Nombre d'élèves en courtage immobilier pensent faire un coup d'argent facile après l'obtention de leur diplôme. Pourtant, avec l'étendue des éléments à maîtriser (lois, déontologie, chiffres) et la forte concurrence, la profession est loin d'assurer le succès et la richesse pour tous.

Pourquoi devenir courtier?

L'appât du gain, le désir d'indépendance, le goût de l'entrepreneuriat... et une passion pour l'immobilier: voilà les motivations qui poussent les futurs courtiers à suivre leur formation, selon les témoignages recueillis par La Presse. Or, la réalité qui attend les diplômés n'a rien d'un conte de fées.

Bruce Lai, professeur au Collège LaSalle, l'affirme sans détour: 99,9 % de ses élèves ont l'argent comme motivation première.

«Plusieurs d'entre eux admirent les courtiers- vedettes qui se promènent en voitures de luxe et qui possèdent des maisons de 1 million de dollars. Ils s'imaginent devenir comme eux. D'autres veulent quitter leur emploi de 9 à 5 et leur salaire annuel de 40 000 $, pour devenir courtiers et avoir un gros train de vie. C'est une vision déformée de la réalité.»

De longues heures...

Professeur et courtier toujours en activité, M. Lai connaît la somme de travail qui se cache derrière les profits.

«Pendant la première année, il faut travailler entre 60 et 80 heures par semaine si on veut avoir un revenu décent.»

«Pourtant, certains étudiants pensent faire de l'immobilier, tout en conservant un autre métier à temps partiel de 25 heures de travail par semaine... Ce n'est pas réaliste», estime M. Lai.

Le professeur a l'impression que les milléniaux sont parmi les plus irréalistes. «De plus en plus, les jeunes pensent que la job de courtier est facile, dit-il. Ils prévoient gagner 100 000 $ par année en travaillant 20 heures par semaine. Mais plus la formation avance, plus ils intègrent la réalité.»

En 10 ans d'enseignement, M. Lai a également noté deux profils générationnels chez ses élèves. «Ceux qui étudient le jour ont entre 20 et 30 ans. Pour plusieurs d'entre eux, ils veulent entrer sur le marché du travail rapidement, avoir un bon salaire et un horaire atypique. À l'inverse, ceux qui étudient le soir sont généralement âgés de 30 à 60 ans. Ils souhaitent souvent devenir courtiers comme deuxième carrière ou pour ajouter un revenu à leur famille.»

La nouvelle élève

Frédérique Dussault vient d'entamer ses études en courtage immobilier. Son objectif? Faire une différence dans la vie des gens. «Pour moi, être courtier immobilier, ce n'est pas simplement un métier, c'est une valeur ajoutée. Je veux apporter de la joie dans la vie de mes futurs clients. Je veux être là quand ils ont cette sensation de bonheur, en sachant qu'ils viennent de prendre la meilleure décision de leur vie.»

Lorsqu'elle terminera ses études en mai 2018 et qu'elle aura passé l'examen de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) pour obtenir sa licence, elle entreprendra le processus qui lui permettra un jour d'être sa propre patronne. «J'ai toujours eu un esprit d'entrepreneuriat. Je dois travailler trois ans en agence avant de pouvoir partir à mon compte, si je désire toujours le faire à ce moment-là.»

La récente diplômée

Après 20 ans à travailler en Ontario, à «flipper» des maisons et à gérer des rénovations, de la revente et de la location commerciale, Lucie Laroche a choisi de rentrer au Québec et de devenir courtière immobilière.

«J'ai toujours été travailleuse autonome en gérant mon entreprise, et j'avais envie de le demeurer, souligne-t-elle. Et comme mon frère est déjà dans le métier, ça m'évite de recommencer à zéro. On va travailler ensemble.»

Diplômée depuis juillet 2017, elle est prête pour les exigences du métier. «Il ne faut pas avoir peur de travailler quand tous les autres sont en congé et l'on doit être prêt à relever des défis!» Une perspective naturelle pour cette championne de ski alpin, qui a participé aux Jeux olympiques en 1988 et en 1992.

La courtière d'expérience

Un vif intérêt pour l'architecture a poussé Hélène Sauvé vers le courtage immobilier. Par la suite, la liberté qui s'est offerte à elle dans le cadre de ses fonctions a confirmé qu'elle était au bon endroit.

«J'aime pouvoir choisir mes clients, mon horaire de travail et, par-dessous tout, l'approche que je privilégie avec mes clients. Chacun représente un nouveau défi. Il faut donc que je parvienne à saisir ses besoins et à comprendre ses enjeux pour offrir un accompagnement personnalisé à une étape importante de sa vie.»

Courtière depuis 10 ans et côtoyant des collègues au degré d'expérience variable chez Via Capitale du Mont-Royal, Mme Sauvé a pu constater une certaine évolution du métier. «Je suis d'avis que les jeunes courtiers arrivent mieux préparés depuis quelques années, étant donné que des changements importants ont été apportés à la formation et que les examens sont devenus nettement plus rigoureux.»

Photo David Boily, La Presse

Frédérique Dussault étudie en courtage immobilier.

