Histoire peu banale que celle de ce chalet de Sainte-Adèle. Joyau familial depuis trois générations, il se distingue par son décor éclectique et raffiné, mais aussi par les invités de marque qui ont défilé entre ses murs. Le propriétaire nous ouvre la porte de sa demeure... et de ses souvenirs.

1944. Le grand-père maternel de Marc-André Moutquin acquiert un lopin de terre dans les Laurentides pour y construire une résidence secondaire. Directeur général de la Ville de Montréal, il y accueille beaucoup d'hommes politiques pendant les vacances, incluant Jean Drapeau, Jean Lesage et son bon ami Camillien Houde. « Chaque objet de la maison rappelle une anecdote, un personnage qui a gravité dans la vie de mes grands-parents », raconte le propriétaire.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Collectionneurs d'antiquités et globe-trotters infatigables, Marc-André et Alexandra aiment créer leur décor en choisissant avec soin chaque objet qui le compose.

Les années défilent, mais la maison d'été ne perd rien de son cachet. Quand Marc-André en hérite, en 2007, les besoins sont criants : revêtement extérieur, plomberie, électricité, isolation... sans compter la faune grouillante qui a élu domicile dans les entrailles du chalet !

« Au départ, j'avais du mal à voir le potentiel, admet sa conjointe, Alexandra Mandich, propriétaire de la boutique d'antiquités Trois fois passera, à Montréal. On aurait dit une maison de sorcière, surtout avec l'immense bambou aux racines tentaculaires qui obstruait la maison ! »

Le couple fait équipe avec Jonathan Blondeau, ami de longue date et propriétaire de JBCO Construction : « Il a abattu l'escalier central et les murs du deuxième étage, poursuit Alexandra. Une fois l'espace ouvert, tout était clair. On savait ce qu'on voulait faire du chalet. »

Prendre son temps

Les rénovations s'échelonnent de mai à novembre 2015. Marc-André et Alexandra réalisent eux-mêmes 90 % des travaux, dont la plomberie. « Les planchers ancestraux ont été conservés, indique le propriétaire. Au deuxième étage, chaque latte de bois a été sablée une dizaine de fois pour enlever les traces de peinture. On a eu le même souci de rigueur dans la cuisine, où quatre couches de prélart étaient superposées. On a traversé toutes les tendances depuis les années 40 ! »

Malgré la fatigue et les longues heures, les deux amateurs de design ont apprécié cette expérience riche en apprentissages.

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Style victorien, anglais, contemporain... Impossible d'étiqueter ce chalet aux influences hétéroclites: «Notre seul critère est d'avoir un coup de coeur, explique Alexandra. Même si les styles ne coordonnent pas, j'ose espérer qu'une certaine unité émerge tout de même de l'ensemble.»

« Par exemple, originalement, la porte de la maison ouvrait dans la salle à manger. On se creusait la tête pour optimiser l'aménagement intérieur en fonction de cette particularité... jusqu'à ce qu'on se rende compte qu'il suffisait de déplacer la porte ! »

Si Marc-André et Alexandra avaient eu un délai contraignant, si l'entrepreneur les avait le moindrement bousculés, ils auraient probablement opté pour les solutions faciles, tout comme ils auraient acheté leur mobilier et les accessoires dans les grandes chaînes au lieu de chiner dans les brocantes pour débusquer de petits trésors.

Souvenirs de famille

Collection de sabres et de guitares, cornemuse dénichée en Écosse, porte-pipe en bois ayant appartenu au grand-père de Marc-André, ancienne devanture d'une maison du Kazakhstan transformée en bibliothèque de bois, reproduction d'un tableau de Picasso qui trônait autrefois dans la chambre principale...

Tel un musée, le chalet regorge d'objets qui témoignent des pans de l'histoire familiale et qui animent les discussions avec les nombreux invités. Comme cette sculpture inuit achetée 100 $ au moment même où Marc-André cousait des points de suture dans un dispensaire du Grand Nord et qu'un Inuit est entré dans la salle de chirurgie mineure pour vendre sa création.

L'infirmier praticien partage d'ailleurs sa passion pour l'art avec son grand-père, un collectionneur invétéré qui encourageait les peintres de son époque. « Il arrêtait sur le bord du chemin pour acheter les tableaux de Narcisse Poirier, Marc-Aurèle Fortin et Léo Ayotte, raconte Marc-André. La maison était pleine ! »

Gageons que cet aficionado ne serait pas peu fier de voir son chalet autrefois rustique retapé ainsi par son petit-fils et sa conjointe...

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«J'ai trouvé un vieux bain en fonte de 1940 avec les pattes travaillées, explique Marc-André. Il a non seulement fallu le transporter, mais aussi trouver la tuyauterie qui respectait les spécifications de l'époque»