On a tous un coin débarras où on jette pêle-mêle des objets par manque de temps ou simple procrastination. Pour plusieurs, il s'agit d'un placard, pour d'autres, un coin du salon, et pour certains, c'est le sous-sol au grand complet. Et plus le bordel s'étend, plus il prend de place dans la maison... et dans la tête!

Selon un sondage mené en avril pour le compte du site de petites annonces en ligne Kijiji Canada, 52 % des Québécois disent devoir gérer un certain fouillis à la maison, allant d'un encombrement modéré à une situation absolument incontrôlable. Les vêtements trônent au sommet du palmarès des objets superflus conservés. Viennent ensuite les fournitures de bureau, les articles de loisirs, les objets de collection et autres livres et CD.

Le principal accusé : les émotions. En fait, plus de 60 % des répondants au sondage ont indiqué être «très ou assez sentimentalement attachés» à leurs traîneries. Le sous-sol, loin des regards, est très prisé pour pratiquer le camouflage : 34 % des gens interrogés indiquent qu'il s'agit de l'endroit le plus encombré de leur domicile. La chambre à coucher sert aussi bien souvent de cachette. Cinq pour cent des Québécois interrogés vont même jusqu'à admettre que leur chambre «ressemble à un entrepôt»!

Andréa, 23 ans, habite seule en appartement à Saint-Jean-sur-Richelieu. Elle a publié une photo de «son bordel» sur un forum en ligne, il y a quelques mois. Pourquoi avoir partagé une image probante de cet échec d'organisation? «Je crois que j'étais réellement découragée et je ne savais plus où donner de la tête, écrit-elle au Soleil. Quand un désordre atteint un tel point culminant, il est parfois presque impossible de le ranger, enfin il semble impossible à ranger. C'était en quelque sorte un appel à l'aide, je me sentais étouffée.»

Des piles de livres, des CD, des vêtements aussi sales que propres, de la paperasse et de la poussière s'entremêlaient dans son logis. Aujourd'hui, elle estime son problème «partiellement réglé». La jeune femme a classé ses papiers et tâche de faire la vaisselle assidûment.

Mais pourquoi avoir attendu? «Je crois que le désordre est le reflet de mon intérieur. Ce bordel que je laisse carrément ramper autour de moi reflète bien que je me laisse aller et que je suis moi-même désordonnée dans ma tête», explique Andréa. La jeune femme respire mieux depuis, a l'impression de repartir à neuf. Un vrai boost pour l'estime de soi. «Rien de mieux qu'une douce odeur de Vim pour se remettre les idées en place!» blague-t-elle.

une majorité désorganisée

D'après un coup de sonde de Léger Marketing fin 2009 pour le compte de l'association des Organisateurs professionnels du Canada, 80 % des Canadiens se sentent désorganisés, disant qu'ils ont de la difficulté à garder leur maison en ordre.

Quelque 90 % de ceux-ci avançaient de plus que cette tendance avait un effet négatif sur leur vie. Les femmes étaient d'ailleurs plus sujettes que les hommes à souligner les affres de leur capharnaüm ménager.

André, 26 ans, doctorant en ingénierie à Sherbrooke, décrit son seuil de tolérance au désordre comme «plutôt élevé». Il se sent à l'aise dans son bazar. Dans son cas, c'est surtout sa chambre à coucher qui en souffre. Cette pièce lui sert en même temps de salle de lavage et il prend rarement le temps de plier son linge. Mais le jeune homme qui habite seul dit avoir une excellente mémoire, ce qui lui permet quand même de retracer ce dont il a besoin. Sauf peut-être quand le stress vient embrouiller ses souvenirs.

L'universitaire attribue son incompétence domestique à un clair manque de volonté. Le chaos reprend le dessus aussitôt le ménage fait, il n'y voit donc pas d'utilité. Seulement deux raisons l'amènent à s'attaquer à son bric-à-brac : de la visite - il ne voudrait pas mal paraître! - ou un objet perdu qu'il doit retrouver.

lrichard@lesoleil.com