Un tiers -votre voisin, par exemple- cause des dégâts à votre propriété. Qui est responsable? Qui va payer? Et quand? Un bon test de relation avec votre assureur. Préparez-vous en conséquence.

Un tiers -votre voisin, par exemple- cause des dégâts à votre propriété. Qui est responsable? Qui va payer? Et quand? Un bon test de relation avec votre assureur. Préparez-vous en conséquence.

 Les moellons de béton du mur voisin étaient répandus sur tout le terrain de la petite propriété de Caroline de La Motte, à Pointe-Saint-Charles. Comme si une explosion avait soufflé le mur de l'édifice industriel contigu.

 Le 19 mars dernier, vers 19h30, le poids de la neige a enfoncé le toit de la bâtisse, provoquant l'effondrement de la paroi. Les parpaings ont emporté au passage les terrasses de bois des deux copropriétaires du petit duplex.

 Appel en catastrophe à l'assureur. L'ajusteur vient constater les dégâts. «On s'occupe de tout», a-t-il dit aux deux femmes.

 Puis c'est le silence pendant 10 jours.

 Entre-temps, l'assureur de l'entreprise voisine a demandé une excavatrice pour déblayer les débris. Les deux copropriétaires l'ont appris un beau matin, à 8h, quand on a sonné à leur porte pour leur demander d'évacuer la maison. «Je ne sais pas si vous savez comment je me sentais», exprime Caroline de La Motte.

 En raclant le mur du duplex avec les dents du godet de son engin, l'ouvrier tente alors de faire tomber les parpaings qui se dressent encore.

 Appels à l'assureur, à la police, aux pompiers, sans résultat. Finalement, un inspecteur de la Ville de Montréal se pointe pour faire stopper les travaux, qui étaient minutieusement filmés et photographiés par les deux copropriétaires. «Si je n'avais pas été là le vendredi et le lundi, on perdait le mur», estime Mme de La Motte.

 Ces nouveaux dégâts seront-ils indemnisés?

 «Après deux semaines, sans nouvelles, j'ai demandé à parler au supérieur de notre ajusteur, qui nous dit: "Ah oui, Mme de La Motte, je crois avoir vu passer votre dossier ce matin. Nous allons nous réunir cet après-midi pour décider si vous êtes assurée ou pas." On s'est dit qu'il allait falloir être très vigilantes.»

 Les deux copropriétaires fouillent leur police et dénichent la clause des dommages causés par des véhicules en mouvement. L'assureur renâcle devant cette interprétation. Elles se renseignent au Bureau d'assurance du Canada, qui corrobore leur interprétation. «À partir du moment où on a appelé le BAC, notre assureur a changé son attitude petit à petit, mais il a fallu se battre.»

 L'assureur a finalement accepté de payer pour la réfection des balcons et terrasses et la réparation des dommages causés par l'excavatrice. «C'est rentré dans l'ordre», constate Mme de La Motte. Mais ce ne fut pas sans mal. Travailleuse autonome, elle a consacré 14 jours à temps plein aux suites du sinistre, et sa copropriétaire y a perdu cinq jours.

 Les dommages causés par un tiers aux biens de l'assuré sont pourtant des situations très fréquentes. «En matière d'assurance dommages, ils constituent la très grande majorité des cas», soutient l'avocat Bernard Larocque, associé chez Lavery de Billy dans le domaine des responsabilités et assurances.

 Ce n'est donc pas de la responsabilité du sinistre que proviennent les frictions entre assurées et assureur. «Ça va dépendre pour beaucoup de la rédaction de la police, indique l'avocat. Il y a des formulaires plus ou moins standard mais chaque compagnie conserve la liberté d'inclure certaines exclusions et pas d'autres.»

 Un exemple: la police des deux copropriétaires ne couvrait pas les dommages causés par le poids de la neige. Les experts engagés par l'assureur ont déterminé que les fissures observées à l'intérieur de la maison résultaient du poids de la neige sur le toit du duplex, et non de l'effondrement voisin ou des manoeuvres de l'excavatrice. L'assureur n'indemnisera donc pas ces dommages.

 À QUI LA FAUTE? En assurance habitation, la question ne se pose pas

 «Je ne suis pas responsable du sinistre. Pourquoi mon assureur ne m'indemnise pas?» Cette question est fréquemment posée au Bureau d'assurance du Canada. Or, la responsabilité du sinistre a peu à voir avec l'indemnisation.

 «Indépendamment de ses responsabilités, l'assuré va se voir indemnisé», affirme l'avocat Bernard Larocque.

 Il donne l'exemple classique de la friteuse oubliée qui entraîne un incendie. Même si vous êtes la cause directe du drame, même s'il survient à la suite de votre étourderie, votre assureur va rembourser les dégâts.

 Il y a quelques exceptions, la plus commune étant le dommage volontaire dans l'intention de frauder l'assureur.

