«Bienvenue chez nous!» lance Esther Leblanc en ouvrant la porte du cottage que son gendre Emmanuel, sa fille Sophie et elle-même viennent d'acheter dans le quartier Mile End, à Montréal. À l'intérieur, il ne reste plus que la charpente. La famille s'apprête à rénover l'immeuble pour en faire un triplex écologique et sain, particulièrement pour la dernière-née du clan, Arielle.

«Bienvenue chez nous!» lance Esther Leblanc en ouvrant la porte du cottage que son gendre Emmanuel, sa fille Sophie et elle-même viennent d'acheter dans le quartier Mile End, à Montréal. À l'intérieur, il ne reste plus que la charpente. La famille s'apprête à rénover l'immeuble pour en faire un triplex écologique et sain, particulièrement pour la dernière-née du clan, Arielle.

En habitant près des commerces et de leur lieu de travail, la famille n'aura qu'à marcher et à prendre le vélo pour la majorité de ses déplacements.

Mais d'ici à ce que la bambine, aujourd'hui âgée de 7 mois, trottine entre l'appartement de «mamie» et celui de ses parents, la liste des travaux à accomplir est longue. «Notre maison sera un exemple d'économie d'énergie, de récupération de matériaux et de fonctionnement respectueux de l'environnement, s'enthousiasme Emmanuel Blain-Cosgrove. Je ne pourrais pas faire mieux.» Plus loin, son amoureuse et sa belle-mère approuvent en souriant, visiblement ravies de prendre part au projet.

Responsable du chantier, Emmanuel est consultant en habitation écologique. Il a participé à la construction de plusieurs maisons vertes au cours des dernières années. À l'occasion de son dernier contrat, Sophie et lui ont décidé qu'ils seraient les prochains à vivre dans une demeure verte.

Les voilà donc à rénover leur maison, une ancienne boutique de perruques pratiquement laissée à l'abandon. Ils y aménageront un espace bureau et y ajouteront un étage. Esther occupera les deuxième et troisième planchers avec son fils Julien.

De quoi remplir l'agenda de toute la famille jusqu'à Noël. Ensuite, Emmanuel entreprendra la construction d'une annexe de trois étages à l'arrière de l'édifice principal. À la fin de l'automne 2007, il y vivra avec Sophie et leur fille. Le couple louera les appartements restants.

«L'édifice était vraiment dans un très mauvais état quand nous l'avons acheté, raconte Sophie Leblanc. Mais c'était une très bonne chose! Ça nous permet de recommencer à zéro et de le rénover de fond en comble.»

Un toit vert où la famille entend faire pousser de la roquette, des tomates et des fines herbes. Pour l'aménager, Emmanuel a utilisé la terre du jardin à l'arrière de la maison, à l'endroit où il construira l'annexe du triplex.

Pas question toutefois de remplir aveuglément des conteneurs à déchets. Affectueusement qualifié de «maniaque» par Sophie et Esther, Emmanuel a enlevé un a un tous les clous des planches qu'il a arrachées aux murs. Il réutilisera presque tout le bois.

Passé maître dans la réutilisation des matériaux de construction, Emmanuel a cofondé le site Internet www.ecohabitation.com. Il y recense notamment plusieurs endroits où se procurer des matériaux récupérés et y vante les vertus de l'habitation verte.

Le jeune consultant estime que les travaux qu'il mène dans le futur triplex nécessitent l'utilisation de 80% de matériaux récupérés.

Le rez-de-chaussée de l'immeuble a d'ailleurs un peu l'allure d'un entrepôt. Ici, des morceaux d'ardoise pour les salles de bains, là une pile de planches pour la structure, plus loin, une montagne de clous extraits de vieux morceaux de bois... Au bout du compte, les visites des futurs propriétaires dans les grands centres de rénovation auront été limitées au maximum.

Des choix

Dans un coin, des boîtes de plancher flottant s'empilent. Il s'agit d'un surplus d'inventaire qu'Emmanuel Blain-Cosgrove a probablement sauvé du dépotoir. Un beau geste environnemental qui a cependant un mauvais côté:la colle des planches contient des polluants. Ces composés organiques volatiles (COV) se dispersent graduellement dans l'air ambiant.

Des tunnels de lumière flexibles amèneront de la lumière aux endroits les plus sombres du troisième.

«La plupart des COV que contient ce plancher se sont probablement déjà volatilisés, dit le consultant sur un ton rassurant. Par contre, quand on veut récupérer et réutiliser le maximum de matériaux, il faut parfois faire un choix et sélectionner des matériaux un peu moins sains. Je calcule toujours ce risque pour ne pas nuire à la santé de ma famille.»

