L'achat d'une première propriété a beaucoup changé au cours des dernières décennies, spécialement en ce qui concerne le comportement des jeunes acheteurs et l'offre immobilière.

Plus petit et plus tôt

Pratiquement inexistantes dans les années 70 et 80, les copropriétés ont depuis transformé le marché immobilier. «Les premiers acheteurs sont devenus friands des condos entre 850 et 1100 pi2, explique Nathalie Clément, courtière immobilière chez Via Capitale du Mont-Royal. Puis, les entrepreneurs ont construit beaucoup de condos de 750 pi2 en moyenne.» Depuis 15 ans, le marché a aussi vu apparaître des condos de 400 à 600 pi2. «Ces petits condos sont souvent moins chers et permettent un premier achat plus tôt dans sa vie», affirme Paul Cardinal, économiste à la Fédération des chambres immobilières du Québec.

Il ajoute que les condos ont transformé la trajectoire immobilière des acheteurs. «Avant, on quittait la maison familiale pour un appartement, avant d'acheter une maison un jour. Mais de plus en plus de jeunes restent plus longtemps chez leurs parents et achètent tout de suite un condo, sans être locataires. Ils entrent sur le marché plus tôt.»

Clés en main

Seuls 5% des premiers acheteurs ont construit eux-mêmes leur première propriété, alors que 76 % d'entre eux n'y ont jamais songé, selon un sondage Léger réalisé en 2016. «On remarque qu'ils sont plus portés vers des maisons déjà existantes, mais rénovées récemment, dit M. Cardinal. Les Y ne semblent pas très bricoleurs.» Nathalie Clément croit pour sa part que les jeunes ont moins d'imagination. «Ils ont de la difficulté à se projeter, surtout quand ils visitent une maison qui doit être désencombrée ou dont le look mérite d'être épuré. Le home staging a complètement changé les attentes des gens.»

Mise de fonds

Il a déjà été commun d'accumuler 25% de mise de fonds avant d'acheter une propriété. Mais au cours des dernières années, 46% des premiers acheteurs ont plutôt accumulé entre 5 et 10%, selon le sondage. Pour expliquer le phénomène, les experts évoquent les nouvelles règles hypothécaires et l'apparition du programme RAP (régime d'accession à la propriété) qui, depuis 1992, permet de retirer l'argent des régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER) pour un premier achat immobilier.

Par ailleurs, comme le prix des maisons a augmenté au cours des dernières années, certaines personnes ont décidé d'acheter plus tôt, avec une plus petite mise de fonds, avant que les prix augmentent davantage. «Aussi, plusieurs acheteurs se disent que le contexte des taux d'intérêt très bas ne reviendra pas de sitôt et qu'il vaut mieux acheter maintenant, plutôt que d'attendre d'avoir une grande mise de fonds», observe l'économiste.

Indépendance

Alors que les baby-boomers se fiaient beaucoup aux spécialistes immobiliers lors de leur premier achat, les membres des générations X et Y sont plus indépendants. Particulièrement grâce à l'internet, qui a rendu disponible l'information à laquelle seuls les courtiers ont eu accès pendant des décennies. «Plusieurs jeunes pensent tout connaître du marché parce qu'ils ont vu 20 maisons sur l'internet avec 40 photos chacune, illustre Mme Clément. Avec les baby-boomers, on visitait 25 à 30 maisons lors d'un premier achat. Mais depuis les années 2000, on fait plus de recherche et on visite moins.»

La courtière sent cependant un retour du balancier. «Depuis 2010, les jeunes ont réalisé que les photos déforment une propriété et ils sont souvent déçus en la visitant. Ils comprennent que visiter une maison, ça se passe dans la vraie vie. Mais ils trouvent ça très difficile de faire des compromis en négociant. Il faut être aguerri pour les guider.»