La conscience environnementale des Québécois est indéniable. Leur intérêt pour l'économie énergétique est grandissant. Et leur curiosité pour les maisons «vertes» est bien réelle. Cela dit, peu d'entre eux considèrent les certifications écologiques comme une valeur ajoutée qui les convainc de payer plus cher leur propriété.

Des pionniers conquis

Il y a bientôt 10 ans, Gilles Drouin et Louise Laferrière sont devenus les premiers habitants de la maison Ecoterra, près d'Eastman. Une propriété dont les innovations écologiques étaient si nombreuses que des autocars de touristes étrangers ont souvent débarqué chez eux pour la visiter. Aujourd'hui, sur le point de vendre leur maison «coup de coeur», ils racontent leur expérience.

En 2009, pourquoi avez-vous acheté cette maison?

Gilles Drouin: On a d'abord été séduits par le milieu de vie, l'architecture et la proximité avec Sherbrooke, où venait d'accoucher la fille de ma conjointe. On avait aussi un intérêt écologique depuis longtemps. En 2005, on avait rénové une petite maison de briques des années 50 à Tétreaultville pour la réisoler et réduire les coûts de chauffage.

Louise Laferrière: On a un petit côté granole: on fait du compost depuis près de 20 ans et on possède une voiture Prius.

Avez-vous craint l'inconnu que représentaient ces technologies et caractéristiques écologiques propres à la maison?

GD: Pas du tout! Par exemple, le toit solaire, on ne savait pas trop comment ça fonctionnait. Le vendeur nous a expliqué que nos coûts énergétiques seraient beaucoup moins élevés et que nous trouverions la température confortable. Avec le temps, on a appris à composer avec la domotique et toutes les technologies pour réduire notre consommation d'électricité. Et on en paie moins aujourd'hui qu'en 2009.

LL: Je ne suis pas très techno, mais tout se fait tellement simplement. On n'a jamais eu de problèmes, sauf un petit pépin qu'on a réglé facilement en remplaçant un petit morceau de la géothermie. On connaît bien notre maison.

Pourquoi la vendez-vous?

LL: On ne rajeunit pas! J'ai 72 ans maintenant. À deux dans une maison de trois étages, ça commence à être grand. Et le terrain de trois acres exige beaucoup d'entretien. Par contre, la maison ne demande pas plus d'entretien que les maisons normales.

GD: Ça va nous faire un pincement au coeur de la laisser. Nous y avons passé des années extraordinaires!

Croyez-vous que les acheteurs sont prêts à payer plus cher pour ce type de maison?

LL: Selon les comparables dans le boisé de la Héronnière, on ne peut pas baisser le prix énormément. Il faut dire qu'on a fait plusieurs ajouts: sous-sol aménagé, ajout d'un garage, véranda avec plancher de céramique qui offre une vue magnifique sur le côté sauvage du mont Orford, ajout de comptoirs de cuisine et de robinetterie luxueux. On a investi beaucoup après l'achat. Mais on ne prévoit pas faire un énorme gain en capital là-dessus.

Ecoterra, une maison écologique

• Système de chauffage et de climatisation géothermique

• Le surplus de chaleur généré par le compresseur est utilisé pour préchauffer l'eau chaude domestique.

• 40 % du chauffage est de source solaire (fenêtres situées stratégiquement, utilisation de masse thermique et d'éléments d'ombrage)

• Niveau d'isolation élevé et étanchéité à l'air supérieure

• Toiture solaire composée de 21 laminés photovoltaïques de 136 W chacun. Les surplus d'électricité produits sont vendus à Hydro-Québec.

• La chaleur intense produite sous la toiture est récupérée.

• Système de récupération de la chaleur des eaux usées

Photo tirée de Centris

La maison verte de Gilles Drouin et Louise Laferrière à Eastman, bâptisée Ecoterra

Un argument de vente... à prix égal

Les consommateurs entendent de plus en plus parler des certifications écologiques, dont LEED, Novoclimat, Rénoclimat et Maison passive. Plusieurs sont séduits par le concept, mais peu d'entre eux veulent payer plus cher pour de telles propriétés.

Clientèle cible

De plus en plus de publicités mettent en lumière la certification verte d'une propriété, les matériaux verts ou la spécialisation en construction écologique des promoteurs. Ces arguments séduisent surtout les «influenceurs», selon George Bardagi, courtier chez REMAX. «Ils font partie du premier 10 % d'acheteurs qui sont intéressés, dit-il. Pour eux, la certification est une fierté. Mais ils ne font pas partie de la majorité.»

Malgré l'attrait des jeunes générations pour protéger l'environnement, rares sont les premiers acheteurs qui osent se permettre une propriété verte. «Ce sont surtout des gens qui en sont à leur deuxième, troisième ou quatrième propriété, qui connaissent beaucoup l'immobilier, qui trempent déjà dans cet environnement et qui sont prêts à payer pour ça», explique Carolyn Forget, courtière chez Royal LePage.

