Une tuile attendait Yolande Tremblay et François Trépanier, au retour de voyage, dans leur résidence d'Outremont, en ce mois de mars 2003.

En dépouillant le courrier, ils découvrent que leur propriété a été... vendue! Un contrat notarié, en bonne et due forme, cède leur bien à un acheteur qu'ils ne connaissent ni d'Ève ni d'Adam!

«Sur le coup, nous n'y avons pas cru, relate Yolande Tremblay. Certains de nos amis sont de grands joueurs de tours...»

Malheureusement, ce n'était pas une blague.

«Tous les papiers relatifs à la maison étaient au nom d'un autre, relate M. Trépanier: le titre de propriété inscrit au Registre foncier, l'avis de taxes foncières, les factures d'électricité... Cette autre personne s'était fait usurper son identité, comme nous, et ignorait qu'une nouvelle propriété était à son nom.»

Arnaque bien ficelée

La manoeuvre malhonnête a eu lieu dans le bureau d'un notaire de la Rive-Sud, le 27 janvier 2003. «Le faux vendeur, qui se faisait passer pour moi, s'est présenté en boitant et avec un collier cervical, rapporte François Trépanier. Il a prétexté avoir eu un accident de voiture et avoir laissé ses cartes d'identité à l'hôpital.»

Le notaire a fait signer l'acte de vente malgré l'absence de preuves d'identité, ce qui est contraire à la bonne pratique professionnelle. Pressé de partir en vacances, il a donné pour consigne à sa secrétaire de ne pas remettre de chèque au vendeur sans avoir vu les documents d'identité. Mais la consigne était oubliée au moment où le «vendeur» s'est présenté pour recevoir son chèque.

Quelques semaines plus tard, la Sûreté du Québec épinglait l'arnaqueur, celui qui tirait les ficelles derrière les deux prête-noms.

Hypothèque fermée et assurance titres

Une maison libre d'hypothèques est attirante pour un escroc, qui espère en tirer beaucoup d'argent sans avoir dans les pattes un créancier hypothécaire. S'il y a eu quittance hypothécaire, l'information est publique, inscrite au Registre foncier du Québec.

C'est pourquoi laisser l'hypothèque ouverte est une protection contre les arnaqueurs, qui ne peuvent pas deviner jusqu'à quel point le propriétaire a capitalisé. C'est le conseil donné à ceux qui ont une hypothèque de type «multiprojet».

La question devient donc: si on obtient une quittance hypothécaire, serait-il avisé de souscrire à une assurance titres? Et la réponse est: non, du moins dans la plupart des cas, selon les notaires consultés par La Presse.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

En 2003, la résidence de François Trépanier (photo) et Yolande Tremblay a été vendue à leur insu.

Comme de fait, François Trépanier rapporte avoir été remboursé par le Fonds d'assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec, par le truchement d'une requête à la Cour des petites créances, pour une somme d'environ 6000 $, correspondant aux frais juridiques engagés dans la récupération de ses titres en Cour supérieure du Québec. «Mais le stress et le temps perdu n'ont pas été considérés», souligne-t-il.

Nouveau fonds de dépannage

Dans le cas où un notaire serait lui-même abusé par un fraudeur sans avoir commis de faute professionnelle, un fonds de dépannage dédommage les victimes d'usurpation d'identité, depuis avril 2014. «La Chambre compense les frais juridiques relatifs à la récupération des titres de propriété, soit de 8000 $ à 10 000 $», précise Martin Scallon.

Que peut donc apporter de plus l'assurance titres? «Non seulement l'assureur assume les frais juridiques pour son client, mais aussi il va en cour à sa place», soutient Brigitte Beauchesne, de la Compagnie d'assurance titres Chicago Canada.

Le prix d'une telle assurance? «La prime s'élève à 249 $ pour une résidence de moins de 500 000 $, répond Mme Beauchesne. Elle est valable tant qu'on est propriétaire et elle couvre 24 types de problèmes.»

Toutefois, c'est le notaire, qui n'a rien à vendre, qui est «le mieux placé pour conseiller son client quant aux divers choix qui s'offrent à lui, dont l'assurance de titres», affirme Me Gérard Guay, président de la Chambre des notaires, dans un communiqué paru le 3 juin dernier.

«Il peut être indiqué d'assurer les titres si un immeuble neuf présente une possibilité d'hypothèque légale de la construction [lorsqu'un promoteur est incapable de payer ses sous-traitants], explique Me Louis Dumont, notaire chez De Grandpré Joli-Coeur. Une autre situation à risque de pépins: un petit empiétement d'un immeuble sur le terrain voisin.»

Me Guay rappelle que l'assurance de titres est née au début du siècle dernier, pour pallier la déficience des registres fonciers aux États-Unis, mais que le Québec possède l'un des meilleurs systèmes de publicité foncière au monde.

L'assurance de titres est apparue au début des années 2000 au Québec. On la trouve chez des entreprises comme la Compagnie d'assurance titres Chicago Canada, Stewart ou First Canadian Title.

www.cnq.org

www.farpcnq.qc.ca

Les vols d'identité et de maison en chiffres

Montréal

1 cas en 2012, 10 cas en 2013, 0 cas en 2014 et 0 cas en 2015.

(Source: Service de police de la Ville de Montréal)

Laval

0 cas en 2010, 2 cas par année en 2011, 2012, 2013 et 2014; 0 cas en 2015.

(Source: Service de police de la Ville de Laval)

Québec

Vraiment pas fréquent

(Source: Service de police de la Ville de Québec)

Longueuil

Peu fréquent, quelques cas de fraude immobilière chaque année

(Source: Service de police, agglomération de Longueuil)