Les hauts et les bas de la profession

En 2016, près de 1200 personnes ont suivi une formation en courtage immobilier résidentiel ou commercial dans l'un des 21 établissements certifiés du Québec. Populaire, le programme d'études? Tout dépend d'où l'on se trouve.

Au Collège LaSalle de Montréal, 190 élèves se seront assis dans les classes de courtage immobilier au terme de l'année 2017. «Ce sont des chiffres qui se maintiennent par rapport aux années précédentes, autant pour les formations de jour que de soir, dit Émilie Germain, coordonnatrice des programmes de gestion. Mais il faut préciser que l'offre de service est beaucoup plus grande, avec l'arrivée de nouveaux établissements qui offrent le cours. On peut donc croire que l'intérêt pour la profession augmente.»

Par contre, d'autres lieux d'enseignement ont perdu des aspirants courtiers depuis 2008, au moment où la formation est devenue obligatoire pour obtenir un permis de courtier immobilier. C'est le cas du cégep Garneau de Québec, qui est passé de sept cohortes de 42 élèves il y a 10 ans à une ou deux par année. 

«Avant, n'importe qui pouvait s'improviser courtier ou faire une petite formation, alors qu'aujourd'hui, on doit suivre un programme qui dure entre 375 et 570 heures selon l'école et réussir les examens de l'OACIQ», explique Stéphanie Comtois, conseillère en formation et service aux entreprises à la formation continue au cégep Garneau. 

Ainsi, la formation exige des élèves un investissement majeur en temps et en argent pendant presque un an. «Quand on suit les cours, on travaille peu ou pas, alors il y a une baisse de revenu, ajoute Mme Comtois. Et il faut aussi considérer les frais d'inscription aux examens, qui tournent autour de 1000 $, et les nombreux frais sur le marché du travail [permis, frais d'association, etc.] qui peuvent aller jusqu'à 4000 $. Ça décourage bien des gens.» 

Formation complexe

Au Collège LaSalle, entre 78 % et 85 % des élèves obtiennent leur diplôme dans les temps prévus, et 5 % l'obtiennent avec un léger délai. Preuve que certains se réorientent ou réalisent que les cours sont plus ardus qu'ils le croyaient. «Je ne dirais pas que c'est ardu, corrige Émilie Germain. Mais c'est assurément plus complexe que certains autres cours que nous offrons. Il faut maîtriser des notions de finances, de mathématiques, de droit, d'éthique et de rédaction de contrats. Ce n'est pas la formation la plus facile. Et certains étudiants doivent s'y prendre à deux fois pour réussir un cours.»

Pourtant, ils sont plusieurs à imaginer qu'ils obtiendront leur diplôme sans effort. «Les gens ne s'attendent pas à devoir étudier autant, confirme Mme Comtois. Ils pensent que pour devenir courtiers, ils n'ont qu'à suivre une formation sans réviser. Mais ils doivent ouvrir leurs livres, prendre le temps de faire leurs travaux et étudier pour réussir.»

Le taux de réussite peut aussi dépendre de certains enjeux financiers. Actuellement, la formation de courtage immobilier au cégep Garneau est financée par le gouvernement et les élèves paient 55 $ par semestre. «Environ la moitié d'entre eux réussissent les examens de l'OACIQ, indique Stéphanie Comtois. Mais quand l'inscription au programme coûtait 4000 $, le taux de rétention dans la profession était de 90 %. Les étudiaient réfléchissaient davantage avant de faire un tel investissement et ils étaient peut-être un peu plus sérieux.»

Concurrence 

Autre élément à considérer avant d'étudier pour devenir courtier: la transformation du marché immobilier, avec la croissance en popularité des services de soutien à la vente comme DuProprio. 

«Certains étudiants ont des craintes pour l'avenir de la profession, mais les professeurs les rassurent et leur expliquent qu'il est possible de cohabiter, souligne la porte-parole du cégep Garneau. L'immobilier a beaucoup changé au cours des dernières décennies. Les consommateurs ont accès à beaucoup plus d'information sur Centris, alors on doit travailler différemment et miser sur tous les services que peuvent offrir les courtiers.»

Préjugés 

Stéphanie Comtois doit également ramener quelques aspirants courtiers sur terre en parlant des réalités financières. «Je dois parfois en décourager certains et leur dire que le salaire annuel moyen d'un courtier est de 40 000 $. Ça en désenchante plusieurs. Dans nos cours, on monte un plan d'affaires sur trois ans pour les préparer à la réalité.»

Au Collège LaSalle, les dirigeants voient les choses autrement. «Les étudiants ne sont pas naïfs, dit Émilie Germain. Ils savent qu'ils ne seront pas des têtes d'affiche en partant. De notre côté, notre travail est de faire rayonner la profession et de monter nos étudiants vers le haut. On partage toutes sortes de succès, ceux des têtes d'affiche et ceux des courtiers qui réussissent à concilier travail-famille ou qui adorent travailler à leur compte.»

Photo David Boily, La Presse

Bruce Lai, professeur au collège LaSalle, affirme que 99,9 % de ses élèves ont pour motivation première l'argent.