Les propriétaires peindront les murs intérieurs de leur appartement avec de la peinture recyclée. Composée en majorité à partir de peinture conventionnelle, elle contiendra donc elle aussi des COV.

Là encore, la famille a fait un choix réfléchi. «Bien sûr que certains éléments de cette peinture peuvent se disperser dans l'air, conçoit Emmanuel Blain-Cosgrove. Par contre, les produits chimiques nocifs dans la peinture originale se sont presque tous dispersés. Je crois que l'avantage est plus grand de récupérer cette peinture que de l'envoyer aux poubelles.»

Par contre, en construisant le troisième étage, il a dû se résoudre à se débarrasser de quelques vieux madriers à l'odeur inquiétante de kérosène. «Parmi les critères que nous nous sommes fixés, il y en a un auquel je ne dérogerai pas:aucun matériau puant n'entrera dans la composition de la maison où vivra ma fille.»

Plus cher?

À utiliser ainsi les «restes» des autres, on s'attend à ce qu'Emmanuel Blain-Cosgrove, Sophie et Esther Leblanc réalisent certaines économies. «Rien n'est moins certain, affirme Emmanuel. Rénover notre immeuble aura coûté autant que si on l'avait jeté par terre pour en bâtir un neuf. On n'économise pas, mais on a bien meilleure conscience!»

La famille se procure des matériaux à meilleur coût, mais d'autres initiatives vertes viennent gonfler la facture. Les fenêtres homologuées EnergyStar, le système de récupération des eaux grises, le toit vert et le système géothermique ont un coût qu'elle doit assumer.

«Personne ne peut prétendre construire une maison à très bas prix, dit Emmanuel. Une maison, ça coûte cher. Il est par contre faux de croire que c'est beaucoup plus cher de construire une maison ayant un faible impact sur l'environnement. Ça demande l'investissement de beaucoup de temps, mais pas nécessairement d'argent.»

Ainsi, Emmanuel consacre de nombreuses heures à se mettre à jour sur les nouveautés écologiques pour la maison et à chercher les matériaux récupérés dont il a besoin. Un luxe que ne peut se permettre la majorité des propriétaires.

«Ceux qui ne connaissent rien à l'habitation verte peuvent acheter une maison conventionnelle et y ajouter des éléments plus sains et plus respectueux de l'environnement. Ce serait un bon départ, ni contraignant ni coûteux.»

Une maison verte à la carte? D'après lui, de simples initiatives comme suggérer à un entrepreneur d'isoler les murs à la cellulose (un isolant performant surtout composé de papier journal recyclé), d'installer des toilettes à économie d'eau et de privilégier les matériaux durables comme le bois limite les impacts de la construction sur l'environnement.

Évidemment, de voir des projets écologiques ambitieux peut intimider certains propriétaires, constate le jeune père de famille. «Il faut seulement en venir à s'interroger sur les impacts de nos décisions quand on rénove ou qu'on construit une maison neuve, ajoute-t-il. La tendance est encourageante et j'ai l'impression que de notre vivant, on va assister à une révolution de l'habitation.»

10 INITIATIVES

La rénovation verte du cottage acheté par Emmanuel Blain-Cosgrove ainsi que par Sophie et Esther Leblanc comporte plusieurs initiatives dignes d'intérêt. Les voici

1 - Un toit vert où la famille entend faire pousser de la roquette, des tomates et des fines herbes. Pour l'aménager, Emmanuel a utilisé la terre du jardin à l'arrière de la maison, à l'endroit où il construira l'annexe du triplex.

2 - Un système de récupération des eaux grises provenant des douches afin de limiter le gaspillage de l'eau potable.

3 - Des tunnels de lumière flexibles destinés à amener la lumière du soleil jusqu'aux endroits moins éclairés du troisième étage.

4 - Des murs isolés à la cellulose un produit composé à 80 % de papier journal recyclé ou encore avec du polyuréthane fait à partir d'huile de soya.

5 - Des portes anciennes au cachet vieillot dénichées dans un centre de récupération.

6 - Un système géothermique pour tout le triplex. De profonds puits sous la maison refroidiront l'air l'été et le réchaufferont l'hiver.

7 - Des planchers de bambou à croissance rapide au troisième étage. Cette plante, surtout cultivée en Chine, repousse en moins de cinq ans. Aux yeux d'Emmanuel, cet avantage contrebalance l'énergie supplémentaire utilisée pour faire venir ce produit d'Asie.

8 - Des fenêtres à double vitrage homologuées EnergyStar, pour un rendement énergétique maximal.

9 - Des panneaux d'ardoise récupérés pour recouvrir le plancher du hall d'entrée, ainsi que les murs des salles de bains.

10 - Des toilettes à double chasse pour tout l'immeuble.