Esthète? Vous avez jusqu'au 6 novembre pour participer au concours «La maison coup de coeur 2011», le clou et la fin de la 21e Opération patrimoine architectural de Montréal. Cinq maisons finalistes, chacune le reflet d'une époque et d'un mouvement architectural, sont proposées au vote du public. Voyez comment leurs propriétaires ont relevé le défi d'une mise à jour en harmonie avec le style d'origine.

BEACONSFIELD

Un long toit de cèdre

Le caractère de la maison de Marie-Josée et Robert, à Beaconsfield, tient à son long toit en pente jusqu'au sol, revêtu de bardeaux de fente en cèdre. Plus en relief que le bardeau scié, le bardeau de fente imite un fendu à la hache. «Il fait toute la différence pour ce bâtiment, souligne Benoît Béland, l'architecte chargé des travaux. Il était impératif d'utiliser ce matériau, le même qu'à l'origine, pour rénover le toit et couvrir le nouvel étage.»

Érigée en 1966 par l'architecte Roger d'Astous, la maison reflète, en de nombreux points, le style de Frank Lloyd Wright, que D'Astous a eu l'occasion d'avoir comme professeur: jeux de poutres et de fenêtres, luminaires intégrés à l'architecture, beaucoup de vitre pour une proximité avec la nature - le lac Saint-Louis est omniprésent à chaque étage -, et utilisation du bois et de la pierre des champs.

Arrivés en 1992, les propriétaires décident de procéder à un agrandissement en 1998, la famille comptant désormais quatre enfants. À partir des plans d'origine, l'architecte Béland prolonge la ligne du toit pour former un autre étage, qu'il coiffe d'un «casque» à longs débords, pour protéger les fenêtres des intempéries. Cet espace abrite la nouvelle chambre principale et une salle de bain.

La structure de l'agrandissement est en poutres et poteaux, du lamellé-collé de sapin Douglas, comme celle du bâtiment d'origine. La cheminée en granit rose a été prolongée pour traverser ce nouvel étage.

Les fenêtres de la maison ont été refaites en pin d'Espagne. Certaines ouvertures, qui ne possédaient que des volets ouvrants, sont maintenant munies de panneaux vitrés. L'escalier, complètement ouvert pour ne pas obstruer la vue, a été doté d'un garde-corps de vitre, «pour la sécurité des enfants...», explique Marie-Josée.

La maison comprend un sous-sol, un niveau «lac» à flanc de falaise, invisible de la rue, un rez-de-chaussée et l'étage ajouté. «Nous avons tout remis à jour, à l'intérieur comme à l'extérieur», dit Marie-Josée.

OUTREMONT

Visionnaires et sensibles

«Il y a une grande maison à vendre, en face d'un parc, mais il faut être visionnaire!», annonce un jour Dominique Chatel, courtière en immobilier et amie de Manon et Pierre. D'autres acheteurs potentiels avaient écarté cet ancien presbytère de l'arrondissement d'Outremont, affligé d'un ruisseau dans la cave, d'un balcon déglingué à l'étage, et le reste à l'avenant.

Mais le bel environnement, la proximité des écoles pour les quatre enfants, les hauts plafonds (12 pieds), la luminosité et la sobre élégance de ce bâtiment, érigé en 1904, ont finalement emporté la décision du couple, qui acquiert la propriété à l'automne 2004 et se fait guider, pour de costaudes rénos, par les architectes Yves Gagné et Sylvie Gélinas.

Histoire de rendre la cave habitable - «certainement notre plus important défi», commente Pierre -, on a littéralement scié dans le roc pour excaver et aménager un lit de gravier, un drain français sur le périmètre extérieur et, à l'intérieur, un second drain français plus un bassin de collection doté d'une pompe.

La maison compte un nombre exceptionnel de vitraux à motifs floraux sur ses façades, dans la moitié supérieure des longues fenêtres. À la demande des propriétaires, «des clients très sensibles à la qualité architecturale», souligne Yves Gagné, les fenêtres ont été restaurées par un artisan spécialisé, de même que les portes, dont une seule a été changée. On a restauré le garde-corps du balcon avec des barreaux plus rapprochés, pour répondre aux normes de sécurité actuelles. Un vitrail en imposte, trop endommagé pour faire face aux grands froids, a été inséré dans le vide thermos d'une fenêtre neuve.

