Les piqueniqueurs chassés de la place d'Armes pour cause de travaux ont tôt fait de fréquenter Friche et célèbre, un «parc éphémère» juste un peu plus à l'ouest, sur Notre-Dame, côté sud. Le long trottoir jaune vif, en diagonale sur le terrain Pigeon Hole, du nom du stationnement étagé jadis en ces lieux, est l'oeuvre d'un petit groupe du milieu du design (architecture du paysage, architecture, urbanisme), animé du sens de l'appropriation de la ville par ses citoyens.

«L'endroit est destiné à demeurer un terrain vague tant qu'un promoteur immobilier n'y bâtit pas, explique Olivier Lapierre, consultant en participation citoyenne et artisan de la première heure de ce projet. Le propriétaire, Jacques Robitaille (des hôtels Jaro), a donné son assentiment pour un aménagement éphémère.»

Le projet a pris forme timidement l'été dernier, pour véritablement prendre son élan au printemps 2010, lors d'une «charrette d'idées» chez Patrick Lalonde, riverain du parc à titre de propriétaire de la boutique de mode Sporting Club. Plans et devis en main, le groupe a décroché quelques subventions, notamment de la Société de développement commercial du Vieux-Montréal (20 000$) et de l'arrondissement de Ville-Marie (10 000$). La Société de développement commercial du Vieux-Montréal, quartier historique, a tout de suite apporté son soutien logistique. «Ça mobilise les commerçants et ça anime le quartier, se réjouit Mario Lefrançois, directeur général de la SDC. Il y a même des groupes qui réservent pour un 5 à 7.»

Lecture, bouffe, pétanque

Une arche noire cubique sur la passerelle jaune marque le point de départ d'une table de banquet - contreplaqué posé sur huit blocs de béton - capable d'accueillir 60 personnes. Une trentaine de bancs de parc non fixes font les délices des lecteurs. Derrière la table: un minipré et ses papillons. Devant: un vieux poteau électrique décoré de jardinières, avec un bosquet à sa base, attirant les oiseaux. Des passants mangent, lisent, travaillent sur leur portable, jouent à la pétanque... Au moment de la visite de La Presse, trois jeunes femmes au bout de la longue table jouaient à un jeu de société avec cartes, planchette et pions.

Spectacles et marché

«Outre le libre usage par les citoyens, des événements animent la place, dont on peut voir la programmation sur place et sur Facebook (Pigeon Hole Renewal)», reprend M. Lapierre. À venir entre autres: une sélection de courts métrages, dans le cadre du Festival du nouveau cinéma, le 3 septembre à 20h30. Et aussi: la Fête des récoltes les 11 et 12 septembre: un marché public le samedi suivi d'un repas ouvert à tous le dimanche, popoté par le restaurant Pasta a Piacere.

«Friche et célèbre rend tout le secteur plus convivial», estime Christine Caron, de l'Association des résidants du Vieux-Montréal, qui qualifie ce parc éphémère «d'expérience heureuse». Mme Caron apprécie tout particulièrement les activités «appropriées au milieu» choisies par les organisateurs: défilé de mode, spectacles plutôt intimes, «car il n'y a pas de place pour une foule».

Les installations éphémères se multiplient dans les villes du monde, devant l'exigence croissante des citoyens d'humaniser le milieu de vie urbain. À Montréal, mentionnons Paysages éphémères, depuis six étés sur le Plateau-Mont-Royal, et le Champ des possibles, rue Saint-Viateur dans le Mile End.