Lentement mais sûrement, les maisons intergénérationnelles gagnent en popularité. Quelque 1702 propriétés de ce type ont été vendues selon le système Centris en 2015, soit une hausse de 8 % depuis un an. Et cette popularité n'est pas sur le point de s'essouffler...

Sur l'ensemble du marché immobilier, les maisons intergénérationnelles restent plutôt marginales. Après tout, plus de 52 000 résidences unifamiliales ont trouvé preneur en 2015 au Québec, contre à peine 1700 maisons intergénérationnelles. Mais ceux qui ont essayé ce mode de vie semblent bien vouloir l'adopter pour de bon.

Depuis deux ans, Julie-Anne Doucet vit dans une maison intergénérationnelle à Rouyn-Noranda, avec son conjoint, ses deux enfants, ses parents et sa soeur. Une situation qui fonctionne à merveille grâce à leur grande proximité.

«Quand je vivais dans un appartement près de mes parents, j'allais souvent passer des week-ends chez eux», confie-t-elle. 

«On est comme une famille italienne qui trouve toujours des occasions de se réunir. Il y a sept ans, l'idée nous est venue naturellement de vivre tous ensemble.»

Puisque ses parents ne voulaient pas vivre dans un studio au sous-sol, la «bigénération» s'est imposée. Et les profits de la vente de leur maison ont permis de payer la majorité de la mise de fonds.

Mais avant que la nouvelle maison ne soit construite, le destin a forcé les deux cellules familiales à tester leur «osmose» potentielle. Le jeune couple a choisi de ne pas renouveler le bail de son logement, pour vivre un été chez les parents de Julie en attendant que leur maison se vende. «Finalement, on a été là-bas pendant un an! se souvient Mme Doucet. On vivait dans une maison plus petite, on partageait les repas, mon père travaillait de nuit et j'avais ma garderie chez eux. Mais on a réussi sans chicane!»

Réunion familiale

De leur côté, Lily Deschênes et son mari ont quitté le Lac-Saint-Jean pour se rapprocher de leurs filles sur la Rive-Sud. «On les visitait toutes les six semaines, explique Mme Deschênes. Quand mon mari a pris sa retraite, on est venus passer nos étés dans une roulotte pas très loin. Un jour, une de nos filles a suggéré de vivre en «bigénération». Comme on s'était fait beaucoup d'amis dans le coin, on a accepté.»

Leur gendre a démoli le garage de la maisonnée et construit un trois-pièces pour accueillir ses beaux-parents.

«J'ai eu peur de regretter de quitter ma région natale, ma parenté et mes amis, mais on est très heureux.»

«On se voit quand on veut, on partage quelques repas, on se rend service et on voit nos petits-enfants souvent. En plus, moi, je suis une peureuse. Alors vivre près d'eux me sécurise. Je me sens au paradis!»

Logement saisonnier

Chez Patricia Brisson, la petite famille occupe l'unité centrale et la belle-mère habite l'appartement, huit mois par année. «Elle passe ses hivers en Floride, précise Mme Brisson. Donc, au lieu de s'occuper de deux maisons en son absence, on en gère une seule. Quand elle est au Québec, elle se sent moins seule et elle est d'une grande aide.» 

Belle-maman prépare plusieurs repas les soirs de semaine et s'occupe des enfants quand ils sont malades ou en journée pédagogique. «La porte entre les logements est toujours ouverte. Nous mangeons tous les repas du soir ensemble. Nous avons une très bonne dynamique. Mais le respect est essentiel afin que tout se passe bien. La façon d'éduquer les enfants revient aux parents et non aux grands-parents.»

Au début, Julie-Anne Doucet pensait devoir établir des règles internes, mais tout s'est placé naturellement. «C'est sûr qu'on doit s'ajuster, parce que j'aime faire les choses à ma manière, tout comme mon père. Et on a été obligés d'engager une designer d'intérieur pour marier nos goûts différents. Mais sinon, je ne vois que du positif. On partage presque tout. Même les frais des bonbons d'Halloween!»

D'ailleurs, elle est certaine d'avoir économisé dans l'aventure. «Je paie autant que si j'avais acheté une unifamiliale en revente, mais je vis dans une maison neuve, plus grande et parfaitement adaptée aux besoins de ma famille.»

Et la revente?

Les propriétaires de ces maisons construites sur mesure n'ont-ils pas peur d'avoir du mal à les revendre? «Je n'ai pas de crainte, car de plus en plus de gens en veulent, répond Lily Deschênes. Ma fille a déjà eu des appels pour savoir si on voulait vendre!» 

Même son de cloche chez les Brisson. «C'est certain que le bassin d'acheteurs est plus restreint, mais les maisons bigénération sont de plus en plus recherchées. De toute façon, nos enfants nous disent qu'ils vont acheter la maison plus tard et qu'on va habiter avec eux de l'autre côté!»

Julie-Anne Doucet prévoit elle aussi y passer sa vie. «J'ai le goût de prendre soin de mes parents le plus longtemps possible. Mais s'ils sont trop malades pour que je m'en occupe ou quand ils vont décéder, on va pouvoir louer leur appartement.»

Photo fournie par Julie-Anne Doucet

Depuis deux ans, Julie-Anne Doucet vit dans une maison intergénérationnelle à Rouyn-Noranda avec son conjoint, ses deux enfants, ses parents et sa soeur.