Notre collaborateur s'est rendu à Baie-Saint-Paul quelques jours avant Noël pour passer un week-end dans la maison construite par les Compagnons du rebut global l'automne dernier. Histoire de vérifier si cette maison écologique est plus qu'un beau concept sur papier...

Notre collaborateur s'est rendu à Baie-Saint-Paul quelques jours avant Noël pour passer un week-end dans la maison construite par les Compagnons du rebut global l'automne dernier. Histoire de vérifier si cette maison écologique est plus qu'un beau concept sur papier...

Après quatre heures de voiture, nous arrivons enfin, un peu épuisés, sur les berges du fleuve Saint-Laurent à Baie-Saint-Paul, où se trouve Habitat 07. Le décor est magnifique. La vue sur les montagnes de Charlevoix et sur l'Isle-aux-Coudres vaut à elle seule le déplacement.

Quelques jours avant Noël, Charlevoix, comme tout le Québec, n'est pas épargné par les changements climatiques. En ce vendredi 22 décembre, la neige est rare, quelques centimètres au sol tout au plus. Le mercure dépasse largement le point de congélation. Mon objectif de tester la maison sous les grands froids hivernaux tombe rapidement à l'eau.

À l'intérieur, Francis Pronovost, un des sept compagnons ayant construit la maison, nous accueille pour nous expliquer, de A à Z, le fonctionnement de Habitat 07. Même si cette maison expérimentale utilise des technologies high-tech, comme la production d'énergie à partir de panneaux photovoltaïques, de capteurs solaires thermiques et d'une éolienne et qu'elle est interconnectée à Hydro-Québec pour y renvoyer ses surplus d'énergie, tout le système électrique est automatisé.

La fenestration abondante inonde de lumière la grande cuisine de cette maison écologique. Ses occupants ont l'impression de cohabiter avec l'environnement immédiat.

Les résidants n'ont qu'une seule chose à faire pour y vivre confortablement: mettre du feu dans la cheminée, car le chauffage est assuré uniquement par un immense foyer de masse thermique trônant au coeur de la maison. Ce type de foyer brûle plus proprement le bois qu'un poêle ordinaire grâce à sa très haute température de combustion, qui élimine la plupart des polluants contenus dans la fumée.

En théorie, un gros feu par jour devrait suffire amplement pour chauffer Habitat 07, deux par temps glacial, puisque ce foyer accumule la chaleur dans son énorme masse et la diffuse tranquillement dans les heures qui suivent. Donc, on bourre la cheminée d'une dizaine de bûches, Une heure plus tard, on recommence. Et ainsi de suite pendant quelques heures. Résultat en début de soirée: on gèle encore!

Pas convaincant, sauf qu'une nuance s'impose. À notre arrivée, la maison était inhabitée. Le foyer de masse prend du temps, beaucoup de temps, avant d'emmagasiner et de dégager de la chaleur.

Une chaleur subtile

Sceptiques au départ quant à l'efficacité du foyer de masse, nous avons finalement été convaincus de sa puissance à la troisième journée de notre séjour.

On était sur le point de conclure que ce foyer écologique ne vaut pas le bois qu'il brûle lorsqu'au troisième jour, il a révélé toute sa puissance. Quotidiennement alimenté, il conserve sa chaleur pendant des heures et des heures, même au petit matin, quand on a ajouté l'ultime bûche la veille vers 18 h. À la différence d'un poêle à bois, le foyer de masse ne surchauffe pas, diffuse subtilement la chaleur partout dans la maisonnée et n'exige pas qu'on se réveille la nuit pour ajouter du combustible. En plus, il brûle le bois de façon tellement efficace qu'il génère très peu de cendre. Verdict: le foyer de masse accomplit sa mission. Le seul hic, c'est qu'il faut constamment corder du bois. Un petit sacrifice largement compensé par l'atmosphère chaleureuse d'un feu de foyer.

Pour passer le temps, nous lisons en admirant le paysage grandiose de Charlevoix à travers les immenses fenêtres et hublots d'Habitat 07. En fait, cette maison possède plus de vitres que de murs, nous procurant un contact unique avec l'environnement avoisinant. Seul le ronronnement d'un paquebot sur le fleuve vient parfois briser notre quiétude.

