Un couple de la Rive-Sud s'entend avec un ébéniste pour la fabrication de portes de grange sur mesure. Les deux amoureux se réjouissent à l'avance de l'embellissement de leur propriété, à caractère patrimonial. En confiance avec l'artisan, qui s'est présenté chez lui* pour évaluer le travail à exécuter, le propriétaire signe sans chipoter un chèque de 2500$, soit 25% environ de la valeur totale du contrat, lequel demeure uniquement verbal.

Mais à la mi-juillet, les portes promises pour juin ne sont toujours pas livrées. Et même: l'ébéniste est parti en vacances! Le doute s'insinue chez les Bouchervillois. Doit-on verser un acompte à un entrepreneur, et si oui, quelle est la somme raisonnable?

«La loi du consommateur est muette à ce chapitre, répond Réal Coallier, de l'Office de la protection du consommateur (OPC). Le montant d'une avance est à négocier, et il varie d'un entrepreneur à l'autre. Si on a affaire à une petite entreprise artisanale, dont le fonds de roulement n'est pas important comme celui d'un gros détaillant de portes et fenêtres, l'acompte paraît plus justifié.»

Combien?

«Typiquement, le fabricant de portes invite le client à sa place d'affaires et demandera un dépôt de 25% à 30%, affirme Éric Périgny, président de Réno-Assistance, un service de référence d'entrepreneurs sélectionnés. Il se protège ainsi contre un changement d'idée du client et contre le statut de vendeur itinérant.»

Chez Réno-Assistance, on suggère de ne pas dépasser en acompte la valeur des matériaux.

Chez Zoomission, une entreprise qui facilite les contacts entre clients et entrepreneurs, le président Dominic Morin estime qu'un dépôt ne devrait pas être nécessaire. «Toutefois, observe-t-il, l'entrepreneur peut demander au client 10% d'acompte, en signe de sérieux. Car lui-même investit pour ce client, en temps mobilisé à l'agenda et en dépenses.»

Le plus bas possible

D'autres organismes, comme l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC), la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) et CAA-Québec, conseillent de négocier le plus petit dépôt possible.

Cette avance doit être acquittée par chèque ou par carte de crédit, et non pas comptant, afin de conserver une trace de la transaction.

«Si l'ébéniste meurt et qu'il a déposé votre avance dans son compte personnel, comment sa succession pourra-t-elle le savoir? , demande Dominic Morin. Il faut pouvoir présenter une preuve.»

Paiement final

Une autre mesure de prudence élémentaire consiste à «conserver une bonne longueur de la carotte» pour le versement final, suivant l'expression de Réal Coallier. Ce dernier paiement ne devrait être remis qu'à la fin des travaux et à la satisfaction du client. «Il faut retenir au moins 10% du montant total jusqu'à ce que tout soit terminé et qu'on soit satisfait», soutient aussi Éric Périgny.

Travaux d'envergure

Philippe Saint-Pierre, du CAA-Québec, suggère, pour les grands travaux, un paiement par tranches et sans acompte. «J'ai fait faire des rénos de 40 000$ à mon domicile, et je n'ai versé aucun dépôt, relate-t-il. N'oublions pas que lorsqu'un contrat est signé, l'entrepreneur aussi a un recours.»

M. Saint-Pierre a convenu, avec son entrepreneur général, de payer une tranche du montant tous les vendredis, en fonction des heures travaillées dans la semaine. Lorsque le chantier est resté en plan pendant deux semaines, parce que les travailleurs étaient requis d'urgence chez un autre client, les paiements ont été suspendus, en toute bonne entente. «Dans la case «extras ou imprévus», nous avions décidé que j'assumais les matériaux, et l'entrepreneur, la main-d'oeuvre, poursuit M. Saint-Pierre. Cette clause a servi lorsque nous avons découvert un problème, sous le plancher du sous-sol.»

Un contrat écrit

Dépôt ou pas, on ne peut pas faire l'économie d'un contrat écrit et détaillé, soulignent à gros traits tous les vieux routiers du milieu. On y notera les dimensions, la sorte de bois, la somme totale, les modalités de paiement, la date de début des travaux et la date de livraison. «Si le travailleur n'est pas fort sur la paperasse, on écrit soi-même le contrat, conseille Dominic Morin. Il refuse de le signer? On ne fait pas affaire avec lui!»

Pour ne rien oublier au contrat, on peut se référer, en ligne, à Rénovation et modalités de paiement, et aux «essentiels» d'un bon contrat, dans la capsule-conseil Permis, contrat et garanties du CAA-Québec habitation. La RBQ et l'OPC proposent également en ligne des modèles de contrat.

Travail au noir

«Si on paie sous la table, donc sans contrat écrit, pour que ça coûte moins cher, il faut savoir qu'il y a un revers de médaille, fait remarquer Réal Coallier: l'absence de preuve et de garantie.»

«Mieux vaut dépenser 10 à 15% de plus et signer une entente, ajoute Éric Périgny, que d'avoir à faire les choses deux fois.»

Info:

> www.caaquebec.com

> www.opc.gouv.qc.ca

> www.rbq.gouv.qc.ca

> https://acqc.ca/

> www.renoassistance.ca

> www.zoomission.com

*Ce détail n'est pas anodin: un commerçant qui conclut une entente au domicile du client est considéré légalement comme un vendeur itinérant. Cela le contraint à faire signer un contrat écrit et à accorder ensuite un délai de 10 jours avant de demander un dépôt. Toutefois, un artisan qui pratique dans son atelier n'est pas perçu comme un commerçant. Comment tracer la ligne entre l'un et l'autre? Ce sera au juge de le faire, si un litige lui est soumis. Des heures de plaisir en perspective pour les avocats!