des clauses qui laissent parfois place à interprétation. Les parties n'avaient pas compris la même chose et cela amène une problématique», explique la notaire Josianne Gelfusa.

Lorsque les décisions ou agissements d'une des deux parties ont un impact financier, une négociation doit s'en suivre. «Le notaire ne peut pas négocier, je représente toutes les parties, précise Me Gelfusa. Si, par chance, les courtiers sont présents, on leur laisse le soin d'en arriver à une entente.»

Le notaire n'est pas là non plus pour forcer la transaction, mais il cherche l'entente.

«On est des facilitateurs. Avec les courtiers, on va équiper les gens avec différentes solutions.»

Dans le cas où il n'y aurait pas de courtier, on essaie de faciliter l'entente entre les deux parties. «On joue parfois un rôle de médiateur», note la notaire.

Fautes professionnelles

Les courtiers et les inspecteurs en bâtiment jouent un rôle important dans la transaction. Leur contribution peut éviter bien des soucis aux futurs acheteurs, mais aussi aux vendeurs. Encore faut-il que les deux professionnels de l'immobilier agissent selon les règles.

L'inspecteur et les vices cachés

Une des choses essentielles à faire pour détecter des vices cachés avant la transaction est de faire appel à un inspecteur en bâtiment. «Nous devons faire une inspection du bâtiment afin d'identifier les déficiences détectables visuellement et des signes qui pourraient laisser croire à une déficience», précise Pascal Parent, président de l'Association des inspecteurs en bâtiment du Québec et propriétaire (AIBQ) du Groupe Batimex depuis plus de 15 ans. À la suite de la visite d'inspection, le spécialiste fournit un rapport détaillé et, dans certains cas, recommande une ou des expertises. Le futur acheteur a donc tout en main pour décider s'il désire aller de l'avant ou non dans la transaction.

Cependant, il arrive que, pour différentes raisons, l'inspecteur ne détecte pas certains éléments majeurs. Le nouveau propriétaire se retrouve donc à gérer une situation qu'il aurait bien aimé prévenir, quitte à avoir annulé la transaction. Est-ce que l'inspecteur est fautif lorsqu'un vice caché est découvert?

Porter plainte

Lorsqu'un acheteur croit que l'inspecteur a failli à sa tâche, il peut contacter l'association et demander qu'il y ait enquête. Dans le cas de l'AIBQ, c'est le bureau du syndic qui se chargera de faire les vérifications. Cependant, il faut être prudent, tous les inspecteurs ne sont pas membres d'une association professionnelle. Beaucoup de travail reste à faire pour mieux encadrer la pratique puisque pour le moment, bien des gens peuvent s'improviser inspecteurs en bâtiment.

Le président de l'AIBQ recommande de faire certaines vérifications avant d'engager un inspecteur en bâtiment: «Il doit être membre d'une association reconnue qui s'occupe de valider si l'inspecteur possède la formation de base, une assurance et qu'il suit des formations continues», souligne M. Parent.

«Il ne faut pas hésiter à demander depuis combien de temps il [l'inspecteur en bâtiment] pratique. Puis, dans le cas d'inspections de bâtiments particuliers, comme une maison centenaire, il faut s'assurer qu'il est compétent pour le faire.»

Le rôle du courtier immobilier

Il arrive que les transactions problématiques soient le résultat d'une fausse déclaration de la part du vendeur ou de non-respect des engagements de la part de l'acheteur. Qu'en est-il lorsqu'il s'agit plutôt d'une inconduite ou d'une erreur de la part du courtier? L'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) agit en tant que régulateur du courtage immobilier et hypothécaire au Québec. Il a comme mission de protéger et assister le public en s'assurant des saines pratiques des courtiers et inspecte les courtiers et sanctionne d'un point de vue disciplinaire ceux qui ne respectent pas leurs obligations.

«En plus, nous indemnisons via le Fonds d'indemnisation du courtage immobilier (FICI) le public victime de fraude, d'opérations malhonnêtes ou de détournement de fonds. D'ailleurs, le plafond des indemnités du FICI a été haussé de 35 000 $ à 100 000 $ depuis le 10 mai dernier. Cette hausse permettra aux consommateurs lésés d'être encore mieux protégés par la Loi sur le courtage immobilier», explique Marie-Pierre Laflamme, conseillère en communication à l'OACIQ. Il faut noter que cette aide, ainsi que les services de l'OACIQ ne sont offerts qu'à ceux qui font affaire avec un courtier. Cependant, l'organisme peut diriger les consommateurs vers les ressources appropriées, peu importe le type de transaction.

Lorsque l'acheteur ou le vendeur doute du travail du courtier ou désire obtenir des précisions sur une des étapes de la transaction, il peut contacter le centre de renseignements Info OACIQ. «Après analyse et recherches, selon le contexte, le Service d'assistance au public pourrait juger qu'il s'agit d'un manque d'expérience ou de connaissances de la part du courtier, précise Mme Laflamme. Selon le cas, la demande pourrait alors être remise entre les mains du syndic à des fins d'enquête. S'il y a lieu, le syndic pourrait porter plainte devant le comité de discipline de l'OACIQ.»

Transactions problématiques en 2017

Plus de 58 000 demandes au Centre de renseignements Info OACIQ

- 2251 plaintes analysées par le Service d'assistance au public

- 503 enquêtes ouvertes par le bureau du syndic

- 115 enquêtes ouvertes pour exercice illégal

108 017 $ en indemnités ont été versés au public victime de fraude, d'opérations malhonnêtes ou de détournement de fonds lors d'une transaction par l'entremise du Fonds d'indemnisation du courtage immobilier (FICI)

Source: OACIQ

Illustration La Presse

Vice caché, mode d'emploi

Une fois les documents signés, il arrive que l'on découvre des vices importants qui auraient modifié à la baisse le prix offert pour la propriété ou qui auraient tout simplement empêché qu'il y ait transaction. Que faire lorsque l'on a déjà les clés?

Pour Jonathan Pierre-Étienne, avocat chez Grondin Saverese, la première chose à faire est de documenter rapidement pour ne pas qu'il y ait aggravation du vice. «Même si on n'est pas certain qu'il s'agisse d'un vice, il faut le dénoncer. On le fait pour nous, pour les travaux, pour nos archives. Il faut envoyer une dénonciation au vendeur pour qu'il vienne visiter, accompagné ou non d'un spécialiste, pour prendre connaissance à son tour de la situation.

«S'il y a litige ou si l'on veut négocier, il faut documenter. La dénonciation est l'étape importante et cruciale au dossier. On doit laisser la chance au vendeur de venir voir et constater les dommages.»

Un expert viendra ensuite identifier le problème. Vice caché ou non, un entrepreneur, un architecte, un électricien ou tout autre professionnel évalue la situation, les dommages et les coûts. «On envoie ensuite une mise en demeure. Dans les problèmes de vice caché, il faut aussi regarder combien coûtent les travaux versus les frais engendrés par une poursuite, autant en demande qu'en défense, insiste Me Pierre-Étienne. Il vaut parfois mieux éviter de judiciariser et trouver une entente.»

Le juriste conseille de prendre un moment tôt dans le processus pour discuter de la situation avec un avocat, lui exposer son problème, lui demander de faire un plan, d'aider à préciser les étapes. «Une heure pour poser les bonnes questions et être bien guidé dans l'écriture des documents, ça peut faire toute la différence. Autrement, Éducaloi est un bel exemple de ressource en ligne pour répondre soi-même à ses questions.»

Illustration La Presse