Après une année 2017 «exceptionnelle», le marché de la revente devrait poursuivre sur sa lancée en 2018. Mais il faudra voir quel sera l'impact de la remontée des taux hypothécaires. Notre dossier.

Un premier «plex» et un premier bébé!

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'année 2018 a commencé sur les chapeaux de roues pour Vincent Coutu-Tousignant et sa conjointe Catherine Lafrenière.

Au début de janvier, le couple montréalais a fait l'acquisition de son premier «plex» à Montréal. À ce moment-là, Catherine était sur le point d'accoucher de Charlotte!

«Il s'agissait de notre premier achat et de notre premier enfant», raconte, amusée, la travailleuse sociale âgée de 29 ans.

«Tout s'est passé très vite!», reconnaît, avec humour, son conjoint âgé de 31 ans, cadre chez Hydro-Québec.

L'achat du quadruplex, le bébé, le notaire... Le 18 décembre, une semaine avant Noël, le couple a repéré l'immeuble à vendre; le 5 janvier, l'offre d'achat était acceptée; le 13 janvier, Catherine donnait naissance à Charlotte; enfin, le 19 janvier, tout était finalisé devant le notaire.

Un an à chercher

«Ça faisait un an qu'on cherchait, résume Vincent. À vrai dire, on cherchait très activement, sans parvenir à trouver. Il y avait de la surenchère. Très souvent, il y avait de 40 à 50 visiteurs pour un "plex" à vendre.»

Il y avait cette très forte activité immobilière, et la perspective d'une hausse des taux d'intérêt. Sur ce point, le couple a fait appel à un courtier hypothécaire (dans ce cas-ci, la firme Hypotheca) «pour trouver le meilleur taux», précise Vincent.

«On a jugé que le taux fixe sur 5 ans, à 2,99 %, était moins intéressant que le taux variable sur 5 ans à 1,95 %. On a opté pour le taux variable tout en étant conscients que les taux risquaient de monter. On a calculé, tout de même, que ça nous laissait une marge de manoeuvre de 1 %», explique Vincent Coutu-Tousignant.

Bouger rapidement

Ces jeunes acheteurs ne sont pas une exception: ils étaient pleinement conscients qu'ils achetaient leur «quatre-logements» dans un marché à l'avantage des vendeurs, compte tenu de l'offre. En 2017, le nombre d'inscriptions pour les «plex» à vendre a chuté de 10 %, et le prix moyen a grimpé de 7 %, selon les compilations de la Fédération des chambres immobilières du Québec, à partir du système Centris.

Dans certains quartiers de Montréal, les prix ont explosé au cours de la dernière année, et des propriétés ont été vendues bien au-delà du prix affiché.

«On voulait bouger rapidement parce qu'on était conscients que les prix allaient continuer d'augmenter, soulève Vincent. On souhaitait continuer d'habiter à Montréal, c'était une priorité. Il n'était pas question de passer une heure par jour dans la circulation pour rentrer à la maison.»

Un marché imprévisible

Le courtier Giulio Del Vecchio constate lui aussi cette «effervescence» dans le marché de la revente. «Ça fait 25 ans que je vends des maisons, et je n'ai jamais vu une telle activité immobilière», observe-t-il.

Il évite toutefois de trop s'emballer. «Les choses peuvent changer rapidement, nuance-t-il. Il faut tenir compte des taux hypothécaires et du niveau d'endettement des ménages.»

Son territoire couvre Saint-Léonard et les quartiers Villeray et Rosemont-La Petite-Patrie. Ses clients sont d'origine vietnamienne, italienne, et certains viennent du Sri Lanka.

«Depuis 12 à 24 mois, précise le courtier de l'enseigne Remax Alliance, j'ai beaucoup d'acheteurs chinois.»

Les acheteurs étrangers

Il ne cache pas que la présence de ces acheteurs venus de l'étranger stimule le marché montréalais à l'heure actuelle. «Ce sont eux qui sont responsables, en grande partie, de la croissance du marché.»

Récemment, il a vendu un triplex 759 000 $. À l'origine, le vendeur en demandait environ 40 000 $... de moins.

Pas étonnant, dans ces conditions de marché favorables aux vendeurs, que des propriétés s'envolent avant même qu'il ait eu le temps de planter sa pancarte.

«Je dis à mes clients acheteurs qu'ils ont intérêt à bouger vite s'ils ont les yeux sur une maison et si le prix convient à leur budget», résume le courtier d'origine italienne.

C'est ce que viennent de faire Vincent Coutu-Tousignant et sa conjointe Catherine Lafrenière, qui vont emménager dans leur propriété au début du printemps avec la toute petite Charlotte.

Photo Robert Skinner, La Presse

Une grosse année pour Vincent Coutu-Tousignant et sa conjointe Catherine Lafrenière! Les heureux parents de Charlotte, âgée d'une semaine à peine au moment de prendre la photo, viennent d'acheter un «quatre-logements» à Montréal.

Un marché sur sa lancée

En dépit de la hausse des taux hypothécaires, le marché de la revente devrait poursuivre sur sa lancée en 2018, avec des hausses de prix et de transactions appréciables.

