Si l'entreprise qui construit votre maison se dépêche d'enlever les formes ou le coffrage contenant le béton des fondations 24 heures, voire moins, après qu'il eut été coulé, empêchez-la. «Cela est particulièrement impératif s'il vente et fait chaud, puisque sera accélérée l'évaporation de l'eau indispensable à son complet mûrissement», exhortent un entrepreneur en excavation, un fabricant de béton et un conseiller en bâtiment. Tous trois de Charny et de Québec.

Car, pour que le béton s'échafaude bien, il faut lui conserver toute son eau. Les formes, heureusement, la gardent captive. «Sept jours de coffrage est la norme», dit-on chez Holcim Canada, autrefois Ciment St-Laurent, société à laquelle appartient le bétonnier Demix.

À la limite, trois jours, voire deux, paraissent acceptables, d'après Béton sur mesure de Québec et le conseiller en bâtiment Guy Lévesque de Capitale Inspection (Saint-Augustin-de-Desmaures). Bien que la probabilité que le béton ne soit pas bien charpenté reste grande.

«Vingt-quatre heures est à la limite extrême de l'acceptable. À cette hauteur, il y a péril. Mais en bas de ça, c'est carrément de la folie», dénonce Michel Lamontagne, président de Drainages de la capitale de Charny, entreprise spécialisée en excavation, en réparation de fissures, en lavage et restauration de drains.

Dans ce cas, il se produira sans doute une désagrégation de surface, voire de multiples fissures avec les années. «Il arrive même qu'on puisse introduire dans la masse, sans trop de mal, l'embout d'un tournevis», s'impatiente M. Lamontagne.

Pourvu, s'inquiète pour sa part M. Lévesque, que tout décoffrage hâtif spécialement soit fait avec soin, sans abîmer le béton, et que la tranchée, à l'extérieur, soit remplie, sans tassement excessif, avec des matériaux friables et drainant bien.

Ce serait un moindre mal, trouve pour sa part Ian Lavoie, administrateur et copropriétaire de Béton sur mesure de Québec, si le béton contenait un adjuvant accélérateur de prise et de durcissement qui le rendrait, du coup, plus résistant aux chocs. «Or, cet adjuvant est très coûteux et rarement employé», assure-t-il.

Formulation précise

Les bétons qui ont subi un mûrissage d'au moins sept jours, dans un moule ou un coffrage, vieillissent normalement bien. «Au bout de 50 à 75 ans - comme on en voit tant à la campagne sous les maisons et bâtiments de ferme -, ils paraissent encore neufs, restent efficients et bien portants», plaide Michel Lamontagne. Pour peu cependant que la formulation ait été précise, que le béton ait été préparé consciencieusement, coulé dans ses formes juste à temps et sans qu'on ne lui ait ajouté de l'eau pour le faire «patienter».

Car une demi-heure à trois quarts d'heure après sa sortie de la fabrique, la prise du béton s'amorce. Même s'il se meut, sur le chantier, dans la toupie en mouvement du camion malaxeur. En fait, il doit être coffré dans l'heure suivant l'introduction de l'eau dans le «mélange sable, pierre concassée et ciment» à l'usine.

Béton déprécié

M. Lamontagne n'y va pas par quatre chemins : depuis l'an 2000, le béton, sur un grand nombre de maisons neuves, souvent de choix, est déprécié. On est pressé d'en finir, on tourne les coins rond. Tandis que la résistance du matériau, hâtivement décoffré et son eau de surface évaporée, peut être coupée de moitié. Quand ce n'est pire encore.

«On a commandé un béton d'une résistance à la compression de 25 MPa (*), mais il pourrait ne donner que 8 ou 10 MPa. C'est honteux», dit l'entrepreneur autodidacte qui fait, au Québec, autorité en matière d'ocre ferreuse et sa maîtrise.

Un mélange soigneusement dosé

C'est le ciment qui donne au béton sa masse compacte. L'eau est, en quelque sorte, le carburant dont il a besoin pour y parvenir.

Le béton, en fait, ne durcit pas en raison de l'évaporation de l'eau, mais par son interaction chimique avec le ciment. Elle le vivifie. Ce compagnonnage donne toute sa charpente au matériau. Pourvu que le béton ait juste assez d'eau.

Si on en met trop dans une recette de béton, ce dernier sera poreux. Pas assez, il sera moins résistant. Car il ne pourra se fortifier partout.

Un ouvrage coffré retient l'humidité du béton. De même qu'est retenue celle d'un béton coulé dans la terre et qui sert de base à un poteau de clôture. Phénomène identique pour le béton contenu dans des Sonotube et dont la gaine de carton garde à plus forte raison l'humidité captive. Ces bétons mûrissent bien. Dans la mesure où ils ont été bien formulés et placés à temps.

Arroser la surface

Si, en revanche, l'ouvrage consiste en une dalle de terrasse ou de garage, on laissera d'abord prendre le béton. Après quatre ou cinq heures, expliquait Ian Lavoie, de Béton sur mesure, on arrosera régulièrement sa surface; avant la nuit, on le fera de nouveau, puis on couvrira d'une bâche jusqu'au matin. Faute de coffrage, l'eau peut ainsi faire sa place dans la masse. On pourra éventuellement répéter le travail un ou deux jours de plus.

On le fait d'ailleurs durant trois jours à une semaine, selon l'inspecteur en bâtiment Guy Lévesque de Saint-Augustin-de-Desmaures, sur les dalles et planchers des édifices en hauteur et des immeubles d'habitations. On ne peut courir le risque d'un béton mal charpenté. Puisque, tôt ou tard, il peut mettre en péril l'intégrité même des bâtiments.

Enfin, selon Holcim Canada, la vitesse de durcissement et de maturation du béton dépend de la nature même du ciment, de la température ambiante, de la présence ou non d'accélérateurs. Un ingénieur peut, par exemple, recommander un démoulage tardif.

Gel fatal

Finalement, un béton gelé est un béton mort. Le gel interrompt fatalement la prise. C'est radical. S'il gèle après deux jours, sa résistance sera celle d'un béton qui aura mûri deux jours. Par grand froid, on devra isoler le coffrage. Cependant qu'on couvrira une semelle (footing) ou une dalle de laine isolante.

Après sept jours, on estime que le béton a atteint 40 % à 60 % de sa résistance finale. Après 28 jours, de 60 % à 80 %. Ensuite, il continue lentement sa maturation. Il est même réputé ne jamais cesser de le faire. D'où son renom de matériau vivant.

(*) MPa pour mégapascal. Il s'agit d'une unité de mesure de la force du béton ou de toute autre matière solide. Elle est concordante à une contrainte perpendiculaire qui porte sur une surface plane d'un mètre carré. C'est sa capacité de résister à la compression.