La rumeur est confuse. D'un côté, des proches vous disent que l'achat d'un immeuble constitue un placement de choix. De l'autre, les médias font état d'un ralentissement du marché immobilier. Qui croire ?

La rumeur est confuse. D'un côté, des proches vous disent que l'achat d'un immeuble constitue un placement de choix. De l'autre, les médias font état d'un ralentissement du marché immobilier. Qui croire ?

Après avoir connu une performance exceptionnelle depuis le début de la décennie, le marché immobilier résidentiel s'essouffle. Dans la région de Québec, le nombre de mises en chantier diminue, tandis que l'offre de propriétés augmente sur le marché de la revente, indiquait à la fin novembre la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

Selon les prévisions de l'organisme, en 2007, la croissance des prix s'atténuera et le taux d'inoccupation dans les immeubles locatifs augmentera pour s'établir à 2,2 %. «On est sur une pente descendante, mais qui descend très lentement, commente Jean-François Dion, analyste à la SCHL. Pour les investisseurs, ça devrait être encore assez bon. Même si l'offre est toujours limitée et les prix sont encore assez hauts, la vigueur du marché du travail et le niveau des taux d'intérêt font que la demande reste vive.»

Or, comme le souligne Éric Brassard, planificateur financier et auteur du livre Un Chez-moi à mon coût, «le marché immobilier est un marché très imparfait». C'est-à-dire que dans une même conjoncture, la rentabilité peut varier d'un secteur - et d'un bâtiment - à l'autre.

Emplacement

C'est pourquoi, pour la plupart des initiés, une règle prévaut sur toutes les autres : choisir le bon emplacement. Bien sûr, un immeuble situé dans un quartier branché se vendra plus cher qu'un autre localisé dans une zone désaffectée. Par contre, le second risque d'être plus facile à louer ou à revendre que le premier. L'astuce consiste donc à «acheter dans un coin qui s'améliore», résume Georges (nom fictif), propriétaire de plusieurs immeubles à logements à Québec.

Selon Jacques Lépine, président fondateur du Club des investisseurs immobiliers, il est juste de se méfier des secteurs où il y a un surplus d'offre. Toutefois, nuance-t-il, les quartiers moins prisés ne sont pas nécessairement en proie à un exode. Si le taux d'inoccupation ne se situe pas au dessous de 3 %, «le marché est à l'équilibre», évalue-t-il.

Prix à l'achat

Mais au-delà de l'emplacement, M. Lépine estime que pour assurer la rentabilité d'un immeuble, il faut d'abord «faire son profit à l'achat». C'est-à-dire acheter un immeuble dont le prix est inférieur à celui du marché. Dans la majorité des cas, ces trésors se trouvent dans les mains de ceux qu'il appelle les «vendeurs motivés». Un couple qui divorce, une personne en défaut de paiement ou l'héritier d'une maison, par exemple. Pour les trouver, se bâtir un réseau de contacts demeure la meilleure solution. Mais il existe aussi des bases de données accessibles au grand public, comme le registre foncier du Québec, accessible par le site www.registrefoncier.gouv.qc.ca (frais de 1 $ par document consulté).

Par ailleurs, il faut savoir que «plus tu achètes de portes (dans un immeuble), moins le logement coûte cher», note Raymond Bernadet, 55 ans, lui aussi propriétaire de plusieurs immeubles à Québec. Dans les conditions actuelles, ce dernier estime qu'en dessous de trois logements, la rentabilité est médiocre. «Les triplex, dit-il, c'est trop cher. (...) Pourquoi est-ce que j'achèterais des dépenses?»

Pour vérifier la rentabilité d'un immeuble par rapport au prix demandé, M. Bernadet a adopté une simple formule. Il soustrait de ses revenus les dépenses (assurances, taxes etc.) sans tenir compte de l'hypothèque, et «si ça (le prix) dépasse 10 fois le (revenu) net, tu sais que c'est perdu», dit-il.

Qualité du bâtiment

Une fois la perle rare trouvée, une évaluation s'impose. Les fondations, la toiture, le système de chauffage, l'isolation sont-ils en bon état? Sinon, des réparations sont à prévoir. Ce qui, encore une fois, peut jouer sur le prix.

Mais, au fait, qui inspecte? D'après Raymond Bernadet, il est préférable d'éviter les inspecteurs en bâtiment, puisque le métier n'est encadré par aucune association professionnelle - bien qu'il existe des programmes de certification. Il suggère plutôt d'embaucher un ingénieur en bâtiment, lequel est encadré par un ordre reconnu.

Après avoir vérifié l'emplacement, le rendement et la qualité du bâtiment, «il ne faut pas oublier que t'achètes les locataires qui viennent avec l'immeuble», souligne Georges, le discret propriétaire. Payeront-ils chaque mois? Transformeront-ils leurs logements en discothèque? Avant d'acheter, Georges effectue sa petite enquête. Il interroge les voisins en ce qui a trait aux locataires actuels. Demande des références pour les nouveaux. À cet égard, «l'emploi n'est pas un critère», précise-t-il.

«La majorité des assistés sociaux paient très bien», note pour sa part M. Lépine. Ce dernier affirme n'avoir déposé que trois plaintes liées au millier de logements qu'il a déjà possédés à Sainte-Foy, Québec et Charlesbourg.

Bien entendu, des histoires d'horreur peuvent arriver sans qu'on puisse les prévenir. «Mais c'est assez rare», estime Georges. Le danger réside davantage dans la capacité des acheteurs à composer avec les problèmes quotidiens. «C'est insidieux, dit ce dernier. Il peut y avoir des problèmes dans le milieu de la nuit. C'est 24 heures sur 24, sept jours sur sept. (...) T'as une relation intense avec les gens. Si tu n'es pas diplomate, c'est difficile.»

Réticences

Si tout cela ne vous effraie pas, reste à passer à la banque. En général, celle-ci exige une mise de fonds équivalente à 25 % du prix de vente. Mais il est possible d'obtenir un autre prêt en recourant à un organisme comme la SCHL (moyennant bien sûr des intérêts plus élevés) ou auprès de prêteurs privés.

Contrairement à la croyance populaire, il est préférable d'étirer son hypothèque, de manière à faire les plus petits paiements mensuels possible, souligne Éric Brassard. «Les gens s'imaginent que l'immeuble est plus rentable quand il est payé, alors que c'est souvent l'inverse.» Les investissements immobiliers sont déductibles d'impôt, souligne-t-il. Vaut donc mieux régler des dettes plus urgentes ou investir ses épargnes ailleurs plutôt que de tout consacrer au remboursement de son immeuble - car de toute manière, l'immeuble se paiera au moment de la vente. «C'est le contexte idéal pour s'endetter», dit-il.