Conscientiser les citadins

Les panneaux photovoltaïques ont perdu de leur efficacité lorsqu'une petite bordée de neige collante les a recouverts.

Dans le salon, un panneau de contrôle énergétique dresse le portrait nuit et jour de notre consommation d'énergie. Rien de mieux pour conscientiser des citadins comme nous aux économies d'énergie. Par conséquent, on avait tendance à vivre dans Habitat 07 comme dans un refuge, en allumant le moins possible les lumières et en utilisant des chandelles afin de ne pas abuser des kilowatts d'Hydro-Québec. On se sentait même coupable lorsqu'on allumait le fourneau!

Sur ce tableau de bord de la maison, on a constaté que les capteurs solaires thermiques, installés sur le toit, s'avère peut-être la technologie la plus efficace. Même en hiver, alors que le mercure avoisine les 5 degrés, ce système arrive à préchauffer l'eau à près de 40 degrés Celsius avant qu'elle ne se jette dans le réservoir à eau chaude. L'élément du chauffe-eau n'a alors que 15 degrés à ajouter pour atteindre la température requise de 55 degrés. Normalement en hiver, l'eau du robinet qui se jette dans le chauffe-eau est à 5 degrés.

Par contre, les 12 panneaux photovoltaïques souffrent du mauvais temps. À 14 h le vendredi, ils ne fournissaient que 115 Watts d'énergie sur une possibilité de 1000. Le lendemain, le ciel se couvre et la pluie se met à tomber. Ils ne produisent alors rien de la journée. Sans notre connexion à Hydro-Québec, Habitat 07 ne pourrait fonctionner.

Dimanche matin, une petite bordée de neige collante tombe à l'aube, recouvrant les panneaux photovoltaïques. Pendant des heures, malgré un soleil aveuglant, les panneaux produisent peu d'énergie. Il faut dire qu'il y avait de la neige accumulée sur les panneaux. Quant à la petite éolienne sur le toit, elle n'a pas fonctionné pendant trois jours, faute de vent! Dépendre uniquement des énergies alternatives, ça demeure encore un rêve inaccessible.

La conclusion de notre expérience: Habitat 07 prouve que la maison de l'avenir, autoproductrice d'énergie et érigée avec des matériaux sains et recyclés, rivalise en confort avec les maisons ordinaires. Il reste à tester son utilisation dans les périodes de grands froids et en pleine canicule. Les grandes fenêtres ne risquent-elles pas de surchauffer la maison? À voir.

Habitat 07 en bref

- But des constructeurs : rendre la maison la plus autonome possible sur le plan énergétique en misant sur les énergies alternatives et l'efficacité énergétique.

- Habitat 07 produit de l'énergie à l'aide de ses 12 panneaux photovoltaïques, de ses capteurs solaires thermiques et de sa petite éolienne. En été, elle retourne ses surplus d'énergie sur le réseau d'Hydro-Québec, faisant ainsi tourner à l'envers la roulettedu compteur.

- Le chauffage est assuré par un foyer de massethermique, beaucoup moins polluant qu'un poêleà combustion lente.

- L'orientation sud-est de la maison permet de profiter au maximum de l'énergie solaire passive (et, accessoirement, de la magnifique vue sur le fleuveet l'Isle-aux-Coudres!).

- Cette maison est isolée en laine de mouton, en laine de coton recyclé, en ballots de paille et en cellulose.

- Budget pour l'achat de matériaux : 77 777, 77 $, dont 20 000 $ ont servi à l'achat des panneaux photovoltaïques.

- Les producteurs de la série ont cédé Habitat 07 à la Ville de Baie-Saint-Paul, qui la convertira en centre d'interprétation sur les maisons écologiques.

D'abord une série télé

Dans le troisième volet de la série du Rebut global, les Compagnons ont délaissé les matériaux récupérés pour privilégier l'utilisation des énergies alternatives et des matériaux à haute efficacité énergétique. Cette nouvelle série documentaire sera diffusée sur les ondes de Télé-Québec à partir du lundi 8 janvier, à 20 h. L'émission sera rediffusée les mardis à 13 h 30, les mercredis à 23 h, les jeudis à minuit et les samedis à 14 h.