Une partie du rez-de-chaussée a été décloisonnée en espace contemporain incluant cuisine et salle à manger. Les blanches armoires de cuisine reproduisent le style des anciennes, et montent, comme autrefois, jusqu'au plafond. Du mobilier antique s'insère harmonieusement dans les salles de bain contemporaines. Les boiseries ont été restaurées, toutes les pièces et leurs luminaires, rafraîchis.

Photo: OPAM

Juste en face du parc Outremont, cette résidence centenaire se distingue par un nombre exceptionnel de vitraux, son balcon à colonnes toscanes et sa façade en pierre de taille surmontée d'un haut fronton triangulaire. Comme elle est construite sur le roc, on ne voit plus une goutte du ruisseau qui coulait dans la cave.

LASALLE

Le bois retrouvé

Lorsque Claudette et Jacques sont arrivés dans leur maison de LaSalle, il y a 20 ans, tout le bois extérieur, qui faisait la beauté de cette résidence, avait disparu au profit de l'aluminium. Sans sacrifier au confort contemporain, le couple a voulu retrouver le cachet d'origine, insufflé par l'architecte Maurice Dubé en 1962.

Engagé en 2003 pour procéder à des rénovations majeures, l'architecte Jules Auger a tout de suite trouvé intéressante cette résidence, dont plusieurs éléments dénotent l'influence de l'architecte Frank Lloyd Wright. «Par exemple, énumère ce professeur émérite à l'Université de Montréal: l'horizontalité de la maison, les grands bandeaux de fenêtres sous le toit, l'usage du bois et de la pierre, la prolongation du toit au-dessus du porche et le foyer à deux faces, au carrefour des pièces de jour et de nuit.»

Le travail majeur de restauration a consisté à refaire en bois les parements extérieurs: la porte d'entrée, le lambris du porche, la porte de garage, les soffites, des pans de mur et le dessous des baies vitrées en saillie. On a choisi du cèdre d'Espagne, dont les planches brutes ont été planées sur place et coupées sur mesure. La teinte naturelle de ce bois très uni s'harmonise avec la pierre orangée des murs extérieurs et du foyer. Jules Auger a dessiné une nouvelle porte d'entrée, qu'il a flanquée de deux vitraux symétriques, à motifs géométriques, eux aussi une référence à Wright.

Comme au jardin

Une pièce, plutôt sombre au départ, donne maintenant l'impression de baigner dans la lumière du très beau jardin: ses deux murs extérieurs ont été vitrés de haut en bas. La première idée de Jacques était de construire une serre. «Mais cela aurait altéré la forme générale du bâtiment, affirme M. Auger. Mieux valait faire entrer la nature dans la maison.»

La cuisine a conservé ses armoires en chêne (qu'on a décapées), et a troqué son prélart contre un plancher de chêne neuf.

Photo: OPAM

Cette maison d'architecture moderne a retrouvé ses parements de bois, en l'occurence du cèdre d'Espagne. Elle a gagné une pièce «nature» donnant sur le jardin, et chacun des espaces a été revisité.

PLATEAU-MONT-ROYAL

Trouver les pierres identiques

Janet et Michel Drouet habitent depuis 20 ans leur cottage du Plateau Mont-Royal, qui comporte un second logement au sous-sol. La maison, construite vers 1885, est la seule, dans un ensemble de quatre bâtiments identiques sur le square Saint-Louis, à avoir conservé son élégante porte d'entrée d'origine, ornée d'un vasistas en forme d'ogive et grillagé.

Autre richesse plus que centenaire, dans la chambre principale: on remarque une fenêtre qui a encore sa vitre de l'époque, avec des bulles dans l'épaisseur. D'authentiques volets intérieurs, qui rendent tout rideau inutile, se replient totalement dans l'épaisseur de l'embrasure aussi aisément que s'ils étaient neufs.

