Présente depuis plus de 50 ans, la banlieue n'est plus remise en question comme elle l'a déjà été, puisqu'on sait qu'elle est là pour rester. Aujourd'hui, on en est plutôt à se demander comment faire renaître ses plus vieux quartiers, ceux qui ont été construits dans les toutes premières heures de la banlieue, dont certains ont aujourd'hui du mal à attirer les familles.

Idéalement située, à quelques kilomètres de Montréal, Repentigny est une illustration parfaite de l'évolution de la banlieue québécoise. En parcourant la ville d'ouest en est, on a droit à un cours en accéléré sur son développement.

À l'ouest sont situées les maisons construites dans les années 60. À mesure que l'on se dirige vers l'est et que l'on s'éloigne de la métropole, surgissent les quartiers bâtis dans les années 70, 80 et 90, puis les dernières constructions, parmi lesquelles les néomanoirs des années 2000.

Au fil des ans, Repentigny s'est bâtie sur presque tout son territoire. Aujourd'hui, il ne reste que 200 terrains en vente, explique David Legault, directeur général de la ville. «Si on veut habiter à Repentigny, il faut soit se disputer les quelques terrains qui restent ou aller vers des résidences existantes.»

Que reste-t-il des premiers quartiers résidentiels, maintenant à l'ombre de nouveaux quartiers plus clinquants?

Bien que ces banlieues soient vieillissantes tant sur le plan de la population que des infrastructures, ce sont des secteurs au «potentiel intéressant», croit Andrée Fortin, professeure au département de sociologie de l'Université Laval et membre du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues.

«Les banlieues construites dans les années 50 et 60 sont généralement un peu plus près des quartiers centraux. Souvent, il est possible d'y vivre avec une seule voiture, ce qui n'est pas toujours le cas dans les nouveaux développements», explique-t-elle.

Les bungalows qui y ont été construits étaient faits pour durer, note pour sa part Gérard Beaudet, professeur d'urbanisme à l'Université de Montréal.

«Les résidences dans ces banlieues étaient relativement bien construites. La durée de vie utile des bungalows des années 50 et 60 était nettement supérieure à celle de nombreuses constructions d'aujourd'hui. Si ça a été le moindrement bien entretenu, ce sont des bâtiments qui ont encore un bel avenir devant eux», dit-il.

À Repentigny, on trouve des bungalows construits dans les années 60 à vendre pour environ 250 000$. «Les anciens bungalows sont convoités et sont offerts à un prix raisonnable, dit le directeur général de la ville, David Legault. Il y a une végétation mature qui fait le cachet des vieux quartiers. C'est une atmosphère qu'on retrouve moins dans les nouveaux quartiers.»

SOS rénos

«Arbres matures», «près des transports en commun», «à cinq minutes de Montréal»: les arguments de vente de ces bungalows ne manquent pas. Parfois habitées par une seule famille depuis leur construction, certaines de ces maisons ont toutefois besoin d'un sérieux rafraîchissement.

«Ce sont des maisons qui ne sont plus au goût du jour, qui sont au goût des grands-parents, dit Andrée Fortin, du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues. Elles demandent des rénovations: il faut refaire la cuisine, le chauffage, la plomberie...»

Les rues qui les hébergent ont parfois mal vieilli. «Ce sont souvent des rues avec peu de trottoirs, avec de l'asphalte défoncé», donne en exemple Andrée Fortin. «Les municipalités s'intéressent davantage aux nouveaux développements parce que ça amène beaucoup de taxes. On tient les anciens quartiers pour acquis, mais si on ne fait rien maintenant, ces quartiers vont continuer à péricliter.»

Est-ce parce que 99% du territoire y est déjà bâti? À Repentigny, on assure que les vieux quartiers et leurs infrastructures ont été chouchoutés. «Dans les municipalités qui sont à la course au développement, les nouveaux quartiers prennent beaucoup d'énergie et ça pourrait se faire au détriment des anciens quartiers. On s'est assuré de ne pas se retrouver avec des infrastructures désuètes, car on était conscient que ces secteurs-là deviendraient les plus intéressants. On ne les a pas laissés aller», assure le directeur général, David Legault.

Attirer les jeunes familles

Les municipalités doivent maintenant convaincre les jeunes de réintégrer les banlieues de leurs parents, voire de leurs grands-parents.

À Longueuil, on a mis en place des mesures incitatives pour ceux qui achètent une maison dans des secteurs touchés par une «revitalisation urbaine intégrée», des parties de la ville que l'on cherche à revitaliser, parmi lesquels figurent les secteurs Sacré-Coeur et Le Moyne.

«Les clientèles entre les anciens et les nouveaux développements sont différentes en termes de revenus. Les anciens quartiers proposent des prix plus intéressants, dit Thérèse Sainte-Marie, chef du service de développement à Longueuil. Tandis que dans les nouvelles collectivités, par exemple le Parcours du cerf, où la valeur moyenne d'une maison est de 350 000$, c'est clair que ce ne sont pas des acheteurs de premières propriétés.»

Le professeur Gérard Beaudet se demande si les générations X et Y voudront acheter ces bungalows. «Beaucoup de gens ont grandi en banlieue, mais quand ils décident d'acheter une propriété, ils vont l'acheter encore plus loin. La question se pose également avec ceux qui quittent Montréal: vont-ils dans ces banlieues-là, ou sont-ils plus enclins à aller dans la deuxième ou la troisième couronne? J'ai l'impression qu'actuellement les jeunes sautent par-dessus ces vieilles banlieues», dit l'urbaniste.

Andrée Fortin, du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues, estime pour sa part qu'on devrait faire avec ces banlieues ce qui a été fait avec les grandes villes. «Il y a eu beaucoup de programmes de rénovation dans les quartiers centraux - on parlait alors de petite-bourgeoisie-décapante -, mais il faudrait maintenant inciter les gens à avoir des programmes de rénovation de ces maisons-là, des programmes d'incitation», dit-elle.

Elle estime qu'une réflexion sur la banlieue s'impose. «On ne défera pas la banlieue, parce que la majorité de la population y habite. Mais il faut la repenser, penser aux transports en commun, aux services qu'on y offre.»

Tant à Longueuil qu'à Repentigny, on sait que si on veut attirer les familles, on devra regarnir ces quartiers de garderies et rafraîchir des parcs vieillissants. «Le réflexe des jeunes familles, c'est d'aller dans les nouveaux quartiers. C'est notre défi: les attirer dans les vieux quartiers», dit David Legault.