Après qu'il eut écouté avec fascination l'interprétation du classique de Leonard Cohen «Hallelujah» par K.D. Lang lors des cérémonies d'ouverture des Jeux olympiques de Vancouver, un Montréalais s'est tourné vers sa femme.

«Est-ce que tu réalises qu'il existe une possibilité que les paroles de «Hallelujah» aient été composées dans cette chambre?», a demandé Marcel Guay à sa femme Mary il y a quelques mois. Le couple était alors confortablement assis dans son domicile à Westmount et regardait la prestation de l'artiste canadienne à la télévision.M. Guay avait peut-être raison.

Les Guay étaient là, dans leur somptueux refuge situé en haut des escaliers, qui a jadis servi de salle d'enregistrement à M. Cohen dans la résidence familiale.

Maintenant que leur dernier enfant a déménagé, les Guay tentent de vendre la maison achetée en 2005 où l'un des artistes les plus réputés du monde a grandi.

Cela signifie que quelqu'un pourrait vivre l'expérience qu'ils ont vécue.

Le prix demandé? 1 395 000 $.

La maison victorienne a été construite sur une rue paisible, à proximité du parc King George (toujours connu sous le nom de parc Murray par les habitants du coin), qui s'étend jusqu'au bas du Mont-Royal, offrant ainsi une vue panoramique de la ville et des montagnes à l'horizon.

«Certains de ses premiers poèmes et de ses premières oeuvres littéraires ont été rédigés ici, et en conséquence le secteur, je suppose, l'a inspiré d'une façon ou d'une autre», a confié M. Guay, qui a acheté la propriété dans ce secteur aisé il y a cinq ans.

«C'est bien aménagé, donc vous pouvez vous imaginer ce que c'est d'y vivre.»

Cette maison est même devenue un lieu de pèlerinage pour les fidèles de M. Cohen.

Il y a parfois des fans qui se regroupent durant la fin de semaine, qui restent bouche bée lorsqu'ils passent lentement devant la maison, tandis que d'autres prennent des photos d'eux devant la façade du bâtiment.

«Des gens sont venus cogner à la porte pour nous demander s'il s'agissait vraiment de la maison de Leonard Cohen, et nous ont demandé s'ils pouvaient jeter un oeil à l'intérieur», a-t-il expliqué.

«Nous n'encourageons pas tellement cela. Pour eux, c'est un musée, et ils viennent ici pour voir les reliques.»

En raison de l'attention, vendre l'ancienne maison d'une légende peut s'avérer être une tâche passablement difficile.

Depuis que la maison a été mise en vente en février, plusieurs personnes ont trompé l'agent immobilier de M. Guay en prétendant vouloir l'acheter, simplement pour la visiter.

Un couple américain, qui avait déclaré à l'agent de M. Guay qu'il prévoyait déménager son entreprise de New York à Montréal, a pris plusieurs photos. L'agent a ensuite découvert que ces photos avaient été mises en ligne sur un site Internet dédié à M. Cohen.

Le couple se targue d'ailleurs d'avoir demandé à l'agent de lui faire visiter l'ancienne synagogue que fréquentait M. Cohen ainsi que son ancienne école secondaire.

«Ce n'était pas seulement un voyage - c'était un pèlerinage sur une terre sacrée, la ville natale de Leonard», peut-on lire sur le site leonardcohen.com.

«Je me sens si chanceuse d'avoir pu marcher sur la même rue que celle qu'il a empruntée - je voulais embrasser le trottoir.»

M. Guay, qui croyait d'abord que l'histoire de la maison qui avait été construite il y a 85 ans ajouterait à son cachet. Il ressent aujourd'hui un peu d'amertume.

«Vous ignorez ce qui se produira une fois que vous découvrez que, comme c'est le cas ici, c'est une maison célèbre», a-t-il lâché avec un sourire en coin.

Le chanteur, compositeur, poète et auteur de renom aurait vécu dans cette résidence de l'avenue Belmont jusqu'au milieu des années 1950, soit jusqu'à l'âge d'environ 20 ans.

La mère de l'artiste est demeurée dans la résidence qui compte cinq chambres pendant plusieurs années après le départ de son fils. Après son décès, la famille a vendu la propriété en 1997 et le nouveau propriétaire, John Baker, a découvert la chambre d'enregistrement telle que l'artiste l'avait laissée.

Dans la salle aux trésors, M. Baker a trouvé l'une des guitare de Leonard Cohen et des partitions musicales originales, dont celles de ses deux plus grands succès, «Suzanne» et «Hallelujah». Cette dernière est l'une des chansons les plus reprise de tous les temps.

Le propriétaire, qui a par la suite vendu la maison aux Guay, a contacté le chanteur pour savoir s'il désirait récupérer ses biens. L'artiste a alors répondu «ah, ne te fais pas de soucis, jette-les, simplement», a raconté M. Guay, qui souligne par ailleurs que M. Baker a évidemment conservé les objets.

Désormais âgé de 75 ans, Leonard Cohen possède toujours une maison à Montréal mais dans un autre coin de la ville. Mais M. Guay, qui habite Westmount depuis 35 ans, affirme que l'artiste discret n'a pas visité son ancienne demeure depuis qu'il en le propriétaire.

Mais ce dernier ne la reconnaîtrait probablement pas puisqu'elle a subi de nombreuses rénovations.

Ainsi, même si la vedette ne visite plus les lieux, il a néanmoins marqué le secteur. «Son fantôme erre dans le quartier, plusieurs personnes ici se rappellent de lui très bien», témoigne Marcel Guay.