Parce qu'un chez-soi peut représenter beaucoup plus qu'un simple toit, s'en séparer - parfois contre son gré - peut s'avérer une véritable épreuve, appelant éventuellement un deuil. Témoignages et conseils pour mieux accepter la perte de murs qui nous sont chers.

« Une maison, ce n'est pas juste quatre murs et un toit. C'est tout ce qu'on y a vécu, ça fait partie de notre histoire, de notre propre construction », rappelle Claire Foch, consultante en psychologie. Ce caractère précieux devient particulièrement saillant à l'orée de la vente d'un logis, qu'elle soit consécutive à une séparation, à un décès, à des contraintes d'espace ou autre. Se départir d'une maison familiale peut se révéler une expérience très douloureuse.

Dominique Faure, choriste de profession, en a gardé des marques. Deux ans après avoir revendu le bungalow dans lequel elle a grandi, situé dans le quartier Sainte-Foy à Québec, elle demeure encore incapable de passer devant.

Devant la mort de son père et à la santé déclinante de sa mère, Dominique a été forcée de s'occuper elle-même, à contrecoeur, de la vente du logis familial. « J'étais en mode action et, sur le moment, je n'ai pas eu le temps d'en ressentir les effets. Ce n'est que six mois plus tard que la peine m'est lourdement tombée dessus. »

Un déchirement également vécu par Jessy Lépine, enseignante, dont la mère fut contrainte de se séparer de leur maison, dans Lanaudière - un lieu qui avait été rénové et édifié comme nid familial.

« On a tous mis la main à la pâte lors des rénovations, ce qui a créé un sentiment d'appartenance assez fort pour ma part », raconte-t-elle. Vider les lieux, où s'étaient accumulés toutes sortes de vestiges d'enfance, fut très pénible: « Ça a brassé beaucoup d'émotions, de souvenirs, j'avais l'impression de faire une croix sur mon passé. »

S'exprimer...

Dans ces situations, somme toute plutôt fréquentes, à quels baumes recourir pour atténuer la détresse? « On devrait faire appel aux moyens propres à tout deuil. On ressent toutes sortes d'émotions, comme la tristesse, la peur, la culpabilité, etc., dont il faut prendre soin en les ventilant et les partageant. Dans le cas d'une maison familiale, on peut, par exemple, en parler entre frères et soeurs », préconise Claire Foch, qui déconseille de chercher à minimiser l'affaire.

Si des enfants sont concernés, elle recommande de ne pas court-circuiter leur besoin de s'exprimer, par exemple en évitant de leur imposer un « joli tableau », peint avec des arguments du type « la nouvelle maison sera plus grande », « tu auras ta chambre à toi »... Dessins ou travaux manuels pourraient en revanche les aider à accepter le changement.

... et se reconstruire

Après avoir fait le tri dans ses affaires personnelles et ses émotions, Jessy a senti avoir passé un cap important. « La maison se dépersonnalisait et ça devenait plus facile. J'ai compris que le point de repère était davantage ma mère que la maison. J'ai dès lors décidé de changer ma perception du déménagement et commencé à l'envisager comme un changement excitant », témoigne-t-elle.

En effet, les procédés de l'ordre du symbolique ou du rituel peuvent grandement aider à accomplir le deuil, avance Claire Foch. « Certains s'adressent oralement à leur maison avant de la quitter, lui disent «au revoir» verbalement. Je me souviens de quelqu'un qui avait écrit à sa demeure, comme si c'était une personne. Il faut laisser place à l'imagination », suggère la consultante.

Devrait-on ensuite revenir sur les lieux? Chaque cas est particulier. Mieux vaut s'écouter et évaluer sa propre maîtrise de la nostalgie et sa soif de retrouvailles. Surtout qu'il faudra probablement faire face à d'éventuels changements ou travaux effectués par les nouveaux occupants.

Deux ans plus tard, Dominique dit s'être faite un peu plus à l'idée, mais la cicatrice émotive reste vive. « Avec le recul, si j'étais allée chercher un peu de soutien, ça aurait peut-être facilité la tâche », reconnaît-elle. L'aide d'un professionnel serait-elle donc préconisée? « Ce n'est pas une obligation, à moins que ce soit récurrent, lourd et que cela gruge la personne », estime Mme Foch. « Mais dans tous les cas, le deuil demande du temps. Il faut le respecter », conclut la consultante.