 Une autre limitation a trait à la couverture accordée par la police. L'indemnisation ne sera octroyée que dans le cadre des clauses du contrat. Une inondation noie votre sous-sol? Vous n'y êtes pour rien, mais il s'agit d'un risque exclu par votre police et vous devrez vous-même éponger la perte.

 Le même principe d'indemnisation sans égard à la responsabilité vaut si un tiers cause un dommage à votre bien. «Sous réserve des exclusions de la police, l'assureur va payer la réclamation à son assuré», poursuit Bernard Larocque.

 Il s'adressera ensuite à l'assureur de l'autre partie pour obtenir réparation. «Il y a un mécanisme juridique qui s'appelle la subrogation, par lequel l'assureur, une fois qu'il a payé l'indemnité, se voit transférer les droits de l'assuré, énonce Bernard Larocque. Dans les pantoufles de celui-ci, il peut poursuivre le responsable comme s'il était lui-même l'assuré.»

 Encore une fois, votre assureur vous accordera cette indemnisation en fonction des termes de votre police d'assurance.

 C'est cette nuance qui a d'ailleurs causé une partie des tracas de Caroline de La Motte et de sa copropriétaire.

 UN RAPPEL À PROPOS DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

 L'assurance habitation protège contre les pertes matérielles, mais inclut également une assurance responsabilité. «Lorsque je risque d'être condamné à payer un montant d'argent parce que quelqu'un prétend que je lui ai causé un dommage, je suis protégé», résume l'avocat Bernard Larocque. Il suffit d'aviser votre assureur et «il se charge de vous défendre et, ultimement, de payer le dommage suite à un règlement».

 Cette protection s'étend au-delà de votre propriété. Anne Morin, du BAC, donne un exemple, sinon typique, du moins percutant : sur une plage de Floride, votre jeune chenapan frappe une balle de baseball qui termine sa parabole sur la tête d'un éminent chirurgien, lequel se trouve incapable d'opérer pendant deux mois. «L'assurance responsabilité civile vous couvre partout dans le monde», nous rassure-t-elle.

 Les locataires ont donc tout avantage à souscrire une assurance habitation. Mme Morin recommande d'apposer au contrat les noms de tous les colocataires, s'ils ne sont pas mariés ou conjoints de fait.

 Contrat de base ou police tous risques?

 Si Caroline de La Motte et sa copropriétaire ont dû défendre vigoureusement leurs points, c'est en partie parce que leur police d'assurance était un contrat de base, c'est-à-dire une police à risques spécifiés.

 Leur assureur leur avait refusé la police tous risques - justement en raison de la contiguïté de cet édifice industriel qui s'est écroulé.

 Avec un contrat de base, les seuls sinistres indemnisés sont ceux décrits au contrat. Avec la police tous risques, c'est l'inverse: tout est couvert, sauf les événements spécifiquement mentionnés. Pour faire une analogie juridique, c'est un peu comme si, avec le contrat à risques spécifiés, le fardeau de la preuve incombait à l'assuré. «Choisissez la police tous risques et considérez l'avenant du refoulement d'égout et des dommages par l'eau», recommande Anne Morin, du Bureau d'assurance du Canada. Si l'assureur refuse, elle suggère de cogner à d'autres portes, et si nécessaire de faire appel à un courtier.

 La prime sera peut-être fixée en conséquence du risque plus étendu: mieux vaut alors demander une franchise plus élevée pour réduire la prime que de se contenter d'une protection moins large.

 Indemnisation trop longue à venir?

 À partir de quand les délais d'indemnisation s'étendent-ils indûment? Stéphanie Poulin, responsable des services juridiques d'Option Consommateurs, cite à cet égard l'article 2473 du Code civil, qui stipule que «l'assureur est tenu de payer l'indemnité dans les 60 jours suivant la réception de la déclaration de sinistre ou, s'il en a fait la demande, des renseignements pertinents et des pièces justificatives.»

 Les 60 jours apparaissent déjà longs à l'assuré, mais malheureusement pour lui, l'exception pour renseignements pertinents ajoute un élastique très extensible à ce délai.

 Ce qui dépasse de la couverture

 Nos deux copropriétaires ne recevront aucune indemnisation de leur assureur pour l'aménagement paysager et les végétaux ravagés à la suite de la négligence du voisin.

 Mais tout n'est pas perdu. Elles peuvent exercer des recours contre celui-ci.

 «Si une partie des dommages n'est pas payée, l'assuré va devoir poursuivre la personne responsable, soit (rarement) par l'intermédiaire de l'avocat retenu par l'assureur, soit avec un autre avocat», indique l'avocat Bernard Larocque.

 Le recours peut être exercé en même temps que la réclamation présentée par son assureur. «Règle générale, ça se fait dans le cadre du même dossier, lors du même procès», précise Me Larocque.

 Les deux copropriétaires ont perdu une vingtaine de jours de travail. Peuvent-elles être indemnisées pour ces pertes de revenus? «Les assureurs ne couvrent pas pour la perte de temps, répond Bernard Larocque. Ce n'est pas une assurance emploi. Mais on le voit parfois dans des réclamations en responsabilité.»