Un foyer se construit autour d'une famille. Mais lorsqu'un de ses membres s'éteint, qu'en faire? Vendre le nid familial pour oublier, ou le préserver pour mieux vivre son deuil? Dure question, surtout lorsque le drame implique des enfants.

Un foyer se construit autour d'une famille. Mais lorsqu'un de ses membres s'éteint, qu'en faire? Vendre le nid familial pour oublier, ou le préserver pour mieux vivre son deuil? Dure question, surtout lorsque le drame implique des enfants.

 Gisèle Cloutier, 56 ans, a choisi de partir de sa maison à la suite du décès subit de son mari. «Je voyais mon conjoint partout. Il y avait trop de souvenirs», confie-t-elle d'un ton calme. À peine trois mois après le décès de son mari, elle a vendu la maison qu'elle trouvait trop grande pour se retrouver dans un condo. «J'ai regretté. Je me sentais à l'étroit. Maintenant, je me suis adaptée.» Pour elle, l'important, c'était de s'écouter.

 Claire De Grandpré, elle, a choisi de demeurer dans la résidence familiale après la mort de son mari des suites d'une longue maladie, en janvier 2003. «Si j'avais écouté mes émotions du moment, j'aurais vendu tout de suite. Mais j'aurais regretté.»

 «Au début, c'était très différent de voir la maison vide, surtout que j'ai pris soin de mon mari à la maison pendant longtemps. Ce que je trouvais difficile, c'était de n'avoir personne à qui communiquer mes émotions ou tout simplement parler de ma journée. Des fois, j'avais l'impression que mon mari était parti en vacances», explique la cinquantenaire bien active.

 «Mais je me suis donné un an pour réfléchir. Je n'ai rien changé à la maison à cette époque. J'ai fait beaucoup d'activités et je me suis occupée de ma petite-fille, Clara», raconte-t-elle.

 Au bout d'un an, Claire a décidé de garder la maison de plain-pied où ses enfants avaient grandi, entre autres, parce qu'une de ses deux filles avait toujours besoin de place pour le rangement. Mais c'est avant tout un choix personnel, puisqu'elle habitait désormais seule.

 Pour les différents agents immobiliers consultés, vendre rapidement après un deuil est chose peu commune. «Souvent, il vont attendre deux ou trois ans. Ils ne veulent pas faire un move trop rapide. Ils vendront quand ils en seront rendus là. L'émotion est moins présente», explique Hélène Lauzier, agente immobilière chez REMAX.

 Prendre le temps

 Josée Masson, une travailleuse sociale qui a écrit sur le deuil infantile, souligne l'importance de bien vivre son deuil. Les personnes qui veulent vendre le font souvent pour se débarrasser de tous leurs souvenirs. «Pour certains, c'est trop douloureux. Pourtant, les souvenirs, c'est important dans le deuil», dit-elle. Elle dénote le rôle thérapeutique de toutes ces petites choses qui rappellent l'aimé. «Si on se sépare de la maison, il faut s'assurer de la présence d'objets rappelant la personne décédée. C'est nécessaire, surtout pour les enfants.»

 L'intervenante souligne qu'il faut laisser couler le temps. «Il ne faut pas prendre de décisions précipitées. La meilleure décision c'est souvent de ne pas en prendre. Mais c'est du cas par cas. Il n'y a pas de réponse facile.» Mme De Grandpré croit aux propos de la spécialiste. «Il ne faut pas décider sur le coup de l'émotion», juge-t-elle.

 La personne endeuillée qui choisit de partir verra sa vie doublement chambarder : un décès et un déménagement. Pour les enfants qui ont perdu un parent ou une soeur, c'est beaucoup. «Les enfants ont besoin de stabilité pour survivre au deuil. Le déménagement, c'est un facteur de stress de plus. La maison, c'est très significatif pour eux», raconte la spécialiste.

 Plusieurs personnes vendent leur demeure devant le poids des responsabilités financières ou des tâches quotidiennes, un élément qui peut compliquer le deuil. Pour ceux qui restent, il est important de bien s'entourer face aux responsabilités d'entretenir une maison en solo, selon Mme De Grandpré. «Il ne faut pas avoir peur de demander de l'aide. J'ai eu la chance d'avoir le soutien de beaucoup d'amis et de la famille», dit-elle.

 Se refaire une vie

 Le problème de garder sa maison, c'est aussi de se rebâtir une vie après. Les plus âgés ont la chance de n'avoir qu'eux à s'occuper, les enfants étant casés. La demeure de Claire De Grandpré, tout comme la vie de sa locataire, a changé après le décès de son époux. «On n'avait touché à rien pendant toutes les années de sa maladie. Alors j'ai décidé de rénover.» Elle vit désormais avec son nouveau conjoint dans cette demeure. Le déménagement s'est fait naturellement. «Un coup rentré ici, je voulais que ma maison devienne notre maison. On partage tout. On a choisi de rénover ensemble», raconte la femme qui vient de refaire complètement le sous-sol afin d'y aménager un bureau pour son conjoint et une chambre pour le fils de ce dernier. Pour elle, ce n'était pas un obstacle à une nouvelle vie.

 Hélas, l'histoire se complique avec des enfants. Lorsque le parent survivant décide de s'établir avec un nouveau conjoint, d'autres enfants s'ajoutent souvent. Tout un choc pour les petits de devoir apprivoiser cette nouvelle marmaille.

 «Les enfants doivent être préparés. Mais surtout, ils doivent comprendre et être impliqués dans la démarche. Il ne faut pas qu'il reste de l'amertume. Il faut les faire participer», selon Mme Masson, auteure de Derrière mes larmes d'enfants : la mort et le deuil me font mal. D'un autre côté, il importe de ne pas s'empêcher de vivre par culpabilité ou par crainte de nuire aux enfants. Si le deuil est un passage obligé, les survivants doivent aussi continuer leur chemin.