C'est du moins ce que prévoit Paul Cardinal, directeur d'analyse à la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ). «Nous devrions enregistrer un nouveau record de ventes, tant pour la province que pour la région métropolitaine de Montréal, de même que dans l'île de Montréal, s'avance-t-il à prédire. Les indicateurs économiques sont positifs.»

Il concède toutefois que la majoration des taux d'intérêt pourrait «refroidir un tantinet» l'enthousiasme des acheteurs, mais en revanche, ajoute-t-il, «la forte création d'emplois et la vigueur de l'économie vont compenser».

Avantage Montréal

Paul Cardinal fait valoir que c'est dans l'île de Montréal et dans la région métropolitaine de Montréal (qui s'étend jusqu'à Saint-Jean-sur-Richelieu depuis 2017) qu'il se crée le plus d'emplois et que les nouveaux arrivants élisent domicile. Depuis deux ans, 105 000 des 126 000 emplois créés à la grandeur du Québec l'ont été dans la région de Montréal.

«Cette création d'emplois devrait stimuler l'achat de propriétés, entre autres par la clientèle des premiers acheteurs.»

Le directeur d'analyse s'attend même à ce que leur entrée dans le marché produise l'effet d'une «cascade de transactions» qui fera tourner la machine immobilière un peu plus rapidement.

Pas de surchauffe

De son côté, Joanie Fontaine, économiste à la firme JLR Solutions foncières, se garde bien de faire des prédictions. Mais elle ne cache pas qu'il faudra surveiller de près la progression des taux hypothécaires et leur impact sur le niveau d'emprunt des acheteurs.

Chose certaine, le marché «montréalais» demeure «un marché sain», constate l'économiste. «Il n'y a aucun signe de surchauffe, comme c'est le cas à Toronto et à Vancouver, tient-elle à préciser. Nous ne sommes pas au rouge, mais plutôt au vert.»

À titre d'exemple, en 2017 à Montréal, le prix médian d'une unifamiliale se situait à 448 000 $, en hausse de 8 %, ce qui demeure encore très loin des prix de Toronto et de Vancouver.

Des marchés régionaux en progression

Il n'en demeure pas moins que, vu dans son ensemble, le marché immobilier, au Québec, affiche des performances inégales. «Ça reste un marché à deux vitesses», répète Paul Cardinal.

«C'est un fait que Montréal affiche de belles performances, tandis que des régions plus éloignées, comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean et le Bas-Saint-Laurent, ont plus de difficultés, précise, de son côté, Joanie Fontaine. Le vieillissement de la population et l'exode des jeunes ne favorisent pas une activité immobilière soutenue dans ces régions.»

Paul Cardinal, directeur d'analyse à la FCIQ, constate lui aussi des écarts marqués entre les ventes de propriétés dans la région de Montréal et dans certaines régions du Québec.

Il note cependant que des marchés «régionaux» se sont redressés au cours de la dernière année. Il cite Gatineau, Sherbrooke et Trois-Rivières.

Photo Martin Chamberland, La Presse

Une hausse de taux modérée espérée

La croissance du marché immobilier risque-t-elle d'être ralentie par la hausse des taux hypothécaires? Nous avons posé la question à deux spécialistes du financement hypothécaire.

Hugo Leroux, président de la firme Hypotheca

«Tout ce qu'on souhaite, c'est que les taux se maintiennent à leur niveau actuel. On ne voudrait pas voir trois hausses de taux totalisant 1 point de pourcentage, au cours de 2018, ça pourrait ralentir les ardeurs des acheteurs. Il faut comprendre qu'il y a dans le marché une importante banque de premiers acheteurs qui sont prêts à faire l'acquisition d'une propriété. Mais il ne faut pas s'arrêter à ça. Il est arrivé fréquemment, dans le passé, qu'on anticipe des hausses de taux qui ne se sont pas avérées. Quoi qu'il en soit, on devrait connaître une pas pire année, peu importe que les taux soient majorés ou pas, et en dépit des nouvelles conditions imposées par les banques aux clients qui renouvellement leur emprunt hypothécaire.»

Denis Doucet, Multi-Prêts Hypothèques

«Une hausse des taux hypothécaires ne sera pas un frein à la croissance du marché. Mais je dis à mes clients de prendre le temps de faire leurs devoirs avant de trouver du financement auprès des institutions financières. Ce n'est pas un exercice qui doit se faire en une quinzaine de minutes! Chose certaine, nous n'avons jamais vu autant de clients potentiels faire des demandes de préqualification en vue d'une acquisition. Les acheteurs veulent savoir quel montant ils peuvent emprunter et quelle maison ils peuvent se payer en vue du financement. Certains vont faire le choix, par exemple, d'acheter en périphérie de Montréal pour trouver une maison à Mirabel à moindre coût, mais qui convient à leurs besoins d'espace pour se loger. On se dirige vers une bonne année.»

Photo Ninon Pednault, Archives La Presse

Hugo Leroux, président de la firme Hypotheca