Le propriétaire d'une maison d'un certain âge de Québec est contrarié. Dans son sous-sol, où se trouvent la chambre et le séjour de son fils, ça sent le goudron. «L'odeur vient d'un interstice à ras de la dalle, près d'un mur. Nous sommes envahis par l'inquiétude!» se confie-t-il au Soleil sous le couvert de l'anonymat.

Auparavant, un entrepreneur avait fait une tranchée, changé le drain de fondation et profité de l'occasion pour enduire les parois de goudron. Le propriétaire croit donc à un lien entre l'odeur et les travaux exécutés. Il joint le «contracteur», attristé.

Le particulier, de peur d'émanations toxiques, veut en avoir le coeur net. Il s'adresse au CAA-Habitation qui lui suggère de recourir aux services d'une des deux entreprises qu'elle accrédite. Elles font profession d'établir le bilan de l'air des maisons - aussi bien d'ailleurs que des commerces, industries et institutions - et de suggérer le traitement approprié pour le cas où l'air serait impur et à risque pour le confort ou la santé.

«Nous avons prélevé de l'air dans la pièce pour faire la recension de ses composants. Nous les avons comparés à ceux du produit appliqué contre les parois afin de vérifier s'il y avait concordance», précise Jean-François Lafrenière, microbiologiste et vice-président de la société Airmax Environnement, rue Louis-Riel, à Québec.

Avant l'analyse des résultats, la société n'écartait pas la possibilité qu'un quelconque matériau nouvellement mis en place ait pu engendrer une odeur analogue.

«La présence de contaminants microbiologiques, tels les moisissures - ou contamination fongique - sont la principale raison pour laquelle nos services sont requis dans les maisons où l'air est malade ou malsain. Les polluants chimiques sont fréquemment négligés, mais tout aussi importants», reprend M. Lafrenière.

Au moment de mettre sous presse, les résultats de l'analyse venaient de sortir. Le goudron était bien la source des odeurs perçues dans la résidence.

«Les vapeurs, qui depuis se sont complètement résorbées, étaient présentes à une concentration jugée inoffensive, mais à laquelle un inconfort pouvait néanmoins être associé», rapporte le propriétaire qui, du coup, relate que l'angoisse qu'a vécue sa famille est finalement dissipée.

Migraines

«Nos clients sont pour la moitié des particuliers. Cependant que 95 % d'entre eux réclament notre diagnostic parce qu'ils sont terrassés par des migraines, que leur asthme est exacerbé, qu'ils souffrent sans cesse de rhumes ou de grippes, sont fatigués, éprouvent des difficultés respiratoires ou ont du mal à se concentrer», détaille, de son côté, Denis Simard, président d'Analyse-Exp-Air de Québec, laquelle est également accréditée par le CAA-Habitation.

Chose curieuse, continue-t-il, lorsque ces personnes vont au grand air ou sont en visite ailleurs, elles prétendent que leurs maux disparaissent soudain ou diminuent d'intensité. «C'est pourquoi elles présument que l'air de leur maison est pollué», explique-t-il.

D'un autre côté, certaines gens, jusqu'à ce qu'ils prennent leur retraite, ne se sont jamais sentis mal chez eux. Maintenant qu'elles y passent l'essentiel de leur temps, elles se sentent inconfortables et souffrent de divers maux. «Le même constat pourrait être fait par une personne qui décide de faire de son domicile son lieu de travail», déclare M. Lafrenière.

«S'il y a chez eux des contaminants, il faut en déterminer la nature précise, la source et leur faire part des mesures correctives à prendre», raconte le scientifique, résumant de la sorte la mission de son entreprise qui, aussi bien que celle de M. Simard, est débordée par les demandes de service.

Il y a 30 ans, nul ne parlait de la présence ou non de champignons dans les sous-sols, se souvient Denis Simard. On se contentait de dire que «ça sent le sous-sol», alors qu'il s'agissait principalement d'une odeur de moisissures, rappelle Jean-François Lafrenière. Or, les temps ont changé. La préoccupation quant à la qualité de l'air émerge et grandit dans la conscience publique.