La rampe d'escalier, massive et sculptée, les moulures en parfait état, dont la ligne se courbe avant de suivre la pente de l'escalier, un puits de lumière dans la salle de bain et un second, octogonal celui-là, dans l'escalier, les solides portes de bois (2 pouces et 3/4 d'épaisseur!) et leurs respectables pentures de laiton, tous ces éléments ont traversé cent vingt-cinq ans avec grâce.

Surprise sous les bardeaux

La fausse-mansarde, à l'origine en tuiles d'ardoise, avait été étirée vers le bas et couverte de bardeau d'asphalte, lors d'une lointaine rénovation. Sa restauration réservait une surprise aux propriétaires et à leur entrepreneur, Pierre Bilodeau. En enlevant le bardeau, au lieu de la pierre remise à nu, c'est un grand trou qu'ils ont découvert! Il manquait une trentaine de pierres! Le mur s'était écroulé, et la fausse-mansarde avait été allongée pour masquer le trou. «Cache misère!», s'exclame Michel Drouet. Où trouver un matériau identique? Fort heureusement, l'entrepreneur avait dégagé, dans le passé, un mur effondré constitué des mêmes pierres calcaires grises. Il les a retrouvé là où il en avait disposé et... il y en a juste assez pour réparer la façade! Pour compléter, on a refait, exactement comme dans le temps, les boiseries ouvragées, en bleu et gris, qui entourent les lucarnes et bordent le revêtement d'ardoise.

Photo: OPAM

Une restauration avisée a rendu à cette maison du Plateau Mont-Royal sa fausse-mansarde d'ardoise et les boiseries ouvragées encadrant les lucarnes.

WESTMOUNT

Boiseries victoriennes

Cette maison victorienne de Westmount, remarquable par son balcon et sa véranda de bois ouvragé, était négligée depuis des décennies lorsque Leigh et Nino Guerriero l'ont acquise, il y a sept ans. Le balcon, le plus bel ouvrage de cette maison, avec sa majestueuse demi-rosace, tombait dangereusement en ruine. Le couple avait choisi la propriété surtout pour le terrain de 8000 pieds carrés, «bien situé et assez grand pour faire une patinoire en hiver», résume Nino.

Leigh et Nino achètent des magazines de décoration victorienne et entreprennent de restaurer les boiseries extérieures de leur résidence, qui date de 1880. «Quand on a vu comme ça pouvait être beau, on ne s'est plus arrêté», relate M. Guerriero. Les boiseries ont été restaurées en deux étapes: le balcon du haut en 2007 et la grande galerie du bas, l'été 2010, car il a fallu deux ans pour obtenir des barreaux semblables à ceux d'origine.

Le sous-sol présentait un défi de taille. «Le sol était recouvert d'une sorte de goudron de toiture, rapporte Nino. Les murs de fondation, de trois pieds d'épaisseur, perdaient leurs joints en poussière. Nino a nettoyé la pierre au jet de sable, défait les joints à la cuiller et tout rejointoyé avec du béton.

Le couple a restauré les moulures et le plâtre de chaque pièce. Un plafond a été complètement refait, car il s'est effondré alors qu'on travaillait sur le système électrique. Il a fallu également consolider un plancher, qui n'aurait pas longtemps retenu la baignoire, à l'étage, qui était sur le point de tomber dans la cuisine.

Les Guerriero ont vendu leur résidence, toute rajeunie, ce printemps, alors que l'Opam couronnait leurs travaux en la désignant maison finaliste. «C'est une grosse satisfaction de voir notre ancienne maison honorée, relate M. Guerriero. Nous y avons mis tellement d'efforts!»

Photo: OPAM

Les remarquables boiseries de cette demeure de Westmount, qui lui confèrent un caractère campagnard, ont retrouvé toute leur prestance.

Voter en ligne

La maison «coup de coeur du public» et le nom des gagnants du concours seront dévoilés le vendredi 18 novembre. Date limite pour voter: le dimanche 6 novembre, à 17h. Le vote se fait en ligne au www.operationpatrimoine.com. Le concours La maison coup de coeur est présenté par la Chambre immobilière du Grand Montréal et Historia, dans le cadre des activités de l'Opération patrimoine architectural de Montréal mise sur pied par la Ville de Montréal et la Fondation Héritage Montréal.