Toutefois, elle déplore que des acheteurs soient attirés par les annonces prétendant qu'une propriété est LEED ou écologique, alors qu'elle ne possède pas la certification officielle. «La clientèle est encore peu éduquée sur le sujet. Elle regarde les effets tape-à-l'oeil qui donnent l'impression d'être vert, comme les terrasses vertes. Il faut aller plus loin en analysant la technologie et les aspects techniques de la construction.»

Curiosité en hausse

Si l'éducation est encore à faire, l'engouement est réel. «Depuis 10 ans, il y a plus de curiosité et de questions», affirme François-William Simard, vice-président, développement stratégique et communications, à l'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ). «On en parle davantage à nos membres, mais si on formait plus d'entrepreneurs et que le gouvernement mettait en place plus de programmes, l'intérêt des clients irait en grandissant», ajoute-t-il.

Ayant habité plusieurs années à San Francisco, Mme Forget voit une nette différence dans les mentalités. «À San Francisco, les gens sont plus sensibles à la question de l'environnement, dit-elle. Il y a déjà énormément de voitures hybrides là-bas, et maintenant, ils se questionnent beaucoup sur les énergies renouvelables et les toits solaires. Ici, on n'a pas encore intégré la volonté écologique à nos propriétés.»

Vert veut-il dire plus cher?

Dans la réalité, les aspirations environnementales sont souvent en contradiction avec les capacités financières. «Tout le monde est pour des produits plus verts, mais peu de Québécois ont l'intention de payer davantage à l'achat d'une maison», souligne M. Bardagi. Entre deux copropriétés à prix égaux, avec un même design et dans le même secteur, celle qui est certifiée LEED va toutefois être achetée en priorité. «Ça fait partie de la colonne des plus, précise-t-il. Mais va-t-on payer entre 30 000 et 50 000 $ de plus pour ça? La réponse est non, pour l'instant.»

Comme une piscine creusée

Les deux courtiers comparent les coûts pour l'obtention d'une certification verte à ceux d'une piscine creusée. «Tu peux investir 50 000 $ pour l'installation, mais ça ne veut pas dire que tu vas en récupérer autant», observe George Bardagi.

Le manque de connaissances explique cette perception, selon Carolyn Forget. «À long terme, une maison LEED va être plus rentable. La propriété sera mieux construite, et les économies de chauffage seront substantielles.»

Photo Olivier Jean, Archives La Presse

Cette maison de Blainville a obtenu la certification LEED.

«Un style de vie»

Une certification écologique n'est pas garante d'une propriété parfaite. Et les futurs acheteurs ne doivent pas imaginer qu'ils n'auront rien à faire pour maintenir une bonne cote énergétique.

Ces deux mises en garde sont celles de Daniel Pearl, professeur à l'École d'architecture de l'Université de Montréal et membre fondateur du Conseil du bâtiment durable du Canada, en 2003. Questionné sur l'engouement des certifications vertes, le spécialiste affirme que la qualité du design et l'abordabilité doivent être considérées avec la même attention.

«La certification verte garantit la performance écologique d'une propriété, mais pas nécessairement sa valeur globale. La réputation du designer est aussi importante, sinon plus que la certification. Au final, une firme d'architecture doit arriver à jongler avec ces trois éléments.»

Il juge d'ailleurs que les architectes ont un rôle d'éducation auprès de la clientèle. Avant, pendant et après la construction d'une propriété verte. «La certification n'est pas une fin en soi, précise-t-il. On doit mettre à profit notre expérience pour écouter tous les souhaits et toutes les craintes des clients. La curiosité des consommateurs pour les certifications vertes permet d'ouvrir un meilleur dialogue, mais il faut faire un suivi après coup. L'utilisateur doit être impliqué. C'est un style de vie à adopter et donc on doit en parler.»

Les engagements quotidiens pour maintenir sa cote énergétique

• Inspecter le pourtour des fenêtres et l'état des scellants

• Utiliser des thermostats électroniques pour obtenir une précision accrue

• Vérifier l'état des coupe-froid dans le bas des portes et les remplacer régulièrement

• Privilégier des lumières DEL qui offrent une durée de vie plus longue.

• Baisser la température des pièces ou de la propriété en entier pendant son absence

• Bien comprendre le fonctionnement de l'échangeur d'air, laver les filtres et les conduits

• Tester le moteur de la chaudière électrique et changer les filtres

• Se débarrasser des vieux réfrigérateurs qui font du bruit et qui consomment parfois davantage pour cette raison 

Source: Transition énergétique Québec

Vérifier la cote énergétique d'une maison

Si un vendeur vante les mérites de la certification écologique de sa propriété, prenez la peine de vérifier s'il possède une étiquette ÉnerGuide sur son panneau électrique. «Sur l'étiquette, on retrouve un chiffre sur une échelle de 0 à 100, explique Pierre Brisson, coordonnateur, Vivre vert, chez Transition énergétique Québec. Plus on tend vers 100, plus le bâtiment est performant et autonome d'un point de vue énergétique.» 

Par contre, sachez que la présence de l'étiquette est volontaire et non obligatoire.

Photo François Roy, archives La Presse

Vu d'un quartier de l'arrondissement de Saint-Laurent où l'on trouve de nombreuses maisons certifiées LEED.